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Brésil : le malaise social s'invite au centre commercial

Brésil : le malaise social s'invite au centre commercial

Après les jeunes de la classe moyenne en 2013, ce sont les adolescents des favelas et des faubourgs de déshérités du Brésil qui, sans le vouloir, défraient désormais la chronique, avec leurs rassemblements diabolisés dans les centres commerciaux.

Au fil des fermetures préventives de ces centres ou d'interdictions judiciaires, les "rozelinhos" sont en train de passer du statut de curiosité sociologique à celui d'affaire nationale. Les groupes de défense des Noirs sont montés au créneau le week-end dernier pour dénoncer une "ségrégation" inacceptable.

De crainte de débordements, trois centres commerciaux de luxe de Sao Paulo et de Rio de Janeiro, où des rassemblements de jeunes avaient été convoqués sur les réseaux sociaux, ont préféré fermer leur portes samedi et dimanche derniers. Quitte à perdre des fortunes en pleine période de soldes et de vacances d'été.

L'Association brésilienne des commerçants des centres commerciaux (Alshop) a réclamé lundi une réunion avec la présidente de gauche Dilma Rousseff pour lui demander d'apporter de l'"aide".

"Il ne faut pas exagérer", a répondu mardi la secrétaire nationale aux Droits de l'Homme de la présidence, Maria de Rosario. Le gouvernement fédéral "n'a pas à se préoccuper de l'endroit où des jeunes se donnent rendez-vous" et c'est aux mairies d'intervenir en cas de problèmes, a-t-elle estimé.

Le phénomène est né en décembre à Sao Paulo, mégalopole industrielle et capitale économique du Brésil, avant de s'étendre à une poignée d'autres grandes villes, en particulier à Rio et à Campinas.

Des centaines de jeunes déshérités, en majorité des Noirs, se donnent rendez-vous via Facebook dans les temples climatisés et immaculés du consumérisme brésilien à l'Américaine, abritant à la fois boutiques, cinémas, restaurants et salles de jeu.

Objectif : y faire la fête, draguer, danser au son du "funk" des favelas, en frimant avec des vêtements ou casquettes de marques.

Contrairement à la révolte déclenchée en 2013 par les jeunes des classes moyennes pour de meilleurs services publics et contre la corruption, ils n'expriment aucune revendication sociale, sinon sans doute un rêve d'accès à la consommation.

Il aura suffi de quelques débordements et scènes de pillages isolés à forte répercussion médiatique pour que la panique s'empare des commerçants et des habitués.

D'autant que ces centres commerciaux gardés par d'imposants services de vigiles sont considérés par les Brésiliens des classes aisées comme des havres de sécurité au milieu de jungles urbaines à forts taux de criminalité.

Des militants de mouvements de défense des Noirs ont protesté le week-end dernier devant les établissements concernés pour dénoncer un racisme qui ne dirait pas son nom.

"Au pays de la Coupe du Monde de football, les centres commerciaux racistes interdisent d'entrée les pauvres et les Noirs", était-il écrit samedi sur une de leurs banderoles.

L'attitude des centres commerciaux démontre "la nature fondamentalement raciste et ségrégationniste de la société brésilienne", a déclaré à l'AFP Joselicino Junias, membre de l'organisation antiraciste Parmarinho.

"Il existe une peur profonde, irrationnelle, lorsque des pauvres, de jeunes Noirs, se réunissent quelque part, qu'ils fassent quelque chose de mal", analyse Ignacio Cano, professeur de Sciences sociales à l'Université d'Etat de Rio de Janeiro.

Pour Eduardo Alves, un responsable de l'Observatoire des favelas de Rio, ces jeunes essaient simplement de "dire que la ville appartient à tous, qu'ils ont le droit de se réunir n'importe où, même dans les lieux fréquentés par la bourgeoisie et la classe moyenne. "Ils ne veulent pas vivre confinés dans les favelas".

Les élus locaux se sont bien gardés d'interdire ces rassemblements. Mais ils ne peuvent empêcher ces centres privés de fermer, ni un juge d'interdire un rassemblement.

Le gouverneur de Sao Paulo, Geraldo Ackmin, a promis que la police n'interviendrait que si ces "flash-mobs" dégénéraient en violences et en vandalisme.

Mais toute la classe politique n'est pas sur la même longueur d'onde : "Quand je vais au centre commercial avec mon petit-fils", a déclaré le sénateur pauliste Nunes Ferreira (PSDB, centre), "ce n'est pas pour être dérangé dans mes loisirs par de grands gosses qui protestent contre je ne sais quoi".

ga-pal/bds

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