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Quand la planche va, tout va

Quand la planche va, tout va

STONEHAM - Obsessif et incapable d'être heureux quand tout va bien. C'est le portrait qu'a renvoyé un ordinateur à Jasey-Jay Anderson après une longue série de questions pour une analyse psychologique soumise par l'équipe canadienne.

Un texte de Manon Gilbert

Très sceptique au début du test, le planchiste de Mont-Tremblant a été surpris par la justesse du résultat.

Pourtant, le Canadien a tout pour être heureux. Une femme qui l'aime, deux petites filles adorables et l'objet convoité après tant de Jeux olympiques : la médaille d'or.

Homme de défis, Anderson en voulait plus. Une hernie cervicale à l'hiver 2011, un an après sa glorieuse conquête aux Jeux de Vancouver, lui a ouvert les yeux. Sa seule planche de salut, c'était justement SA planche, seul sport qu'il pouvait pratiquer sans trop ressentir les effets de sa hernie.

« Après 2010, j'avais besoin d'un défi. Je suis en plein dedans et je suis heureux parce que je suis en train de surmonter le défi. Mon profil me dit que c'est normal. Ne me reste plus qu'à travailler mes relations humaines parce que c'est secondaire », affirme le champion olympique du slalom géant en parallèle après plus d'une heure d'entrevue à laquelle a mis un terme le relationniste de Snowboard Canada.

Pourtant, pendant près de deux décennies dans l'équipe nationale de surf des neiges, l'homme aux six globes de cristal ne l'a pas toujours eu facile. Problèmes récurrents d'équipement et commanditaires discrets ont parsemé sa longue route.

Mais pas assez pour empêcher son retour à 36 ans (il en aura 38 en avril). Parce que les sensations qu'il avait enfin ressenties sur sa planche à Vancouver, il voulait que ses coéquipiers et même ses adversaires y goûtent. Les performances décevantes de l'équipe canadienne après son départ ont aussi pesé dans la balance.

« Mes performances médiocres ont toujours été reliées à l'équipement. Ça devrait être l'athlète qui détermine le résultat. Je trouvais ça triste que mon équipement me fasse gagner et pas celui de l'autre. Si tout le monde peut avoir accès à ça, le niveau augmente partout et tout le monde en profite. En revenant de Vancouver, je me suis juré que ceux qui voulaient travailler avec moi, je les aiderais. »

La Québécoise Ariane Lavigne, les Slovènes Iva Polanec et Gloria Kotnik, ainsi que quelques autres l'ont suivi dans sa folie comme il se plaît à le dire.

Développement et fabrication vont de pair

Et voilà, avec toutes ses connaissances acquises au fil des ans, Anderson s'est mis à développer ses planches, comme il l'avait fait pour les plaques l'année avant les Jeux de Vancouver. Anderson avait alors développé un système de plaques indépendantes pour chaque fixation, au lieu de la traditionnelle longue plaque entre les deux fixations.

C'est cette avancée et une planche rigide bien réglée qui lui avaient permis de venir à bout du véritable déluge qui s'abattait sur Cypress Mountain. Sauf que maintenant, tout le monde a copié son système innovateur.

Pour conserver une longueur d'avance, il s'est attaqué aux planches. Mais après plus d'un an de résultats mitigés, il s'est rendu compte que développement et fabrication vont de pair.

Floué par un atelier de Rimouski, Anderson a compris que l'on n'est jamais mieux servi que par soi-même. Il presse maintenant depuis deux semaines ses planches chez lui, avec l'aide d'un bon ami, un ébéniste minutieux et compétent, qui a délaissé la construction pour le surf des neiges.

« On ne m'a pas écouté. On n'a pas suivi mes recettes. Donc tout le développement que j'ai fait cet été, c'était presque pour rien. Là, tout se fait de la bonne façon dès la première fois. Ça va super bien. Les résultats vont le montrer », affirme le Québécois.

Anderson ne s'est pas classé pour les huitièmes de finale d'aucune des trois Coupes du monde auxquelles il a pris part cette saison. Mais avec une nouvelle planche et avec une blessure au muscle fessier, le vétéran aux 27 victoires en Coupe du monde a terminé 4e d'une Coupe Nor-Am à Lac-Beauport.

De quoi lui donner confiance. Tellement que pour les Championnats du monde de Stoneham, où il participera au slalom géant vendredi et au slalom dimanche, il s'est entraîné sur une autre planche encore plus performante selon ses dires. Une planche si parfaite que son ami en pressait une autre identique mardi. Sa femme la lui a apportée le lendemain après un petit arrêt à Tremblant pour faire la base, corde qu'il ne possède pas encore à son arc.

Pourquoi pas Pyeongchang?

Sauf que le développement a un prix : la forme. Anderson passe plus de temps dans son atelier à jongler avec ses recettes qu'à s'entraîner. Son service après-vente gruge aussi beaucoup d'heures. Mais à près de 2000 $ pour la planche et les plaques, l'homme d'affaires y tient mordicus, surtout que les nombreux ajustements pourraient en rebuter plus d'un.

Donc, si les mondiaux se tenaient un peu plus tard, ça ferait bien son affaire.

« Il me manque les 2-3 semaines pertinentes d'entraînement avant une compétition. Quand la planche va bien, tout tombe en place. Ce que je construis en ce moment, ce sont des références que je recherche depuis longtemps. Et là, je les ai. Oui, j'ai les planches pour gagner et me qualifier pour Sotchi dès ce week-end [NDLR : les gagnants du slalom et du slalom géant sont qualifiés d'office] », assure-t-il.

Anderson voit encore plus loin que Sotchi. Impossible d'écarter Pyeongchang en 2018. Il parle même de plancher sur des skis, sport qu'il trouve trop monotone parce qu'il lui procure peu de sensations.

« Tant que j'ai les jambes, je vais continuer. Quand j'ai arrêté, c'est parce que je n'avais plus de défi. Le défi, c'était d'aller chercher quelque chose qui semblait inatteignable. Et je l'ai atteint. Je ne voyais pas la raison de continuer à courser pour avoir juste des résultats. Là, j'ai accès à de meilleures ressources pour avoir du meilleur équipement. J'aime développer un équipement qui pousse les limites de ce que l'on peut faire. »

En tout cas, on espère que son profil psychologique parlait aussi de passion. Peu d'athlètes font preuve d'autant de générosité envers leur sport.

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