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Écoles franco-ontariennes : croissance, mais à quel prix?

Écoles franco-ontariennes : croissance, mais à quel prix?

Des parents francophones s'inquiètent de la qualité du français dans les écoles primaires franco-ontariennes du sud et du sud-ouest de la province, en raison de la hausse du nombre d'élèves pour qui ce n'est pas la langue maternelle. Dans nombre d'écoles, les deux tiers des élèves ont une autre langue maternelle.

Selon les statistiques compilées par l'Office de la qualité et de la responsabilité en éducation (OQRE), le pourcentage des élèves de troisième année qui ne sont pas des francophones de souche a augmenté de 26 % à 72 % depuis cinq ans aux conseils scolaires Viamonde et de district catholique Centre-Sud et dans les écoles catholiques du Sud-Ouest. Au conseil catholique Centre-Sud, le nombre de francophones de souche demeure, toutefois, supérieur à la moyenne provinciale.

L'intégration d'élèves pour qui la langue maternelle n'est pas la même que la langue d'enseignement est aussi une réalité dans le réseau anglophone. Mais, en guise de comparaison, au conseil scolaire public anglais de Toronto, 45 % des élèves de troisième année avaient une langue maternelle autre que l'anglais l'an dernier.

Croissance

Pas moins d'une demi-douzaine de nouvelles écoles de langue française ont ouvert leurs portes en septembre dernier dans le sud de la province. Les conseils francophones y sont en pleine expansion, à la suite notamment de campagnes de recrutement à la télévision, dans les journaux et dans le métro de Toronto.

La Torontoise Anne Godbout, dont les deux filles fréquentent l'école catholique Georges-Étienne-Cartier, trouve, toutefois, que ces campagnes auprès de « familles (dont un membre) a jadis peut-être déjà eu une éducation francophone, mais qui étaient devenues anglophones » ont eu un effet pervers.

Mme Godbout est satisfaite de la formation de ses filles en sciences et en mathématiques. Mais elle pense qu'elles seraient « plus avancées en lecture, en écriture et en grammaire si elles n'étaient pas dans ce milieu qui n'est pas uniquement francophone. »

La femme d'origine québécoise, dont le conjoint est anglophone, continue à croire dans le système franco-ontarien. Toutefois, selon elle, les ressources en place pour aider les élèves qui ne maîtrisent pas bien la langue sont insuffisantes.

Lisette Mallet a constaté elle aussi une augmentation du nombre d'élèves « anglophones » à l'école publique Pierre-Elliott-Trudeau de Toronto, qu'ont fréquentée ses deux garçons. Elle s'interroge sur la « capacité » du conseil scolaire à bien former ces élèves. Mais elle ne croit pas que leur présence a ralenti l'apprentissage de ses garçons.

Les conseils se défendent

Les conseils scolaires francophones ne surveillent pas le ratio de francophones de souche dans leurs écoles et ne peuvent pas expliquer précisément pourquoi il y a une augmentation du nombre d'élèves pour qui le français n'est pas la langue maternelle.

Ces élèves peuvent être les enfants de couples exogames ou de parents allophones ayants droit ou encore des jeunes dont un grand-parent parle français. Par ailleurs, quelques dizaines d'élèves non ayants droit sont admis chaque année, après avoir subi un test de français, à la suite d'une demande extraordinaire de leurs parents.

La directrice de l'éducation au conseil Viamonde, Gyslaine Hunter-Perreault, affirme que les statistiques sur le nombre d'élèves pour qui le français n'est pas la langue maternelle sont trompeuses, parce que « ça dépend comment les parents choisissent de s'identifier lors de l'inscription » de leur enfant. En d'autres mots, ce chiffre n'a rien à voir avec le niveau d'aptitude de l'élève en français, selon elle.

Mme Hunter-Perreault assure que « lorsque l'élève est admis à l'école, il est capable de fonctionner avec succès en français. » En fait, selon la loi, une école française est obligée d'accepter tout enfant d'un parent ayant droit , qu'il parle le français ou pas.

Le directeur de l'éducation au conseil de district catholique Centre-Sud, Réjean Sirois, se fait rassurant lui aussi. Il souligne qu'il y a « toutes sortes de programmes » pour aider les élèves qui ne maîtrisent pas bien la langue, des groupes de lecture aux camps d'été optionnels, en passant par un projet-pilote en communication orale mis à l'essai dans quatre écoles du conseil.

De son côté, Mohamed Sekkak du groupe Parents partenaires en éducation affirme que, même si l'augmentation du nombre d'élèves pour qui le français n'est pas la langue maternelle « a l'air alarmante, le système se porte très bien ».

Le père de famille d'origine marocaine cite son propre cas et celui de son fils, qui fréquente une école française. Ils parlent tous deux très bien français, alors que l'arabe était leur langue maternelle. « Ce serait, dit-il, comme un banquier qui ne donne du crédit qu'à ceux qui ont bon rapport de crédit. Si le système de l'enseignement francophone en Ontario ne prend pas de risques, l'enseignement va stagner à un certain moment ».

Résultats à la hausse

Pour sa part, la ministre de l'Éducation, Laurel Broten, dont les enfants fréquentent l'école française, réitère sa confiance dans le réseau franco-ontarien. Selon elle, les résultats des écoles françaises aux tests provinciaux prouvent qu'il n'y a pas de problème.

« Chaque année, dit-elle, on voit que le rendement des élèves dans les écoles de langue française s'est constamment amélioré depuis 2001-02 ».

La ministre Broten ajoute que son gouvernement a bonifié le budget des conseils francophones de 80 % depuis 2003.

Son homologue aux Affaires francophones, Madeleine Meilleur, admet, elle, que l'intégration des élèves pour qui le français n'est pas la langue maternelle « cause des défis ». Mais elle ajoute que les enfants sont des « éponges » et qu'ils apprennent très rapidement.

La ministre Meilleur est « très heureuse » de voir que de plus en plus de parents envoient leur enfant à l'école française.

Une « problématique »

De son côté, la professeure adjointe Sylvie Lamoureux de l'Institut des langues officielles et du bilinguisme de l'Université d'Ottawa voit la question comme « une problématique, sans toutefois être un problème. »

Elle explique que l'intégration des élèves pour qui le français n'est pas la langue maternelle « peut poser des défis ». Elle raconte, par exemple, qu'un élève, même s'il peut répondre en français à des questions sur son quotidien, peut prendre « bon nombre d'années » avant de maîtriser un vocabulaire plus spécialisé, comme celui des mathématiques, en plus d'être capable de discuter en français de questions abstraites.

La professeure Lamoureux ajoute, toutefois, que « ce serait faux de dire que ce sont les enfants qui viennent de foyers plurilingues qui ont le plus de difficultés ».

Par ailleurs, elle souligne que les enseignants sont mieux outillés en 2012, pour détecter les problèmes et aider les élèves, qu'ils ne l'étaient lors de la création des conseils scolaires francophones il y a 15 ans.

Selon la spécialiste, l'éducation en français continue, néanmoins, à nécessiter « un travail de collaboration étroit entre l'école et les parents et la communauté ».

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