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Sept ans après l'enlèvement de leur proche, l'impossible deuil d'une famille irakienne

Sept ans après l'enlèvement de leur proche, l'impossible deuil d'une famille irakienne

Le père d'Ali al-Saffar a été kidnappé en 2006 à Bagdad. Après avoir longtemps refusé de le considérer comme mort, il s'est fait à cette idée mais espère qu'un jour son corps sera rendu à sa famille pour qu'elle puisse faire son deuil.

"Est-ce que je dois dire 'Mon père est' ou 'Mon père était'? Honnêtement, je ne sais pas. J'ai commencé à dire 'était', mais cela m'a pris un certain temps pour y arriver", confie-t-il, joint au téléphone en Europe.

"Ce sont des choses très simples comme cela qui vous affectent réellement", ajoute-t-il.

Le père d'Ali, Ammar, a été enlevé en novembre 2006 par des hommes armés. Il était alors vice-ministre de la Santé.

Sept ans plus tard, il est officiellement considéré comme mort en Grande-Bretagne, où réside sa femme. Même si sa famille n'a toujours aucune preuve de son décès.

L'histoire d'Ali est loin d'être isolée: en Irak, des familles de toutes religions et origines attendent encore des nouvelles de leurs proches disparus pendant le conflit confessionnel de 2006-2007.

Des responsables irakiens ont indiqué cette année que quelque 16.000 personnes avaient disparu pendant la décennie ayant suivi l'invasion menée en 2003 par les Etats-Unis et qui a conduit à la chute de Saddam Hussein. Mais ce chiffre pourrait être beaucoup plus élevé, de nombreux cas n'ayant pas été rapportés aux autorités.

Membre de l'opposition chiite vivant en exil à Londres, Ammar al-Saffar était retourné en Irak peu après la chute de Saddam, espérant aider à reconstruire son pays.

Malgré son poste au ministère de la Santé, il avait préféré résider hors de la "Zone verte", le secteur ultra-protégé de Bagdad, et rester avec sa mère dans leur modeste maison de famille du quartier Maghreb.

Alors que la violence s'aggravait dans la capitale, sa famille lui a demandé à plusieurs reprises de rentrer à Londres. Ammar a tenté de présenter sa démission, en vain.

Le 19 novembre 2006, trois pick-up et deux voitures sont arrivés devant sa maison. Un groupe d'hommes, dont certains en treillis, ont frappé son beau-frère, Ammar et son neveu, qui se trouvaient dans la cour de la maison.

Un des assaillants -le seul à avoir le visage masqué- a identifié Ammar, pendant que les autres ouvraient le feu dans la maison. Le groupe a ensuite pris la fuite, en emmenant le vice-ministre.

Deux vidéos de mauvaise qualité, où l'on voyait le visage d'Ammar, ont été envoyées à sa famille, puis une troisième qui montrait un homme, la tête encapuchonnée, tué par balle.

Son corps n'a jamais été retrouvé, aucun certificat de décès établi, et aucun responsable de l'enlèvement identifié.

"Je veux juste savoir où il est. Que lui est-il arrivé?", déclare Zaid, 27 ans, le neveu d'Ammar, qui vit dans la maison de famille et éclate en sanglots à l'évocation de son oncle.

Malgré les années et la vidéo, la mère d'Ammar n'a pas perdu l'espoir que son fils soit toujours vivant. "Chaque jour, elle espère qu'il revienne, elle prie" pour cela, déclare le jeune frère d'Ammar, Yassir.

"Elle dit qu'elle organisera une grand fête quand il reviendra, qu'elle ira à Kerbala et à La Mecque", souligne-t-il, en référence à deux villes saintes musulmanes d'Irak et d'Arabie saoudite.

Yassir, qui vivait à Londres au moment de l'enlèvement, a depuis déménagé à Bagdad, où il passe une partie de son temps à enquêter sur la disparition de son frère, souhaitant que justice soit faite.

Ali, 28 ans, qui vit aujourd'hui à Paris avec son épouse, enceinte, est plus résigné, même s'il est difficile pour lui de ne pas savoir ce qui s'est passé et quand son père est mort, empêchant toute commémoration.

"Je dirais que les trois, quatre, cinq premières années, on est en colère contre la justice. Mais (...) après, il faut avancer, tout ce qu'on veut c'est tourner la page".

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