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Québec veut développer les soins à domicile

Québec veut développer les soins à domicile
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La première ministre Pauline Marois dévoile les grandes orientations de son gouvernement en matière de soins à domicile. Le ministre de la Santé, Réjean Hébert, a déposé jeudi matin à l'Assemblée nationale le livre blanc sur l'assurance autonomie qui contient ces orientations.

Le gouvernement Marois entend ainsi répondre au défi que pose le vieillissement de la population québécoise et remplir une promesse électorale.

La première ministre a précisé que ce changement démographique constitue un défi financier pour la société québécoise. Mme Marois soutient que le maintien à domicile des aînés, en plus de constituer le premier choix de la majorité des gens, est plus économique que le recours au centre hospitalier de soins longue durée (CHSLD).

« Refuser de prendre le virage du maintien à domicile serait irresponsable financièrement », a déclaré Mme Marois.

Chaque année au Québec, 50 000 personnes atteignent le cap des 65 ans et dans 20 ans, un Québécois sur quatre aura plus de 65 ans, avance Mme Marois. Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Réjean Hébert, ajoute que le Québec est la société qui vieillit le plus rapidement sur la planète, à la seule exception de la société japonaise.

L'assurance autonomie mise de l'avant par le gouvernement Marois signifie que les services aux personnes âgées et handicapées seront gérés par le gouvernement.

Le gouvernement mettra en place une commission parlementaire au début de l'automne pour que tous les acteurs puissent se prononcer sur le livre blanc et soumettre de nouvelles idées. Les groupes sensibilisés à ces questions seront appelés à se prononcer.

Le livre blanc proposé par le gouvernement Marois se veut le point de départ d'une réflexion sur la gestion du vieillissement de la population. « C'est un projet qui vise une transformation fondamentale de notre façon de prodiguer les soins et les services aux personnes âgées et handicapées », a déclaré M. Hébert.

Déjà, 500 millions de dollars, sur quatre ans, seront versés dans une caisse dédiée à l'assurance autonomie. Ces sommes s'ajoutent aux budgets dédiés aux soins de longue durée, soit 4,3 milliards de dollars par année.

Le gouvernement doit maintenant se pencher sur la réorganisation des ressources en santé pour offrir les soins à domicile et ainsi réduire le nombre de personnes qui se retrouvent dans un CHSLD.

Selon les vux du gouvernement, l'assurance autonomie serait implantée à compter de 2014 pour les personnes âgées, 2015 pour celles ayant des déficiences physiques et 2016 pour les déficients intellectuels adultes.

Le ministre de la Santé veut transformer la philosophie hospitalière de la société québécoise par une approche axée sur le financement public du maintien des personnes âgées à domicile. Ainsi, les personnes âgées recevront une allocation de l'assurance autonomie, qui sera déterminée par un intervenant, qu'ils auront le choix de dépenser dans un CHSLD ou dans leur centre de santé et de services sociaux (CSSS) afin d'y obtenir des services qui leur permettront de demeurer à la maison.

M. Hébert soutient que le nombre de personnes qui désirent demeurer à la maison limitera la croissance des CHSLD et, par le fait même, entraînera une réduction des listes d'attente dans ces établissements.

M. Hébert souligne que 35 % des personnes qui entrent en CHSLD ne satisfont pas les critères pour le faire. Ils s'y retrouvent seulement en raison de l'insuffisance dans le financement des soins à domicile.

« Les régions qui ont pris ce virage n'ont pratiquement plus de liste d'attente [dans les CHSLD] », illustre M. Hébert en citant sa région en exemple, l'Estrie.

La gestion du programme d'assurance autonomie serait assurée par la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ) et n'entraînerait ainsi la formation d'aucune nouvelle structure. Il ferait appel à des réseaux déjà implantés partout au Québec, soit les CHSLD et les CSSS.

Les services de soins à domicile sont présentement financés à hauteur de 15 %, mais l'objectif du gouvernement est d'atteindre une proportion de 40 à 45 % de financement public. Le ministre Hébert cite le cas du Danemark qui finance les soins à domicile dans une proportion de 70 %. « Il n'y a pas de CHSLD au Danemark », souligne M. Hébert.

Le ministre de la Santé a estimé qu'au terme de l'exercice financier 2017-2018, il faudrait ajouter 150 à 200 millions de dollars de plus chaque année pour défrayer le coût du programme. « À terme, si on se reporte à 2027-2028, dans 15 ans, l'écart va être de 1,3 milliard de dollars. Est-ce qu'on prévoit ce financement supplémentaire dès maintenant dans un souci d'équité générationnelle ou non? C'est la question que pose le livre blanc », a déclaré M. Hébert.

Impôt supplémentaire? Cotisation employeur-employé? Taxe pour les plus de 50 ans? Impôt pour les personnes bénéficiant du service? Appel à tous les contribuables? Le ministre a mis la table pour discuter du financement du programme.

« Les besoins vont augmenter au cours des 30 prochaines années, c'est la démographie qui le dit, il va en coûter plus cher à l'État. L'assurance autonomie permet de contrôler cette augmentation des coûts [...] mais il y a quand même 1,3 milliard de dollars de manque à gagner à partir de 2017-2018 et le débat est ouvert », a lancé Réjean Hébert.

Le dépôt du projet de loi est prévu cet automne.

Le projet favorablement accueilli par l'opposition

La porte-parole de la Coalition avenir Québec (CAQ) en matière de santé et de services sociaux, Sylvie Roy, se dit d'accord avec les objectifs du gouvernement Marois, mais elle affirme qu'il manque « quelques chapitres ».

« J'ai toujours les mêmes inquiétudes face aux grandes réorganisations dans le système de la santé, ne serait-ce que la désinstitutionnalisation », ajoute Sylvie Roy, évoquant le « virage ambulatoire ».

La députée de la CAQ reconnaît toutefois qu'il y a des cas de succès dont il faut s'inspirer, « comme à Victoriaville, où 54 % des personnes en soins palliatifs meurent à domicile, contrairement à la moyenne québécoise qui est de 9 % ».

Le Parti libéral du Québec (PLQ) accueille de son côté « positivement les intentions du livre blanc » et rappelle que le paradigme du virage des soins à domicile est déjà amorcé depuis une dizaine d'années.

L'ancien ministre de la Santé, Yves Bolduc, indique que des inquiétudes demeurent quant au financement du projet, car les explications de son successeur ont été « très vagues », selon lui.

M. Bolduc croit que l'on est en train de « créer une grande machine bureaucratique, qui va nécessiter des apports d'argent et également une perte de contrôle au niveau local ».

Le projet est également bien accueilli par le regroupement provincial des comités des usagers (RCPCU) du réseau de la santé et des services sociaux. Son directeur général, Pierre Blain, réitère que « toute réforme devra tenir compte de l'humanisation des services qui seront offerts aux personnes en perte d'autonomie et qui auront besoin de soins pour le maintien à domicile ».

Une porte ouverte à la privatisation, selon la CSN

Le vice-président de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), Jean Lacharité, a affirmé à Radio-Canada.ca que la centrale est en faveur d'une caisse d'assurance autonomie, à condition que les sommes servent aux aînés et aux handicapés.

La CSN, à laquelle est notamment affiliée la Fédération de la santé et des services sociaux qui compte 100 000 membres, estime toutefois que le gouvernement ouvre la porte à la privatisation dans son projet.

Par exemple, des services jusqu'à présent offerts par les centres de santé et de services sociaux (CSSS), comme l'habillement et les soins d'hygiène, pourraient être confiés majoritairement aux entreprises d'économie sociale et au secteur privé.

Loin d'être réfractaire aux entreprises d'économie sociale, M. Lacharité estime que leur champ d'activité devrait cependant se limiter aux services de préparation de repas ou d'épicerie, par exemple.

De plus, la CSN souligne que le chiffre de 500 millions annoncé ne sera atteint qu'en 2018-2019, et que cela ne représentera toujours que 40 % des besoins en soins à domicile. Jean Lacharité ajoute que le gouvernement n'a prévu aucune capitalisation pour ce programme, puisant à même le fonds consolidé du Québec.

Au plus, « le ministre pose la question » du financement de l'assurance autonomie, ce qui n'exclurait pas une éventuelle participation des contribuables.

La CSN « va s'opposer à la privatisation » des services à domicile, conclut Jean Lacharité, critiquant au passage « la religion du déficit zéro » qui sous-tend l'action gouvernementale.

Un texte de Yanick Cyr, avec la collaboration de Karim Ouadia et Marc-Antoine Ménard

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