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Ne jetez pas Mélanie avec l’eau du bain…

Si vous prenez le temps de lire attentivement le cadre de sa politique culturelle, vous comprendrez que Mélanie Joly tient vraiment notre culture et notre identité canadienne à coeur.
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Si vous avez bien écouté ce discours de Mélanie Joly et bien lu son cadre proposé, la refonte de la loi sur le CRTC demeure à venir.
Radio-Canada
Si vous avez bien écouté ce discours de Mélanie Joly et bien lu son cadre proposé, la refonte de la loi sur le CRTC demeure à venir.

On l'a vu, Mélanie Joly a vapoté quelques phrases-cassettes controversées dimanche dernier, à TLMEP. Celles-ci ont fait l'objet d'une récupération médiatique souvent démagogue, voir trollesque, créant un gros show de boucane qui, finalement, est devenu un dense écran de fumée devant l'enjeu le plus fondamental : la reproduction de notre créativité, de notre culture de demain.

Si vous prenez le temps de lire attentivement le cadre de sa politique culturelle, vous comprendrez que Mélanie Joly tient vraiment notre culture et notre identité canadienne à coeur. Voilà pourquoi j'utilise ici mon privilège d'écrire sur le HuffPost devant des milliers d'yeux pour tenter de freiner l'idée généralisée voulant que «la ministre Mélanie Joly ait vendu notre âme culturelle au diable américain»... Alors, allons-y.

Tout d'abord, Mélanie Joly n'a pas donné congé de taxes à un géant américain; les géants américains n'ayant pas de lieu d'affaires physiques ici ne sont pas tenus de respecter notre loi fiscale concernant les services numériques. La taxation n'est pas dans la cour de Mélanie Joly et c'est un autre débat. Et ce genre de situation doit se régler de manière générale, par la Loi fiscale, et non au compte-goutte dans une entente de gré à gré entre Patrimoine Canada et Netflix. L'erreur de communication de la ministre, c'est de ne pas avoir dit «pas dans ma cour»; de ne pas être débarquée avec Bill Morneau à TLMEP pour nous expliquer ce bout-là... Mais bon, elle apprend à la dure la politique, j'imagine.

Ensuite, en dehors des négociations entre Patrimoine Canada et Netflix, rien n'empêcherait le gouvernement canadien de revoir la «Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes» (CRTC). Chose que la ministre entend faire, selon son récent discours que vous pouvez réécouter ici. Ainsi, notre culture dans un environnement numérique, francophone comme anglophone, dans la proportion qu'on le souhaite, pourrait être privilégiée à celle des Américains ou d'autres nations. Or, sachant que l'investissement de 500 M$ par Netflix fera certainement travailler des artisans en sol canadien, la refonte du CRTC pourrait vraisemblablement dicter à Netflix sur quels scénarios ses productions devront s'attaquer, pour qu'elles puissent aboutir sur sa propre première page. À quoi bon produire du contenu si on ne peut pas le mettre de l'avant?

Si vous avez bien écouté ce discours de Mélanie Joly et bien lu son cadre proposé, la refonte de la loi sur le CRTC demeure à venir; l'ALENA demeure à être renégocié, tout en conservant la vitale «exception culturelle» qui nous permet de faire du protectionnisme culturel et de ne pas être américanisés davantage. D'autant plus que la Loi sur le droit d'auteur et la (très très très lente) Commission du droit d'auteur restent aussi à réformer, principalement pour assurer avec agilité une rémunération équitable des usages commerciaux et non commerciaux de notre contenu culturel, dans un environnement numérique.

L'hystérie collective de cette semaine éclipse totalement le grand enjeu fondamental : freiner la gourmandise des fournisseurs d'accès Internet au profit du renouvellement de notre création culturelle, de notre culture de demain.

L'hystérie collective de cette semaine éclipse totalement le grand enjeu fondamental : freiner la gourmandise des fournisseurs d'accès Internet au profit du renouvellement de notre création culturelle, de notre culture de demain. Et à ceux qui croient qu'une redevance obligatoire versée par le fournisseur d'accès Internet au milieu culturel revient à une taxe cachée refilée aux consommateurs, voici ci-dessous ce que j'ai à leur répondre, sans aucune gêne, et pour leur éducation, surtout.

Taxer mon Internet... Encore une autre taxe?

Dans la consommation culturelle de l'ère pré-Internet, plusieurs joueurs percevaient la valeur au passage, plus ou moins équitablement : détaillant, distributeur, producteur, label, éditeur, etc. Le reste allait à l'artiste, au créateur.

Aujourd'hui, l'artiste crée, le producteur produit, le distributeur représente et agrège le contenu en volume, le distribue et le transporte par l'entremise d'un fournisseur d'accès Internet (FAI) auprès de Plateformes de service numérique, comme Netflix ou Spotify. Le consommateur passe aussi par son FAI pour se connecter à de telles plateformes. La grande majeure partie des 0 et des 1 qu'il consomme est liée au contenu culturel comme la musique, la vidéo, le film, les séries télé. Et les plateformes de services Internet s'approvisionnent auprès des distributeurs par le FAI. Le FAI est partout. Mais vraiment partout ! C'est LE middelman tout-puissant.

Le fournisseur d'accès Internet, comme Videotron ou Bell, capte actuellement la valeur de notre contenu culturel de façon démesurée par rapport aux plateformes de vente et de streaming, mais, surtout, par rapport aux producteurs et aux créateurs qui n'héritent que de pauvres miettes faméliques.

Un concept qui existe déjà...

Pour la petite histoire, le Fond des médias canadiens (FMC) est venu au monde en 1995 (sous le nom de Fonds de production des câblodistributeurs). Son but visait à faire en sorte que ceux qui transportent techniquement et livrent le contenu culturel du créateur/producteurs/distributeur vers le diffuseur/téléspectateur contribuent à la création de nouveaux contenus. Cela nous a permis de créer et produire notre propre contenu culturel, bien à nous, malgré notre faible démographie. Alors que nous n'étions que quelques Gaulois entourés d'une mère culturelle romaine, ce Fond se voulait en partie notre potion magique pour se tenir debout, devant les Américains. Autrement, nous n'aurions vu depuis que des adaptations de films et séries venues d'ailleurs, souvent bien mal traduites et avec des lèvres qui bougent de manière asynchrone...

L'arrivée du Fond des câblos a peut-être eu pour effet d'augmenter la facture de notre bouquet de postes de télé chez Cogeco ou Vidéotron, il n'en demeure pas moins que cela a garanti la survie de notre créativité, notre «régénération» culturelle.

Bref, si vous êtes d'accord avec une telle logique (que vous payez déjà depuis fort longtemps), je me demande pourquoi cela ne s'appliquerait pas au fil Internet qui passe juste à côté du câble, chez vous, sur votre mur extérieur. Particulièrement dans un contexte où l'offre des câblodistributeurs est appelée à transiter par la fibre, par Internet (comme YouTube TV à venir incessamment).

Une lumière au bout du tunnel!

La bonne nouvelle, c'est qu'il y a encore (et plus que jamais) de l'espoir. La ministre Joly dans un de ses récents échanges avec les médias a été spécifique : « Nous, on souhaite que les entreprises qui bénéficient du nouveau modèle d'affaires participent [au financement], a-t-elle aussi soutenu. Dans le contexte de la réforme de nos lois [sur la radiodiffusion et les télécommunications], on va s'assurer d'avoir un nouveau modèle qui va assurer du financement. »

Peut-être verrons-nous enfin, plus tôt que tard, les riches et gourmands fournisseurs d'accès Internet partager une petite part de leur gros gâteau à notre industrie créative affamée et à bout de souffle?

La suite sera palpitante !

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