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Nigeria: la répression armée insuffisante pour juguler Boko Haram

Nigeria: la répression armée insuffisante pour juguler Boko Haram

L'explosion mardi d'une voiture piégée en plein coeur de Maiduguri, dans le nord-est du Nigeria, montre que la répression seule est insuffisante pour juguler le groupe islamiste Boko Haram, auquel cet attentat est imputé.

Pourtant, l'offensive militaire d'envergure menée contre le groupe extrémiste depuis quelques mois avait abouti à un calme relatif. Mais cette sanglante attaque dans un marché, un jour de grande influence, doit amener le gouvernement à envisager d'autres stratégies, estiment les spécialistes.

19 personnes au total ont été tuées dans l'attentat de mardi. Cinq autres avaient déjà péri dimanche dans une autre attaque imputée à Boko Haram, dans un village proche de Maiduguri.

Le groupe extrémiste, qui n'a pas jusqu'ici revendiqué les dernières tueries, avait déclaré être à l'origine d'une attaque d'envergure à Maiduguri le 2 décembre 2013, durant laquelle plusieurs bâtiments de la base militaire de la ville avaient été détruits.

L'état d'urgence imposé dans l'Etat de Borno, dont Maiduguri est la capitale, et dans deux Etats voisins depuis mai dernier, assorti d'une offensive militaire d'envergure, avaient contribué à faire fuir les insurgés hors des grandes villes, mais seulement pour quelque temps.

"L'armée fait de son mieux pour venir à bout de l'insurrection dans l'Etat de Borno et dans le nord-est", a assuré le porte-parole des armées, le général Chris Olukolade, à l'AFP.

"Nous considérons que notre opération a été un succès. Ce n'est un échec à aucun niveau", a-t-il ajouté.

Mais Elizabeth Donnelly, du centre de recherche britannique sur les relations internationales Chatham House, est moins catégorique. "L'armée peut toujours marquer des points, mais sans solution à long terme, la violence risque de devenir cyclique", explique-t-elle.

"Cela a toujours été la force (de Boko Haram), sa flexibilité et sa façon de s'adapter à la situation pour mieux revenir", ajoute-t-elle.

"C'est comme ça qu'ils ont toujours fonctionné. La stratégie (de l'armée), telle quelle, n'est pas durable, compte tenu de l'origine du groupe et du contexte dans lequel il opère", estime Mme Donnelly.

Les inégalités économiques et les problèmes sociaux dûs au déclin des industries traditionnelles dans le nord du Nigeria, majoritairement musulman, sont considérés comme des facteurs contribuant aux problèmes sécuritaires.

Sur ce plan, l'état d'urgence n'a fait qu'empirer la situation, les restrictions de mouvements ayant précipité la chute de certains commerces et fait grimper les prix des produits de première nécessité.

Le manque d'écoles et d'infrastructures de base tels que l'eau et l'électricité, un problème à l'échelle nationale, ont encore augmenté les frustrations de la population et la défiance vis-à-vis de l'Etat.

Les arrestations de civils accusés d'aider les insurgés ont contribué à inquiéter la population.

Pour Virginia Comolli, chercheuse à l'Institut international d'études stratégiques de Londres, l'armée a réellement enregistré des succès depuis le début de l'état d'urgence.

Mais, dit-elle, si rien n'est fait pour remédier au manque de représentation politique et de développement économique dans le Nord, le problème des groupes radicaux va persister.

De plus, souligne Mme Comolli, certaines erreurs discréditent l'armée. Ainsi, le week-end dernier notamment, l'armée de l'air est accusée d'avoir bombardé par erreur le convoi d'un sénateur qui venait de rendre visite aux victimes de l'attentat de dimanche.

Pour Kyari Mohammed, spécialiste de Boko Haram à l'université Modibbo Adama de Yola (nord-est), la force de frappe du groupe islamiste a "diminué de façon substantielle" à Maiduguri, même s'il faut rester vigilant.

Et l'armée nigériane n'était pas préparée à mener une guerre de longue durée contre Boko Haram dans les forêts du Nord-Est, pense M. Mohammed, ce qui pousse de plus en plus à envisager d'autres options.

"Le bureau du conseiller national sur la sécurité envisage des options +soft+ telles que des stratégies de lutte contre le terrorisme et la radicalisation", explique M. Mohammed.

Mais il est pessimiste à court terme, car "malheureusement, c'est l'armée qui mène la danse".

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