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Nuit de peur chez les chrétiens, colère des musulmans au matin

Nuit de peur chez les chrétiens, colère des musulmans au matin

Le couvre-feu et la nuit sont à peine tombés, des détonations éclatent aux abords du quartier chrétien Malimaka de Bangui samedi soir.

Ce quartier très peuplé touche celui de Miskine, où des tirs aveugles entre jeunes musulmans et miliciens chrétiens anti-balaka terrorisent la population.

Léonce a pris soin de rentrer à Malimaka avant le couvre-feu. Au cas où un imprévu le bloquerait sur la route, avant la pénombre qui noie son quartier peu éclairé.

Sa maison n'est pas la plus exposée du pauvre quartier, elle est défendue par des tôles hautes de deux mètres, rempart fragile face aux balles. Il se prépare à passer une sale nuit, avec sa femme et ses quatre enfants

"Tu entends, tu entends comme ça tire?" demande-t-il par téléphone. "Ils sont à cinquante mètres!". Des tirs nettement audibles éclatent, à intervalles irréguliers. Alertée, la force française Sangaris envoie une patrouille qui passe dans la demi-heure qui suit.

"Ca s'est calmé tant qu'ils sont restés près de chez nous. Ils sont repartis, ça a repris", raconte Léonce, qui ajoute que des grenades explosent.

Harcelés, traqués, pillés, tués par les anti-balaka depuis des jours, les musulmans de Bangui ont prévenu qu'ils allaient répliquer.

Dès vendredi, jour de prière et de deuil, le recteur de la principale mosquée du secteur, Walidou Modibo, annonçait à la presse que "devant la passivité complice des forces chargées du maintien de l'ordre" les imams "laissent les fidèles décider eux-mêmes des réactions les plus appropriées" aux attaques.

Il venait à peine de terminer son discours que les musulmans apprenaient l'assassinat, dans Miskine, d'un ancien ministre, Joseph Kalité, déchiqueté à coups de machette. C'était un membre puissant de la Séléka, la rébellion majoritairement musulmane de Michel Djotodia qui s'est emparé du pouvoir en mars 2013. Une annonce qui a électrisé les jeunes du quartier, éruptif car maisons chrétiennes et musulmanes se côtoient.

A suivre l'avenue Koudougou qui traverse Miskine et remonte vers le bien mal nommé rond-point de la Réconciliation et sa colombe blanche, on voit des groupes de musulmans, puis, cent mètres plus loin, des anti-balaka.

Un immeuble commercial constitue un vrai point de fixation des haines. Du haut de ses trois étages, sa position est stratégique. Occupé par des ex-Séléka armés - "des têtus qui n'ont pas accepté d'être cantonnés", selon un chrétien - il est ciblé par des anti-balaka. Qui harcèlent les occupants.

Des patrouilles de la force africaine Misca, des Français de l'opération Sangaris, passent régulièrement. Quand ils voient des jeunes armés en bord de route, ils saisissent machettes et fusils. Mais ils ne vont pas désarmer les Séléka.

Après avoir commencé à les désarmer à leur arrivée le 5 décembre, les Français ont en effet décidé de laisser des moyens de défense aux Séléka, devenus vulnérables après avoir régné en maîtres et terrorisé Bangui en toute impunité pendant des mois.

"Il y a un certain nombre de concessions aux Séléka que nous autorisons à se défendre", confirme à l'AFP le lieutenant-colonel Thomas Mollard, porte-parole de Sangaris.

Mais ça ne suffit pas aux occupants de l'immeuble. "Les anti-balaka se servent de Sangaris pour progresser derrière eux: quand les Français partent, ils nous attaquent. Ils ont détruit 70 mosquées, on a pas touché une église. On est Centrafricains, on a pas d'autre endroit où aller!", affirme dimanche matin Adam.

Des blindés Sangaris sont positionnés devant l'immeuble. Le ton anti-français monte très vite. "Ils pillent devant Sangaris, les Français, c'est nul!", crie un jeune: "Je suis prêt à mettre une ceinture d'explosifs, et à me faire sauter en tuant des Sangaris!".

Un vieux surgit, se précipite vers un blindé, arrêté près du panneau du motel "Le Beau temps". Sheik Dahoud, à grands gestes de sa canne, affirme que des anti-balaka viennent d'enlever ses deux enfants: "les anti-balaka sont à peine à 500 mètres, allez les désarmer!".

Imperturbable, le chef de section, dont des hommes sont visibles en haut du bâtiment, dit à l'AFP qu'ils y sont rentrés "pour faire du renseignement".

En face, le patron musulman de la "Boutique des amis", profitant de la présence des Français, se dépêche d'emballer ses marchandises pour fuir cette dangereuse zone.

jpc/mc/aub

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