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La révolution syrienne est-elle morte?

La révolution syrienne est-elle morte?

Des activistes enlevés, des combattants démobilisés et des civils qui se prennent à regretter le régime d'Al-Assad : la rébellion syrienne sombre dans un chaos que le drapeau noir d'Al-Qaïda s'empresse d'envelopper.

Un texte de Marie-Ève Bédard à Beyrouth

Elle a dénoncé sans relâche le régime de Bachar Al-Assad depuis des années, mais elle est aussi devenue gênante pour les milices. L'enlèvement de Razan Zeitouneh illustre combien la situation est maintenant volatile en Syrie.

Activiste connue en Syrie et reconnue internationalement, Razan Zeitouneh a été capturée avec trois autres personnes mardi dernier en banlieue de Damas, dans les bureaux du Centre des violations des droits de l'homme (CVH). On reste sans nouvelles d'eux depuis.

Son collègue Orwa Nyrabia croyait que la lauréate du prix Sakharov pour la liberté de l'esprit, décerné par le Parlement européen en 2011, était en sécurité dans cette zone libérée du régime. Il montre du doigt les groupes radicaux islamistes et se sent trahi.

Pro-Assad contre islamistes

Telle semble la Syrie après plus de 1000 jours d'affrontements : un endroit où la violence et la barbarie ont de plus en plus raison sur ceux qui ne prennent pas les armes.

Dans les zones contrôlées par la rébellion, le drapeau noir d'Al-Qaïda a remplacé le drapeau syrien à trois étoiles des rebelles. Matthew Henman, directeur du Centre Jane de terrorisme et d'insurrection, à Londres, estime qu'entre les deux tiers et les trois quarts des forces antigouvernementales sont islamistes d'une manière ou d'une autre.

Sans compter les combattants étrangers des pays du golfe, du Maghreb, mais aussi d'Europe et d'Amérique du Nord. Tous les jours, ils atterrissent en Turquie près de la frontière syrienne et traversent les frontières aisément avec l'aide de passeurs.

Une révolution volée?

Les activistes syriens des premières heures de la révolution se sentent dépossédés de leur cause, pris en étau entre le régime de Damas et les islamistes. Certains plient bagage, d'autres ont perdu l'envie de lutter.

C'est le cas de Molham Ekaidi, que nous avions rencontré la première fois à Alep, il y a un an. D'étudiant en architecture, il était vite devenu commandant d'une katiba, une brigade, après avoir perdu son frère à la guerre. Musulman sunnite, il se décrivait comme le partisan d'une Syrie libre et inclusive. Mais aujourd'hui, il n'a plus la foi.

Molham a tenté de reprendre ses études à l'étranger, mais faute de visa, il est de retour sur la ligne de front. « Il me reste la foi en Dieu. Il me guidera sur le bon chemin. »

Et regrettée?

En attendant, les civils se préparent à affronter l'hiver dans des conditions précaires, alors que la neige vient de tomber dans certains camps de réfugiés. Un tiers de la population est déplacée. « Malheureusement, la population syrienne ne compte plus. Ce n'est pas qu'elle comptait sous le régime d'Al-Assad - c'est pour ça qu'elle s'est soulevée -, mais elle ne compte pas plus maintenant » , analyse Joshua Landis.

La communauté internationale tente toujours d'asseoir les parties autour de la table des négociations. La conférence de paix dite de « Genève II » devrait avoir lieu le 22 janvier prochain. Entre temps, les États-Unis et le Royaume-Uni ont pris acte de la montée en puissance des rebelles associés à Al-Qaïda au détriment des autres rebelles. Ils ont cessé la livraison d'aide non létale.

Orwan Nyrabia, la collègue de l'activiste enlevée Razan Zeitouneh, accuse les puissances étrangères de n'avoir rien fait. « La communauté internationale ne voit que cette grande guerre entre les islamistes radicaux et les assadistes radicaux. Mais entre les deux se trouvent des millions de Syriens qui ne sont ni d'un côté ni de l'autre. »

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