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Au pays de l'essence la moins chère du monde, des Vénézuéliens prêts à payer plus

Au pays de l'essence la moins chère du monde, des Vénézuéliens prêts à payer plus

"Bien sûr !", s'exclame tout en rangeant sa monnaie Jecson Barrientos, pompiste à Caracas, interrogé pour savoir s'il accepterait une augmentation du prix des carburants par le gouvernement au pays de l'essence la moins chère du monde.

"Elle est trop bon marché", poursuit-il, racontant en riant qu'un moto-taxi fait le plein pour un bolivar (0,15 dollar au taux de change officiel, neuf fois moins au taux parallèle). "Et il gagne 1.000 bolivares (160 dollars) par jour. Comment ça peut-il lui faire mal au portefeuille ?", demande-t-il.

Gelé depuis 1996, avant la première élection de l'ancien président Hugo Chavez (1998-2013), le prix de l'essence au Venezuela, pays disposant des plus importantes réserves de pétrole de la planète, échappe à une inflation annuelle de plus de 54%.

Si le plein d'une voiture coûte un demi-dollar, une bouteille d'eau de 600 millilitres est elle facturée deux dollars...

Depuis presque 20 ans, le litre de super 95 est ainsi fixé à 0,097 bolivares (0,015 dollar), très en-dessous des coûts de production et d'entretien des stations-essence.

En comparaison, le galon (3,78 litres) est vendu entre trois et quatre dollars aux Etats-Unis, pourtant connus pour leur essence bon marché. En Colombie, la même quantité coûte 4,5 dollars contre deux en Equateur ou 91 cents le litre au Mexique et deux dollars en France.

Source d'innombrables plaisanteries au Venezuela, le prix des carburants n'en demeure pas moins un sujet explosif et aucun gouvernement n'a encore osé y toucher, bien que le débat surgisse régulièrement.

Dernière tentative en date, au début du mois de décembre, au lendemain d'élections municipales remportées par le pouvoir en place, le vice-président Jorge Arreaza a évoqué la "nécessité de payer l'essence" dans un pays soumis à une grave crise où les subventions à d'innombrables secteurs tiennent lieu de politique économique.

Cette mesure permettrait d'améliorer les comptes de la principale - et quasiment unique - source de richesse du Venezuela : la compagnie pétrolière publique PDVSA, asphyxiée par les dettes, la chute de sa production et de ses capacités de raffinage.

Une augmentation des prix des carburants aurait également l'avantage de limiter la contrebande à destination du Brésil et de la Colombie voisins.

Selon des analystes du secteur, le blocage des tarifs de l'essence a généré 2,6 milliards de dollars de pertes pour PDVSA en 2013. Selon eux, pour couvrir les coûts de revient, le super devrait être vendu entre 1,5 et trois bolivares le litre, 100 à 200 fois plus qu'actuellement.

Victoriano Briceño, réparateur de téléphones de 48 ans, fait ses comptes et affirme : "Nous devrions payer au moins 10 bolivares (1,58 dollar) le litre". Puis il ajoute "Regarde sur la caisse combien je paye" : 2,82 bolivares (0,44 dollars). "Même après le pourboire, vous pensez qu'une augmentation me ferait mal ?", interroge-t-il.

José Quiceno, chauffeur de taxi de 60 ans bloqué dans les sempiternels bouchons de Caracas, suggère lui une augmentation de cinq bolivares (0,80 dollars). "Et encore, ça me paraît toujours bon marché", commente-t-il.

Mais d'autres s'opposent à un déblocage des prix. A l'instar par exemple de la principale figure de l'opposition, le gouverneur Henrique Capriles, qui critique l'éventualité de cette mesure en rappelant que parallèlement le pays offre du pétrole à ses alliés régionaux, notamment via l'alliance Petrocaribe.

Pour l'analyste Diego Gonzalez, le tarif de l'essence n'est qu'une "goutte d'eau" face aux problèmes financiers de la PDVSA, dont la production et les exportations ont chuté de 400.000 barils par jours entre 2008 et 2012, la contraignant à importer ces derniers mois 28.000 barils d'essence par jour des Etats-Unis, selon le département américain de l'Energie.

Toutefois, "il est incorrect de dire que le gouvernement propose cette mesure seulement pour améliorer la trésorerie de PDVSA. C'est aussi que la Banque centrale ne peut plus fournir de dollars pour la maintenir" à flot, ajoute M. Gonzalez.

"Les Etats ne devraient pas faire des affaires (...) L'idéologie (socialiste) du gouvernement empêche de trouver des solutions", estime l'analyste, qui cite comme exemple le Brésil, dont la compagnie pétrolière publique Petrobras "est seulement (une entreprise) de plus sur le marché", soumise à la concurrence.

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