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Centrafrique: dans un camp de Bangui la distribution de vivres finit en pillage

Centrafrique: dans un camp de Bangui la distribution de vivres finit en pillage

Des soldats absents, des vigiles dépassés, des humanitaires abasourdis: la distribution de vivres aux déplacés de l'immense camp de l'aéroport de Bangui s'est terminée vendredi dans les cris et la violence avec le pillage des réserves de riz, d'huile et de haricots.

Cette distribution alimentaire, une première dans le camp de l'aéroport où des milliers de familles sont venus s'installer pour fuir les violences de la capitale, avait pourtant commencé dans le calme vers 09H00 (08H00 GMT).

Les rations de riz, de haricots et d'huile sont distribuées au compte-gouttes sous un soleil de plomb, au bord d'une piste en terre ocre, à 800 mètres du camp de fortune. Sous le regard d'une poignée de militaires français juchés sur leur blindés, des centaines de familles attendent debout. Certaines femmes ont une ombrelle. D'autres se servent de leur seau pour glaner un peu d'ombre.

"Ca fait quatre jours qu'on n'a rien mangé mes trois enfants et moi. Nous n'avons rien, ni argent, ni quoi", explique alors Jean-Marie Namesene, un fonctionnaire de 41 ans, tout ému après avoir récupéré sa portion. "Merci, merci aux gens qui ont fait ça", répète-t-il à la sortie de la distribution.

Quelques heures plus tard, en début d'après-midi, devant l'espace de distribution géré par Le Programme alimentaire mondial (PAM) et l'ONG italienne Cooperazione internazionale, le ton se durcit. La chaleur est accablante, il y a un brouhaha permanent, de l'énervement, des mouvements de foule.

"Ca fait six heures que je suis là, personne ne me laisse passer, je vais repartir", se lamente Yvette Kimina, 32 ans et trois enfants. "Le matin, on mange un beignet à 50 francs CFA (près de 8 centimes d'euros) et puis plus rien de la journée", raconte-t-elle. A côté, une femme donne le sein, debout, à son bébé, désespérée.

D'autres femmes sont en colère: "c'est mal organisé", crient-elles. Un homme venu chercher à manger pour sa femme est au bord des larmes après quatre heures d'attente pour rien. Il n'en peut plus.

"On est tellement dégoûtés", se lamente Christine Bassole, une mère de six enfants. "Il n'y a rien et les Séléka (ex-rébellion désormais au pouvoir) veulent nous tuer, on souffre", martèle cette maman dont l'un des six enfants est décédé à l'hôpital il y a deux jours après avoir été pris de convulsions.

Ces femmes, ces hommes comptent parmi les 45.000 déplacés qui se sont installés à quelques mètres des pistes non clôturées de l'aéroport international de Bangui, selon Médecins sans frontières. Ils font partie des 159.000 déplacés comptabilisés par le HCR dans la capitale depuis que des violences inter-religieuses ont éclaté en Centrafrique.

La mise en place de cette distribution alimentaire, alors que les accrochages entre hommes armés restent fréquents à Bangui et que les tensions entre chrétiens et musulmans sont toujours vives, relevait du défi.

"Comme les chauffeurs des camions qui amènent les vivres sont musulmans, ils ne voulaient pas venir ici, il a fallu les rassurer", explique par exemple une humanitaire sous couvert d'anonymat. Il a aussi fallu engager une dizaine de vigiles armés pour canaliser la foule.

Pendant qu'il attend sa portion, Miguel Dekandji, étudiant en droit de 32 ans, dépeint le climat de terreur qui règne sur Bangui et qui l'empêche de rentrer chez lui, à Kilomètre 5, à la périphérie de Bangui. "Là bas il y a trop d'armes. Ce matin même il y a eu des coups de feu. Les musulmans chassent les chrétiens à la machette et au fusil", assure-t-il. "Il faut chercher les armes partout, ils les cachent dans les puits, les douches, les mosquées, partout", tonne-t-il.

A quelques minutes de la fin de la distribution, peu avant 16H00, les soldats français ne sont plus là et des hommes excédés perdent patience. Ils enjambent les cordelettes de sécurité. Les vigiles et les humanitaires ne peuvent rien faire: la foule envahit l'espace de distribution et fond sur les réserves.

Des hommes se battent pour récupérer un bidon d'huile. D'autres partent en courant avec un carton sous le bras. Des machettes sont exhibées. Les camions remplis de vivres repartent fissa. Les stands de distribution et leur toit en bâche blanche sont détruits.

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