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Le conflit étudiant occulté par la campagne? Témoignages sur le vif

Le conflit étudiant occulté par la campagne? Témoignages sur le vif

Un texte de Bruno Maltais

À l'aube du déclenchement des élections, Jean Charest affirmait que « le choix qui se présente aux Québécois, c'est vraiment un choix de société. Voulons-nous vivre dans une société qui se respecte les uns les autres? Où on respecte les lois, où on respecte la démocratie? Ou est-ce que les Québécois préfèrent le choix de Mme Marois : les référendums et la rue? »

Après trois semaines de campagne électorale, au-delà des critiques envers les libéraux et les caquistes, qui souhaitent augmenter substantiellement les droits de scolarité, les manifestants qui s'opposent à une hausse déplorent le manque d'intérêt des partis pour les enjeux liés à l'éducation.

Mercredi, lors de la traditionnelle manifestation du 22 du mois à Montréal, les représentantes de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ), de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) et de la Coalition large de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE) ont unanimement dénoncé l'incapacité des partis politiques à faire de l'éducation « un enjeu prioritaire » et déploré le « peu de leadership » des élus et des politiciens dans ce dossier.

Le malaise était relayé par les manifestants dans les rues.

Luce Botella, à la place du Canada en appui aux étudiants, trouve aussi « étonnant qu'on en ait parlé si peu ». « Est-ce que c'est aussi notre réaction de Montréalais? », s'interroge-t-elle. À ses côtés, Alexandrine Agostini souligne que « Françoise David en parle, elle, et elle s'affiche avec son carré rouge pendant le débat ». D'ailleurs, les affiches de Québec solidaire semblaient plus présentes que tous les autres partis confondus, lors de la manifestation de mercredi. Quelques manifestants brandissaient des affiches d'Option nationale, l'autre parti qui prône la gratuité scolaire, tandis que les affiches du Parti québécois se comptaient sur les doigts d'une main.

« Les partis politiques jouent à la cachette », déplore Clermont Lachance, venu appuyer les étudiants. « On dirait qu'ils disent juste une petite affaire pour flatter un peu les étudiants, mais pas trop pour ne pas que ça leur nuise », ajoute Johanne Saulnier, qui estime que la manifestation du 22 août permettra peut-être de ramener le débat à l'avant-scène de la campagne électorale.

Yanick Trudeau, qui commencera l'université cet automne, y voit lui aussi une stratégie des partis. Il n'entend toutefois pas voter de façon stratégique pour un parti en mesure de remplacer le gouvernement Charest, car il estime qu'un gouvernement péquiste minoritaire, appuyé par des députés de Québec solidaire, donnerait de meilleurs résultats qu'un gouvernement majoritaire. « S'il y a 5, 6,7 députés de Québec solidaire et d'Option nationale qui rentrent à l'Assemblée nationale, on devrait entendre un peu plus parler de leurs positions. »

Si certains étudiants estiment que le retour en classe des étudiants des cégeps coupe l'herbe sous les pieds des libéraux, qui entendaient utiliser le conflit étudiant pour rallier les opposants aux manifestants, d'autres déplorent l'essoufflement de la mobilisation.

« Je suis vraiment déçu que tous les carrés rouges soient devenus électoralistes et aient laissé tomber la grève, qui est le seul moyen de manifester notre mécontentement », affirme Maxime Raymond, étudiant au Collège Édouard-Montpetit.

« On ne devrait pas se baser sur la campagne électorale, parce qu'une campagne électorale, ce n'est pas une fin en soi. Moi je suis membre de la CLASSE, donc la revendication principale, c'est la gratuité, et aucun des trois partis principaux ne promet la gratuité. C'est sûr qu'on va continuer après les élections », ajoutant que même s'il revendique la gratuité scolaire, « un compromis est possible ».

À ses côtés, Marie-Kim Pagé-Daigneault, elle aussi étudiante au Collège Édouard-Montpetit, estime que « ce qui est bien aussi avec la grève, c'est que ça a ramené le débat sur le mode de scrutin pour être mieux représenté ».

L'élection du 4 septembre n'est pas un référendum sur le conflit étudiant

« Le conflit étudiant est certainement un des facteurs, mais on ne va pas voter que pour ça », dit Camille Delage, étudiant en enseignement du français à l'UQAM.

« On en a entendu parler souvent et je pense que les gens se sont fait leur opinion là-dessus. Ça ne me dérange pas qu'il y ait d'autres sujets abordés en campagne électorale. Je n'ai pas envie que les partis se servent de cette cause-là pour ne pas aller attaquer d'autres trucs qui sont importants », affirme Simon Brinck, étudiant en enseignement à l'Université de Montréal. « La place que ça prend présentement me satisfait », ajoute-t-il.

« C'est sûr qu'on doit prendre ça en compte, mais faut quand même prendre le temps de réfléchir aux autres enjeux sociaux », ajoute Guillaume Sirois, lui aussi étudiant en enseignement à l'Université de Montréal. « Je ne voterai pas contre les libéraux en raison de la question étudiante au cours des six derniers mois, mais pour tout ce qu'ils ont fait pendant les neuf dernières années », dit-il.

En ce sens, plusieurs manifestants ne croient pas que la partie de la population restée silencieuse pendant le conflit étudiant soit pour autant satisfaite du gouvernement Charest. « Moi normalement je ne suis pas dans les manifestations. Alors je suis dans cette majorité silencieuse? », souligne Françoise Limoge. « J'ai l'impression qu'il y a un écoeurement général qui va s'exprimer et que ce ne sera pas silencieux du tout le 4 septembre », ajoute l'homme à ces côtés.

« Ça prend une élection maintenant pour faire savoir aux libéraux qu'on avait besoin d'une réponse à l'enquête sur le crime organisé. Il l'a refusée pendant trois ans. Maintenant si le 4 septembre, si tous les gens qui voulaient une enquête sur le crime organisé peuvent se prononcer, on aura éventuellement un changement de gouvernement », dit Yves Beaulieu, dans la manifestation.

« Les gens qui sont ici sont contre la hausse des droits de scolarité, mais on veut aussi que nos ressources naturelles soient protégées, on veut que l'éducation soit gratuite. On veut de la démocratie, de la transparence, de l'intégrité. On veut plus de justice sociale. Personne pendant la campagne parle des plus pauvres, des assistés sociaux, des chômeurs, des gens qui ont de plus en plus de difficulté à payer leur épicerie. Et peu importe le résultat le 4 septembre, ce mouvement va continuer. Il ne fait que commencer », estime Yves Chartrand.

bruno.maltais@radio-canada.ca

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