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Angela Merkel à Athènes: le peuple grec a crié sa colère sur la place Syntagma (REPORTAGE/PHOTOS)

Reportage au cœur des manifestations grecques
Clémentine Athanasiadis

GRÈCE - La venue d'Angela Merkel à Athènes ce mardi 9 octobre pour la première fois depuis le début de la crise n'était pas souhaitée par le peuple grec... mais elle était attendue. Place Syntagma, ils étaient des milliers à être venus crier leur colère contre une politique économique étouffante fortement personnifiée par la chancelière allemande. Mais rapidement, des affrontements violents ont opposé force de police et certains manifestants.

Le rendez-vous était donné depuis plusieurs jours, notamment par Syriza, principal parti d'opposition du gouvernement, place Syntagma à midi. Malgré l'annonce d'un déploiement massif des forces de police et la menace d'une place totalement inaccessible, les Grecs se sont déplacés et en masse.

"Nous avons répondu présents alors que ça fait des jours qu'on nous dit qu'il ne se passera rien à cause des mesures déployées. L'Allemande est arrivée et l'on veut montrer que nous sommes déterminés à ne pas nous laisser faire par ce que l'on nous impose", explique Mélanie, étudiante grecque en Sciences politiques.

Et pour cause: la venue d'Angela Merkel pour la première fois depuis le début de la crise à Athènes est perçue plus volontiers comme une provocation que comme un signe "de respect et de reconnaissance".

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Banderoles et slogans anti-Angela Merkel

Personnage politique devenu indissociable des mesures toujours plus drastiques imposées au peuple grec depuis trois ans, Angela Merkel en a pris pour son grade dans les différents cortèges installés sur la place du Parlement.

"Si vous saviez ce que je lui dis à la Merkel. Elle ne vient pas ici pour nous encourager mais pour nous défier, pour nous montrer qu'elle n'a pas peur de nous. Cette fois, c'est nous qui allons lui donner la fessée!", s'insurge Stavroula, une femme de 63 ans.

Même son de cloche du côté de Antonis, étudiant de 17 ans qui a préféré s'asseoir sur la fontaine de Syntagma plutôt que sur les bancs de l'école: "Merkel ne vient pas en amie chez nous, elle vient pour nous donner de nouveaux ordres rien de plus. Ici, le futur n'existe pas, on doit se battre car nos parents souffrent de cette situation et nous souffrons de l'image que l'Allemagne nous renvoie. On nous félicite pour nos efforts, mais on a pas le choix sinon c'est la sortie".

Alors qu'Antonis Samaras voit la chancelière en "amie", les Grecs sont loin de partager ce sentiment.

"Merkel n'est pas mon amie, elle nous enterre vivant, c'est à elle de quitter l'Europe. Nous sommes traités comme des chiens ici, les mesures que l'on nous impose nous tuent à petit feu. Il faut que Merkel arrête de se moquer de nous", assène Georgos 61 ans.

Les banderoles qui s'agitent sous un ciel bleu n'en disent pas moins. Le plus souvent, Angela Merkel est volontiers caricaturée en nazie. Certains manifestants ont même enfilé l'uniforme SS comme pour prévenir de la menace qui pèse sur le pays de Platon.

"Je ne pense pas sincèrement que Merkel soit un nazi mais il est évident que les mesures imposées vont avoir les mêmes conséquences qu'en Allemagne en 1933. La preuve, Chrisy Avghi est rentré au Parlement lors des dernières élections, le 6 mai", s'inquiète Vasilis, étudiant en médecine.

Au dessus de la foule, on peut voir la chancelière passée à la guillotine, déguisée en cloon ou encore rangée à côté de Papandréou, ancien premier Ministre grec.

Affrontements violents entre manifestants et policiers

Aux alentours de 13 heures, sans prévenir, la place Syntagma et ses alentours se sont remplis très rapidement. L'ambiance reste relativement bon enfant, on entend parler politique dans les différents cortèges alors qu'une musique grecque s'approprie l'espace et que l'odeur des merguez plane dans l'air. Mais cela ne durera pas très longtemps. Dans une rue perpendiculaire au Parlement, les forces de l'ordre restées jusqu'ici plutôt discrètes sont prises à parti par des manifestants.

Parquée derrière des grillages, la police commence par ne pas répondre aux jets de bouteilles de verre, de bâtons, et de chaises. Un mépris qui semble énerver davantage les manifestants cagoulés qui craignent les bombes lacrymogènes. Leur provocation redouble d'intensité, certains tentent de démonter les grillages alors que les insultes et les armes faites maison continuent de fuser. La tension monte d'un cran lorsque la police décide de riposter en lançant des lacrymogènes sur les manifestantes qui sont forcés de reculer.

Dès lors, les yeux ne cesseront de brûler, la peau de piquer et l'air de devenir irrespirable. La bataille commence, la police est au garde à vous, les manifestants sont particulièrement nerveux. Rangée en ligne de deux et dispersée tout autour de la place Syntagma, la police est la cible de projectiles en tous genres. De la bouteille de verre, à la barre de fer sauvagement récupérée dans la rue, en passant par des morceaux de pierre trouvés à même le sol, les trottoirs fracassés aidant. De leur côté les forces de l'ordre riposte toujours de la même façon: lancé de lacrymogènes, explosion assourdissante de cocktails molotov et charge contre les manifestants qui reculent en trombe.

Entre 14 à 18 heures, l'ambiance vers la place Syntagma trouve un autre visage. La fête est terminée, le climat est pesant. Violence et silence. Personne ne parle ni ne crie vraiment. On entend seulement le bruit que font les projectiles une fois retombés sur le sol quand ils n'ont pas touché un agent. L'air devient irrespirable. Les manifestants ont les yeux rouge vif et la toux sèche. Ceux qui n'ont pas prévu de masque se recouvrent le visage d'une crème qui atténue la sensation de brûlure et se mettent des gouttes dans les mirettes. Personne ne semble se décourager.

Un gouvernement corrompu

"Nous nous en prenons à la police parce qu'elle représente le gouvernement Samaras qui est un traître", se justifie un jeune homme masque sur le nez, pierre à la main. Si la venue d'Angela Merkel est la cause de ce rassemblement, beaucoup mettent également la faute sur leur propre gouvernement.

"Angela Merkel n'est pas venue seule, on l'a invitée. Samaras n'aime pas son peuple. C'est un traître comme ceux qui l'ont précédé", assure t'on d'un côté alors que Dimitris, rangé derrière la banderole Syriza, invite Merkel à prendre Samaras avec elle:

"Que Merkel prenne Samaras avec elle! Il nous a promis plein de choses mais n'a rien respecté, notre gouvernement est trop corrompu, ce sont tous des menteurs. Nos politiciens sont des marionnettes".

Alors qu'une ONG apporte les soins nécessaires aux manifestants blessés et assommés par l'air chimique. Vers 18 heures, la place Syntagma se vide aussi vite qu'elle s'est remplie. Chacun se disperse, les rues aux alentours sont jonchées de débris alors que les poubelles fument encore.

Comme par un épuisement mutuel, manifestants et policier décident d'arrêter les provocations. Le ciel est devenu gris, la tension peine à redescendre. Une demi-heure plus tard, le service de nettoyage passe, emportant dans ses camions les traces d'une journée mouvementée. Place nette est faite. Pour mieux recommencer?

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Manifestations en Grèce pour la venue de Merkel (Photos Reuters)

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