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Le film de la campagne de 2012 pour l'élection présidentielle américaine

Le film de la campagne américaine
AFP

ÉLECTIONS AMÉRICAINES - La petite Abby, quatre ans, excédée par l'omniprésence "de Bronco Bama et Mitt Romney", a résumé avec ses larmes le sentiment de millions d'Américains: la campagne électorale qui s'achève ce mardi 6 novembre a été longue, harassante et cafardeuse.

Pour Barack Obama, tout a commencé en janvier par une publicité sur le thème de l'indépendance énergétique. Une étrange mais tranquille entrée en campagne pour celui dont la candidature à un second mandat ne faisait aucun doute. Pour son adversaire Mitt Romney, déjà candidat à la candidature républicaine en 2008, l'aventure a en revanche débuté par un pénible combat fratricide.

Une dizaine aux premiers jours des primaires, les principaux candidats à l'investiture du Grand Old Party (GOP) ont l'un après l'autre baissé pavillon. Accusations d'harcèlement sexuel et manque d'expérience pour le pasteur Herman Cain; propositions incongrues pour l'ancien lobbyiste Newt Gringrich, auto-proclamé héritier de Ronald Reagan (il souhaitait notamment installer une colonie sur la lune); bourdes et dérapages pour Rick Perry, l'étourdi favori des premiers mois; crise du dollar pour le libertarien Ron Paul, doyen des candidats aux positions atypiques; postures réactionnaires et problèmes personnels pour l'ultra-conservateur Rick Santorum; isolement pour Michele Bachmann, la figure du "Tea party" et sosie idéologique de Sarah Palin...

Parmi les favoris, seul Mitt Romney, un mormon du Massachusetts de 65 ans (lui est le sosie de l'acteur Matthew Fox), aura su réaliser la synthèse des différents courants du camp républicain, des droites religieuses aux centristes.

Deux personnages principaux, deux scénarios

sandy obama romney

Le casting bouclé, la bataille pouvait commencer. Une bataille d'image d'abord. Deux candidats, et deux personnalités que tout oppose. Pour le républicain et le démocrate, les enjeux sont diamétralement opposés au début de la campagne. D'un côté, Barack Obama, incarnation du "cool" en 2008 qui tente encore d'affirmer sa figure de leader dans un pays fragilisé par la crise. De l'autre, Mitt Romney, riche homme d'affaires (il déclare en 2010 un revenu de 21,7 millions de dollars, seulement en bénéfices, dividendes et intérêts sur ses placements), distant et sans saveur, qui aimerait bien allumer quelques étoiles dans les yeux des Américains.

Passons rapidement sur les conventions des deux camps en septembre, de grands raouts ultra-corsetés où chaque candidat accepte la nomination de son parti. Exercice consensuel et soigneusement chorégraphié, les conventions ont toutefois souligné quelques différences entre les deux camps. Une formalité pour le président sortant, et le point d'orgue d'une campagne interne difficile pour Mitt Romney. "Barack Obama n'a rien dit mais l'a bien dit", a résumé la presse américaine, préférant se pâmer devant la performance de l'épouse du président et celle de Bill Clinton, l'ancien président redevenu fréquentable. Quelques jours plus tôt, Mitt Romney s'était engagé la main sur le cœur à redresser l'économie américaine et à créer des millions d'emplois, à l'issue d'une convention où tout a été fait pour l'humaniser un peu.

En vidéos, les discours les plus marquants des deux conventions :

Obama gesticule

La convention républicaine aura aussi été l'occasion pour les Américains de faire connaissance avec Paul Ryan, le co-listier de Mitt Romney. Si l'ancienne secrétaire d'Etat Condoleezza Rice a été un temps pressentie pour accompagner le candidat républicain, c'est finalement ce quadragénaire élu du Wisconsin, très conservateur sur les questions de société comme l'avortement et qui prône une réduction drastique des dépenses publiques qui l'accompagnera sur la route de la Maison-Blanche. Sûr de son fait malgré des petits arrangements avec la vérité, Paul Ryan aura donné un second souffle à la campagne de son candidat. Pas de surprise du côté de Barack Obama, le vice-président gaffeur Joe Biden remet ça. Les deux colistiers n'auront toutefois pas brillé durant la campagne, faisant match nul durant leur débat télévisé malgré quelques poussées de testostérone.

Une fois investi, difficile pour le président sortant de réaliser la même campagne qu'en 2008, un monument de communication unanimement salué. Une campagne parfaite, peut-être trop. Cinq ans après, charisme et volontarisme ont enfanté une horde de déçus qui crient à l'arnaque (ça vous rappelle quelque chose ?). En 2012, prudence et autorité seront de mise. Rayon slogan, au "Yes we can" d'Obama 2008 succède le "Forward" ("en avant") d'Obama 2012, ou comment tenter de faire oublier les renoncements du Président pour mieux vanter le chemin tracé par le candidat. Barack Obama reconnaît bien quelques erreurs, "toutes les heures, tous les jours" a-t-il dit, continue à sillonner les États-Unis de long en large, tente de s'approprier les relatifs sursauts du marché du travail, accuse son adversaire de raconter des "conneries"... Bref, il gesticule, bien conscient que ce qui a fonctionné à merveille en 2008 ne convaincra personne en 2012.

Côté vie privée, on prend les mêmes et on recommence. Mise en avant à bon escient durant quatre ans, Michelle Obama a joué sa partition sans fausse note pour séduire un électorat féminin de plus en plus influent (53% des électeurs); un baiser "volé" par-ci, une histoire intime dévoilée par-là.

Les "erreurs" de Mitt

Dans son duel à distance avec l'atout charme du candidat républicain, Ann Romney, mère au foyer de cinq garçons et grand-mère de 18 petits-enfants, Michelle Obama a d'abord joué la carte de la solidarité féminine. Puis ce fut la guerre. Une guerre ingrate et livrée à distance, faite de sourire ultra-bright, de cookies chauds, de robes roses et de déclarations mièvres sur la force de l'Amour.

Les deux épouses des candidats et leurs robes roses :

Michelle Obama

Le rose, couleur du 2ème débat présidentiel américain

Ann Romney a toutefois fait preuve de caractère, sortant ses griffes de mormone quand les médias s'en prenaient à Mitt de manière trop virulente à son goût. Dans le genre bourde, elle s'est aussi dite inquiète pour le "bien-être mental" de son mari si celui-ci est élu président.

Pour le Républicain, les premiers temps de la campagne électorale ont pris des airs de comédie, le candidat le moins populaire de l'histoire enchaînant les gaffes, forcé de s'excuser pour des "farces" de jeunesse. Rendez-vous compte. Mitt, quand il part en vacances, attache son chien sur le toit de la voiture. Mitt, quand il croit un de ses camarades de classe homosexuel, le plaque au sol et lui coupe une mèche de cheveux. Et aussi: Mitt, quand il présente son co-listier, annonce "le prochain président des Etats-Unis". Assez vite, le candidat et son équipe rectifient le tir, recentrant leur discours -comme sur l'Obamacare- , et compensant les errements du début de campagne par une agressivité inédite à l'encontre du camp adverse.

Mensonges et satyre

Agressivité, notamment dans les publicités négatives. En France, la pratique est peu répandue même si certains s'y sont essayés durant la dernière campagne présidentielle. Romney ridiculisé par Obama, Romney qui demande des excuses puis ridiculise à son tour son adversaire, le schéma classique... Autre coup bas du camp républicain après avoir dénigré Obama auprès de l'électorat cubain, l'apparition du demi-frère du président dans un documentaire à charge. Et quand l'équipe de Romney diffuse une publicité selon laquelle Chrysler et General Motors vont délocaliser les emplois américains en Chine, Joe Biden évoque une vidéo"indécente" et "clairement malhonnête".

En fin de campagne, les Républicains tentent même un "tout pour le tout" avec une campagne d'appels téléphoniques très agressive.

Sur le web, moins d'hostilité et plus de pédagogie. Barack Obama a su conserver le ton personnel et satirique qui avait contribué à sa victoire en 2008, restant en tête des indices de popularité sur les réseaux sociaux, Facebook en tête.

Les Républicains, accusés d'acheter des followers sur Twitter et victimes d'un "Google bombing", ont toutefois fait le boulot dans une campagne qui n'aura pas bouleversé les usages sur le web.

Chuck Norris VS Beyoncé

Niveau people, net avantage à Barack Obama. Les soutiens de Georges Clooney ou Morgan Freeman n'ont que peu d'influence dans les urnes, mais ont au moins le mérite de faire parler les plus jeunes et de séduire les donateurs... Beyoncé, en ne tarissant pas d'éloges sur l'épouse du Président Michelle Obama, Madonna en affichant son soutien en plein concert, Batman en symbole anti-capitaliste, Samuel L. Jackson et Alicia Keys en toute simplicité, Snoop Dogg avec des arguments imparables, Katy Perry avec des arguments tout aussi imparables, ou encore un Will Ferell volontaire, auront contribué à la "web credibility" de Barack Obama. De l'autre côté, les soutiens de Chuck Norris et Kid Rock à Mitt Romney font pâle figure.

Pour finir de poser le décor, il faut évoquer le nerf de la guerre, l'argent. Les Américains pouvaient pour la première fois adresser des dons par SMS à Barack Obama, et c'est bien le président sortant qui a fait la course en tête, bien aidé par les grandes entreprises high-tech et les universités quand Romney recueillait les dons des banques. Profitant d'une large fortune personnelle et d'une décision de la Cour suprême de 2010 autorisant des dons presque illimités, Mitt Romney n'aura malgré tout jamais refait son retard. Une nouvelle fois, des chiffres records ont été avancés. L'équipe de Barack Obama espérait atteindre le milliard de dollars de dons (contre 750 millions de dollars en 2008).

Durant cette campagne, il y eut aussi des débats...

obama romney

Des débats qui n'en étaient pas vraiment, comme celui sur les armes au lendemain de la tuerie d'Aurora dans le Colorado. Dans un pays où il est plus facile d'acheter des armes que du fromage français, le président sortant ne pouvait pas -à moins de se tirer une balle de Colt dans le pied- remettre en cause le droit constitutionnel des Américains à posséder autant d'armes à feu qu'ils le désirent.

Des débats qui n'auraient pas dû en être, comme celui sur l'avortement après un viol. À plusieurs reprises, des Républicains plus ou moins proches de Mitt Romney ont remis en cause ce droit, l'un d'eux affirmant même que les grossesses issues d'un viol sont "une volonté de Dieu". Leur candidat, embarrassé, tente de prendre ses distances comme il peut, sans pour autant froisser ces électeurs "pro-life" les plus extrêmes, tandis que Barack Obama saute sur l'occasion pour fustiger ces déclarations et s'adresser à l'électorat féminin.

Des débats sans issue. Comme celui, sur le programme fiscal de Mitt Romney, un programme qualifié de dingue et de "changeant" par les équipes d'Obama. Que son co-listier Paul Ryan se refuse à expliquer à la télévision.

Et des débats télévisés. Trois débats en direct, dans la grande tradition américaine. Le premier, organisé début octobre, sera unanimement adjugé à Mitt Romney, salué par la presse et surprenant face à un Obama long à la détente et l'air ailleurs.

Le premier débat en images :

US-VOTE-2012-DEBATE

Le débat en images

Quelques ajustements plus tard, le président sortant, plus énergique, réagit bien lors du second débat, prenant le dessus sur un Romney peut-être un peu trop sûr de lui, remis à sa place par la journaliste chargée d'animer la discussion. Barack Obama aura été l'animateur de ce deuxième débat, qualifié de "match de boxe" par les observateurs, attaquant enfin Mitt Romney sur ses "47%". Avant le troisième round, Obama fait mouche en dénonçant la "Romnésie" de son adversaire, toujours accusé de recentrer son discours après un début de campagne très conservateur.

Du troisième débat, qualifié d'"inutile", on retiendra quelques consensus et la prudence de Romney, ridiculisé par le Démocrate après un échange sur la taille de la Marine américaine. Une belle inspiration du président sortant qui deviendra culte sur Internet.

Des polémiques...

attentat benghazi al qaida maison blanche

Une campagne électorale, c'est aussi des polémiques. Comme celle au long cours qui dit que Barack Obama ne serait pas né à Hawaï mais au Kenya, et ne serait donc pas éligible à la fonction suprême. Une rumeur teintée de théorie du complot entretenue à la fois par un chanteur de métal, un milliardaire aigri et Mitt Romney lui-même...

Il y a aussi eu la question de la "race", la couleur de peau, des thèmes que l'on pensait dépassés mais qui ont pourtant animé les discussions. Si Colin Powell, ancien secrétaire d'Etat américain de George W. Bush, noir comme Barack Obama, annonce qu'il votera pour le président sortant, c'est forcément une question de "race" selon un ancien gouverneur républicain.

Il y a eu la polémique qui tombe à pic, quand les Républicains reprochent à l'administration Obama de n'avoir su prévenir l'attaque du consulat à Benghazi, reprochant plus largement au président sortant de ne pas avoir sur gérer la crise libyenne.

Et celle que l'on a vu venir, quand Mitt Romney est accusé de vraix-faux dons au Trésor public. Sommé de dévoiler son avis d'impôts, il a été contraint de s'expliquer sur un taux d'imposition particulièrement bas pour ses revenus.

Celle qui embarrasse, quand plusieurs patrons -encouragés par le candidat républicain- donnent des consignes de vote à leurs employés en faveur de Mitt Romney.

Celle qui passe inaperçue mais qui aurait éclaté en France, quand Jill Stein, la candidate écologiste, est arrêtée avant un des débats télévisés entre les deux favoris. Un débat auquel elle n'était pas conviée, comme Gary Johnson, candidat libertarien dont vous n'avez peut-être jamais entendu parler.

Et surtout, celle des 47%, qui révèle une certaine idée de l'Amérique, quand Mitt Romney estime que la moitié de ces compatriotes ont une mentalité de victimes et vampirisent les aides de l'État. Son co-listier Paul Ryan fait d'ailleurs le même constat.

Des sondages...

Malgré les excuses du candidat, c'est cette phrase volée lors d'un diner réservé aux donateurs républicains qui vaudra à Mitt Romney le plus gros trou d'air dans les sondages. Le gouverneur perdait les quelques points qu'il avait repris à Barack Obama, notamment dans les Etats clés. Mais après tout, comme dit Mitt Romney, "les sondages publics sont ce qu'ils sont". Patient, le gouverneur refaisait son retard après le premier débat télévisé remporté face à Barack Obama, jusqu'à rejoindre la courbe démocrate fin octobre.

À égalité dans des sondages nationaux peu significatifs, c'est plus que jamais dans les États clés comme l'Ohio que les deux candidats feront la différence. Dans ces "swing states", les derniers sondages donnent un net avantage à Obama.

Et du rire...

burns

Plusieurs personnages secondaires auront animé cette campagne. Joe le plombier, figure de l'Américain moyen, a bien essayé de capitaliser sur sa soudaine notoriété de 2008. Le fondateur du magazine Hustler Larry Flynt a bien proposé un million de dollars pour des informations sulfureuses sur Mitt Romney. Mais tout ça n'a pas suffi face à un personnage secondaire qui prendra assurément l'Oscar, un vieux cowboy fétichiste qu'on aime bien quand il fait du cinéma, moins quand il fait de la politique. Un Clint Eastwood moqué, devenu meme à 82 ans et comparé à Grand-père Simpson après un triste discours à une chaise vide pendant la convention républicaine.

Et puis, disons-le clairement, on s'est bien marré. D'abord à cause des candidats et de leurs équipes, ouvriers d'une campagne souvent creuse, toujours à l'affut des dérapages adverses. Mais aussi grâce à des internautes créatifs, inspirés et connectés.

Sandy vote Obama

Donné perdant dès les premières heures de la campagne, donné perdant aux dernières heures de la campagne, Mitt Romney n'a fait illusion que quelques semaines dans les sondages, conservant une petite chance d'accéder à la Maison-Blanche au gré de savants calculs sur l'issue du scrutin dans les États clés.

S'il a certainement compté sur un faux pas de Barack Obama durant le passage de l'ouragan Sandy fin novembre, il n'a pu qu'observer la bonne gestion de la crise par l'administration du président sortant. Les deux candidats ont suspendu leur campagne pour quelques jours mais Barack Obama a su tirer le meilleur avantage de la tempête, laissant le Républicain expliquer avec difficulté une petite phrase prononcée en 2011, selon laquelle il souhaite fermer la FEMA, l'agence fédérale qui coordonne les actions de secours en cas de catastrophe naturelle comme Sandy.

Qui de Barack Obama ou Mitt Romney connaîtra une "happy end"?

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