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Guy Turcotte se livre à la police

Guy Turcotte se livre à la police

L'ancien cardiologue Guy Turcotte est de nouveau derrière les barreaux. Il devra subir un nouveau procès. Il s'est livré lui-même à la Sûreté du Québec, mercredi soir. Plus tôt, la Cour d'appel du Québec a rejeté le verdict de non-responsabilité criminelle rendu à son endroit. Il fera face à des accusations de meurtre prémédité de ses enfants.

La Cour d'appel estime que le juge a commis des erreurs dans ses directives au jury lors du procès de 2011.

Les troubles mentaux de Guy Turcotte, aggravés par une intoxication au méthanol, étaient alors au coeur de sa défense et c'est sur cette question que la Cour d'appel estime qu'il y a eu faute. « Le jury n'a pas été instruit sur une question importante qu'il devait trancher, à savoir si c'est le trouble mental ou l'intoxication qui a rendu l'intimé incapable d'un jugement rationnel », dit la Cour d'appel, dans un jugement unanime.

Dans la soirée du 20 février 2009, Guy Turcotte a ingurgité du lave-glace dans l'intention de se suicider et a assassiné ses deux enfants, Olivier et Anne-Sophie.

« Si on s'intoxique volontairement, que ce soit au méthanol ou aux médicaments, on ne peut pas plaider ça en défense et dire : "Ça m'a causé des troubles mentaux qui m'ont empêché de juger de la nature et de la qualité du geste que je posais" », explique l'avocat-criminaliste Robert La Haye.

Guy Turcotte est en liberté depuis décembre dernier, après avoir séjourné moins d'un an et demi à l'Institut psychiatrique Philippe-Pinel. Il comparaîtra dans les 24 heures suivant son arrestation et il devra s'adresser à la Cour supérieure pour obtenir une remise en liberté.

Depuis le verdict rendu en juillet 2011, l'arrêt Bouchard-Lebrun de la Cour suprême du Canada a statué que la défense de l'intoxication volontaire ne pouvait être invoquée pour obtenir un verdict de non-responsabilité criminelle.

« C'est un élément qui a été négligé dans ce procès. Donc, que la Cour d'appel revienne en disant "il faut tenir compte de l'intoxication volontaire", on n'est pas surpris », a réagi le psychiatre Gilles Chamberland.

La Cour d'appel ne se prononce pas sur la valeur des expertises, qui ont été vivement critiquées par l'ex-conjointe de Guy Turcotte, Isabelle Gaston. Cette dernière, d'ailleurs, s'en désole. Depuis le verdict, elle remet en question l'utilisation d'experts en cour qui ont des opinions marginales par rapport au reste de leurs collègues. « On n'a pas le droit de tisser des choses que même la science n'a pas prouvées », a-t-elle plaidé une fois de plus, mercredi, à l'émission 24/60.

En fin de soirée, mercredi, le sénateur conservateur Pierre-Hugues Boisvenu s'est dit satisfait de la décision de la Cour d'appel du Québec.

« Cette décision démontre l'efficacité de notre système de justice au Canada, écrit-il. La Cour d'appel du Québec rappelle une décision importante rendue par la Cour suprême relativement à l'auto-intoxication : tout comme l'alcool au volant, l'intoxication volontaire ne peut être invoquée en justice comme motif de non-responsabilité criminelle. »

Il ajoute néanmoins qu'une « réflexion s'impose dans le processus conduisant à la reconnaissance de la non-responsabilité criminelle », soulignant que le Québec compte 45 % des cas de non-responsabilité criminelle au Canada, alors qu'il ne représente que 22 % de la population canadienne.

Le défi de trouver un jury

Les avocats-criminalistes s'entendent pour dire que la tâche de sélectionner 12 jurés indépendants sera plus que difficile. « Parce qu'il n'y a personne qui n'a pas entendu ou suivi le procès. La majorité des citoyens, si on fait un sondage, vont vous dire que Guy Turcotte aurait dû être reconnu coupable.[...] Maintenant, c'est de trouver un jury qui ne va pas fonctionner sur ces préjugés », dit Me La Haye.

Selon lui, il n'est pas impossible que le procès se tienne dans une autre province canadienne.

Les avocats de Guy Turcotte pourraient aussi décider de porter la cause en Cour suprême. Ils ont 30 jours pour signifier leur intention d'en appeler de la décision de la Cour d'appel du Québec.

Invoquant son devoir de réserve, le ministre québécois de la Justice, Bertrand Saint-Arnaud, a refusé de commenter le dossier de Guy Turcotte.