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Une roche à la place du coeur

J'ose croire que la grande majorité des Québécois et des Québécoises ne sont pas à l'image de ces commentaires saugrenus qui circulent dans les médias sociaux.
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Getty Images/iStockphoto

J'avoue avoir essuyé une larme ou deux en visionnant le documentaire de l'équipe d'Enquête de Radio-Canada: La prière où tout a basculé. On a beau se comporter en brute qu'il y a des limites à dissimuler sa sensibilité.

L'attentat terroriste de la mosquée de Québec survenu l'an dernier, le 29 janvier 2017, ne pouvait que dégoûter un être humain digne de ce nom. Pleurer devant une telle tragédie c'est aussi communier avec les victimes. Et il était difficile, voire impossible pour moi, de ne pas me sentir submergé par des émotions allant de la rage au désespoir le plus abyssal face à ce gâchis.

Pendant des semaines, des mois, des années, nous avons laissé gonfler la bulle.

On a commencé par casser des vitrines et par intimider des commerçants musulmans.

On s'est mis dans la tête qu'on devait refuser aux femmes voilées l'accès aux services publics.

Puis on s'est mis à baptiser des mosquées avec du sang de porc.

Finalement, un plus exalté a fini par commettre un massacre.

Rien n'est plus troublant que d'entendre le témoignage du fils d'une des victimes au cours du documentaire d'Enquête.

D'autant plus troublant qu'il ne comprenait tout simplement pas, avec son fort accent québécois, pourquoi des gens allaient jusqu'à dire que le tueur n'avait pas suffisamment abattu de musulmans. Et c'était bien sûr publié autant sur Facebook que dans les commentaires des articles publiés sur la Toile.

Je me demande comment l'on peut être aussi méchant, aussi déshumanisé, aussi répugnant.

On parlera de la nécessité d'éduquer, de combattre l'ignorance et blablabla.

Le fait demeure qu'il y a des gens qui ont une roche à la place du coeur. Il y a des gens qui, manifestement, n'ont aucune sensibilité. Ils vous chargeraient d'immigrés des convois ferroviaires en route vers un camp d'extermination. Et ils vous donneraient d'excellentes raisons. Même des raisons scientifiques: mesure du crâne des victimes, analyse fallacieuse des croisades au Moyen-Âge, statistiques fumeuses sur tout et rien, invasion de burkinis sur les plages du lac Saint-Pierre et j'en passe. Tout ça pour rendre hommage à la haine. À cette haine qui accouche toujours d'un beau massacre.

Je me souviens que le 29 janvier 2017 quelque chose s'est brisé en moi.

Je me souviens que le 29 janvier 2017 quelque chose s'est brisé en moi. Quelque chose comme l'anticléricalisme exacerbé. Je ne suis membre d'aucun parti et d'aucun temple. Par contre, je me sens du côté de toutes les victimes de racisme, de ségrégation et d'injustice. Je ne peux que me solidariser avec ceux qui sont tombés sous les balles du tueur ce jour-là. Je ne peux que combattre ces raclures qui, malgré cet attentat, continuent de répandre leur fiel contre nos concitoyens et concitoyennes de confession musulmane. Cela dépasse évidemment la critique légitime de la religion pour tomber dans l'appel à l'expulsion, à l'intimidation et même au meurtre des nouveaux boucs émissaires de la populace qui reprend le discours des canailles.

Je veux bien apprendre à vivre ensemble avec un musulman, un juif, un zoroastrien, un adventiste du septième jour, un athée et j'en passe. Mais apprendre à vivre avec des sans-coeur et des méchants est au-dessus de mes capacités.

Il doit bien rester un peu d'humanisme quelque part, par-delà les clivages idéologiques, les peurs et les préjugés.

J'ose croire que la grande majorité des Québécois et des Québécoises ne sont pas à l'image de ces commentaires saugrenus qui circulent dans les médias sociaux. Il doit y avoir encore un zeste d'hospitalité et de saine curiosité, d'accueil et de solidarité au Québec. Il doit bien rester un peu d'humanisme quelque part, par-delà les clivages idéologiques, les peurs et les préjugés.

Évidemment, certains politiciens devraient avoir cette dignité de refuser de surfer sur la vague identitaire. Plutôt perdre deux votes que de perdre son âme, n'est-ce pas?

Avril 2018

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