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Que peut-on espérer des ondes gravitationnelles?

L'annonce le 11 février de la première détection directe d'ondes gravitationnelles marque un vrai tournant dans notre connaissance de l'Univers.
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L'annonce le 11 février dernier de la première détection directe d'ondes gravitationnelles marque un vrai tournant dans notre connaissance de l'Univers. Ces ondes, qui sont une déformation de l'espace-temps et se propagent à la vitesse de la lumière, sont engendrées par des masses en mouvement.

Au-delà de la confirmation de la théorie de la gravitation d'Einstein et de l'existence des trous noirs, cet événement ouvre des perspectives immenses pour notre connaissance d'une partie cachée de l'Univers. En effet, les ondes de déformation de l'espace ne sont pas absorbées ou stoppées par la matière, comme peuvent l'être les ondes électromagnétiques, et vont donc permettre de sonder les astres en profondeur.

Les ondes gravitationnelles sont ainsi les seules à pouvoir nous renseigner sur ces fameux «astres occlus», comme le marquis de Laplace, au 18e siècle, appelait les trous noirs. Ceux-ci sont effectivement délimités par leur horizon, de l'intérieur duquel rien ne peut sortir, pas même la lumière: aucun messager ne peut révéler leur existence, hormis les ondes gravitationnelles. La détection de ces ondes en septembre 2015 a donc confirmé la réalité des trous noirs et, première surprise, a dévoilé l'existence d'une binaire de deux trous noirs dont les masses - 29 et 36 masses solaires (Msol) - sont plus élevées qu'habituellement décrit.

Un trou noir est constitué des restes de l'explosion d'une étoile massive en supernova. Nous connaissons des exemples de tels restes tournant en orbite autour d'une étoile normale qui leur fournit du gaz: les deux objets constituent alors une binaire-X, appelée ainsi en raison du fort rayonnement X du gaz tombant de l'étoile sur le compagnon compact. Ce dernier, issu de l'explosion d'une étoile en supernova, est soit une étoile à neutrons (masse inférieure à 3 Msol), soit un trou noir (masse autour de 5 à 10 Msol). Le fait que les premières ondes gravitationnelles détectées proviennent de trous noirs aussi massifs a provoqué une intense activité des théoriciens pour expliquer leur existence.

De fait, une étoile ne peut normalement pas être plus massive que 100 à 140 Msol: au-delà, elle serait si lumineuse que la pression de radiation - i.e., exercée par son rayonnement - empêcherait toute accrétion supplémentaire de gaz. Au cours de sa vie, l'étoile perd de la masse en raison des vents stellaires, puis son enveloppe est éjectée au cours de son explosion. Pour que ses restes soient plus massifs, il faudrait des vents stellaires moins importants, ce qui n'est possible que si l'abondance de l'étoile en éléments lourds est faible - deux fois inférieure à celle du Soleil -, afin de minimiser la pression de radiation. Dans le cas de la binaire de trous noirs qui vient d'être détectée par les ondes gravitationnelles, il est possible qu'elle se soit formée dans un amas globulaire où la densité d'étoiles est si forte que certaines peuvent croître en masse par collisions entre étoiles. Enfin, des trous noirs pourraient également devenir plus massifs par coalescence.

Ces différentes hypothèses devraient être confirmées ou infirmées grâce à la détection probable, dans un avenir très proche, de plusieurs événements tels que celui qui vient d'être annoncé: ils apporteraient ainsi une statistique sur les masses des trous noirs et leurs vitesses de rotation sur eux-mêmes - leurs spins.

Les ondes gravitationnelles devraient également nous renseigner sur les binaires d'étoiles à neutrons et la façon dont elles fusionnent, plus ou moins vite, en trou noir: de quoi comprendre la physique de ces étoiles formées de matière nucléaire ultradense - un milliard de tonnes par centimètre cube! Jusqu'à présent, de nombreux modèles théoriques ont été proposés, incluant des étoiles de quarks étranges, ou un état superfluide de neutrons avec quelques électrons supraconducteurs.

La découverte des ondes gravitationnelles avec la génération actuelle (2e) de détecteurs promet aussi un avenir glorieux à la 3e génération, d'abord au sol, avec le projet européen ET (Einstein Telescope), puis dans l'espace. Ces détecteurs, dotés d'une plus grande envergure, seront sensibles à de plus basses fréquences (grandes longueurs d'onde), et donc à des binaires de trous noirs plus massifs, comme les trous noirs de masse intermédiaire (entre mille et un million de Msol), riches de renseignements sur la formation et l'évolution des trous noirs. Nous savons que chaque galaxie possède en son centre un trou noir supermassif (entre un million et un milliard de Msol). À chaque fusion de galaxies, ces trous noirs fusionnent également: l'enregistrement de ce type d'événement peut nous renseigner sur l'histoire de la coalescence des galaxies, et donc de leur formation. Pour détecter une telle fusion, il faudra cependant attendre le lancement, dans les années 2030, des satellites e-LISA, dont un satellite éclaireur (LISA Pathfinder) a été lancé en décembre 2015, pour tester le principe de détection.

Pour les trous noirs les plus massifs, et les longueurs d'ondes allant jusqu'à une année-lumière, la détection fera intervenir des pulsars, ces étoiles à neutrons qui tournent sur elles-mêmes avec une période très stable et, tels des phares, envoient une impulsion radio vers l'observateur à chacune de leur rotation: les plus rapides (période de l'ordre de la milliseconde) ont des temps d'arrivée très réguliers, que l'on peut mesurer à 10-14 près! Le passage d'une onde gravitationnelle va perturber les temps d'arrivée, et la combinaison de l'ensemble de ces perturbations des temps d'arrivée des pulsars proches dans plusieurs directions va permettre d'identifier les caractéristiques de l'onde. Ces pulsars sont déjà observés en nombre avec les radiotélescopes existants, comme celui de Nançay, en France, et le seront encore plus dans la prochaine décennie avec le Square Kilometer Array (SKA).

Les ondes gravitationnelles vont aussi tester plus finement la gravité en champ fort et les théories qui se développent aujourd'hui, pour étendre la gravité au-delà de la théorie d'Einstein. Ainsi, la première découverte a déjà permis de placer une limite supérieure à la masse d'un hypothétique graviton, qui serait près de 28 ordres de grandeur plus faible que celle de l'électron.

L'astrophysique des ondes gravitationnelles prendra de l'ampleur dès que le détecteur franco-italien Virgo reprendra ses activités, après amélioration de ses performances, fin 2016. En effet, les deux détecteurs américains LIGO ne peuvent pas identifier précisément la direction d'arrivée des ondes, mais seulement une région du ciel vaste de 600 degrés carrés. Avec Virgo, la localisation par triangulation sera bien meilleure (5 degrés carrés). Il sera alors possible de rechercher des contreparties électromagnétiques, notamment des sursauts gamma, qui sont supposés accompagner les fusions de binaires d'étoiles à neutrons, ou étoile à neutron/trou noir.

Et le Big Bang?

Les ondes gravitationnelles primordiales, qui pourraient tester la théorie de l'inflation de l'Univers à l'aube du Big Bang, sont trop faibles pour bénéficier d'une détection directe, et aucun instrument ne pourra les voir directement dans un avenir prévisible. Elles ne seront détectées que par les mouvements qu'elles ont induit dans le plasma qui a rempli l'Univers quand les premières sources ionisantes se sont formées. Ces ondes gravitationnelles ont imprimé sur le fond cosmologique micro-onde des signaux polarisés spécifiques, appelés «mode B». De nombreux projets, comme la mission spatiale Planck et plusieurs expériences au pôle Sud ou dans le désert d'Atacama, recherchent ces ondes gravitationnelles primordiales. L'équipe conduisant l'une de ces expériences a d'ailleurs cru les avoir détectées en 2014, avant que les données de la mission Planck montrent que le signal provenait de l'émission des poussières de la Voie lactée. Cet épisode indique que les expériences sur le fond micro-onde sont sur le point d'atteindre le niveau de sensibilité requis pour mettre en évidence des ondes gravitationnelles primordiales. Des projets pour augmenter la sensibilité sont donc en cours. La détection de ces signaux permettrait, là encore, de tester la relativité générale et certaines théories alternatives dans des conditions que seul l'Univers primordial peut offrir.

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