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Un voile et des propos qui font réagir à McGill

Un voile et des propos qui font réagir à McGill

Le débat sur la place des signes religieux dans la société québécoise trouve écho dans des salles de classe, où des étudiants craignent que les raccourcis sur les questions identitaires entraînent de mauvaises perceptions du Québec.

Un texte de Bruno Maltais

Jeudi dernier, dans son cours de philosophie politique qui compte quelque 280 étudiants, Catherine Lu est entrée en classe avec un voile sur la tête afin de signifier son opposition au projet de Charte des valeurs québécoises. « Ça a lancé une discussion de deux heures. J'ai été frappée par la condamnation qui semblait universelle parmi les étudiants. Un étudiant francophone du Québec a dit qu'il avait honte d'être un Québécois francophone, mais il a aussi dit à la classe de ne pas présumer que tous les Québécois francophones ont appuyé la charte », raconte Mme Lu.

Pour faire part de leur objection à la charte des valeurs proposée par le gouvernement de Pauline Marois, les professeures de science politique Marie-Joëlle Zahar et Catherine Lu, qui enseignent respectivement à l'Université de Montréal et à l'Université McGill, ont rédigé un manifeste appelant leurs collègues « à réfléchir à l'injustice fondamentale, l'incohérence, la contre-productivité et la dangerosité de la Charte proposée » et « à arborer un signe religieux visible de leur choix dans leurs salles de classe ».

Les deux professeures soutiennent notamment que « la Charte est fondamentalement injuste, car elle brime les libertés d'expression et de religion » et qu'elle « rendra l'intégration des nouveaux immigrants plus difficile, non seulement en aliénant ceux qui proviennent de certaines minorités religieuses, mais surtout en alimentant et en nourrissant, plutôt qu'en confrontant et apaisant, les peurs infondées des différences culturelles et religieuses au sein de la population québécoise ».

La lettre a été envoyée à certains collègues susceptibles d'adhérer à la campagne. Mme Zahar indique que certains ont répondu à l'appel; d'autres pas.

Des étudiants dénoncent la démarche

« En plus de susciter un débat nullement objectif et de diffuser ses propres opinions politiques, [la professeure] a accusé les citoyens qui appuient ce projet de nationalistes ethniques », déplore une étudiante de McGill qui ne souhaite pas être identifiée, par crainte d'être jugée par ses camarades de classes qui, dans le contexte, pourraient croire qu'elle adhère à des principes présentés comme condamnables par sa professeure et ceux s'étant exprimés sur le sujet.

« Quand elle est arrivée en classe avec un voile, j'étais contente qu'on parle de la charte des valeurs », indique l'étudiante, qui se dit « catholique, moitié Québécoise, moitié Italienne ». Mais la tournure des événements l'a incitée à écrire aux médias pour dénoncer la manière dont l'enjeu a été présenté.

« En voulant nous expliquer l'origine de ce projet du Parti québécois, elle a fait une analogie assez outrageuse [sic] en comparant le débat entre francophones, anglophones et allophones à celui du génocide rwandais », explique l'étudiante, qui souligne que plusieurs de ses camarades sont des étudiants étrangers et ne sont donc pas au fait des débats sur l'identité québécoise et les accommodements raisonnables qui ont eu lieu au cours des dernières années.

« Je pense que de telles actions ne font qu'attiser les tensions entre les nombreuses cultures du Québec et mettre une étiquette désolante sur les étudiants de cette université, peu importe leur allégeance politique, leur origine ou leur religion, en plus de faire passer les Québécois pour des racistes, ce que je refuse catégoriquement d'accepter », soutient-elle.

Un autre étudiant du même cours, né au Québec et ayant des origines syriennes et kurdes, estime que « l'enseignante, en tentant de vulgariser l'enjeu, a faussement expliqué la nature du débat comme étant linguistique, disant à la classe que les anglophones sont ceux qui s'opposent à la Charte et que les francophones sont ses principaux partisans, faisant même une comparaison très floue avec la dynamique linguistique du Rwanda en 1994 ».

Catherine Lu explique avoir fait allusion au clivage ethnique du Rwanda dans le cadre d'une analyse politique d'un chercheur français, et qu'il n'était évidemment pas question de comparer ce que les Tutsis ont vécu à la situation des minorités québécoises.

L'étudiant précise d'ailleurs ne pas accuser sa professeure de racisme, mais déplore que « ce genre de propos peut amener les étudiants internationaux à se faire une image néfaste des Québécois. La plupart des étudiants d'ailleurs criaient à l'injustice. Ils sont nouvellement arrivés et déjà, les propos d'une enseignante pourraient biaiser leur image de la société québécoise et des Québécois de souche ».

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