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Le cerveau narcissique: le fardeau du héros

Les narcissiques ont souvent des caractéristiques qui nuisent aux relations avec leur entourage. En plus de rendre les gens plus ou moins désagréables, la dépendance à la fierté rend fragile.
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«Il se prend pour qui au juste?», «Depuis qu'elle a du succès, elle lève le nez sur ses anciens amis», «Il a l'air sûr de lui même quand il n'y connaît pas grand chose.», «Depuis qu'elle est moins admirée, elle se sent vide.»

Les succès, la reconnaissance et les nouvelles responsabilités déclenchent souvent une réaction de fierté naturelle. La fierté a évolué pour nous aider à prendre et à défendre notre place et apprendre ce qui fonctionne pour y arriver. Elle est une récompense naturelle qui nous aide à adapter notre répertoire de comportements, en particulier dans les situations sociales.

La fierté a des effets bénéfiques évidents. Elle donne des ailes. Elle fonctionne comme une boucle qui s'entretient elle-même car elle motive au dépassement. Elle augmente notre confiance en nos capacités, ce qui nous fait viser plus haut et travailler plus fort. Elle est la base de l'ambition et de la passion. À des doses modérées, c'est un moteur économique et social.

Le pouvoir est souvent grisant, car il étend notre influence, il permet de façonner notre monde ou d'en obtenir plus rapidement ce qu'on en veut. Les succès sociaux peuvent procurer une euphorie similaire aux amphétamines. Plusieurs primates, dont les humains, expriment leur fierté en bombant le torse et par des cris ou des danses de la victoire.

Mais comme plusieurs sources de plaisirs, la fierté et le pouvoir peuvent créer une dépendance. Quand on devient accro à l'admiration, au prestige ou au pouvoir, on peut devenir prétentieux, imbu de soi-même ou arrogant.

Comme beaucoup d'émotions, la réaction de fierté peut biaiser les pensées. Augmenter notre pouvoir, notre statut ou notre popularité peut nous monter à la tête. On peut croire que ces gains sont dus à notre grand talent et surestimer nos capacités. L'excès d'assurance augmente la probabilité d'erreurs ou de faux pas couteux. On peut oublier l'aide qu'on a reçue des autres et la forte dose de chance qui a fait qu'on est arrivé là où on est.

Le besoin de fierté peut nous faire exagérer. On a tous envie de souligner nos bons coups, surtout lorsque personne d'autre ne le fait, mais certains ne peuvent résister à l'envie d'embellir leur rôle lorsqu'ils relatent un événement. D'autres peuvent discourir avec aplomb sur des sujets qu'ils connaissent à peine, et ils réussissent souvent à convaincre leur auditoire et eux-mêmes. Le besoin de fierté nourrit aussi l'envie de bien paraître ou de se pavaner au point d'en faire un peu trop.

À long terme, les réactions de fierté quotidiennes entretiennent la perception qu'on a de nous-mêmes, de notre statut social, et de l'importance de nos jugements et de nos actes. Cette perception peut être entretenue par les gens que l'on côtoie, par leur admiration (ex. : artistes adulés) ou par leur statut (ex. : politiciens fréquentant les puissants).

Comme plusieurs drogues, la fierté peut graduellement modifier notre cerveau. Elle peut nous faire développer des croyances exagérées, un mythe de notre supériorité. Certaines personnes douées deviennent suffisantes (snobes, prétentieuses) quand elles accumulent les succès et les signes de supériorité de leurs idées. Elles en viennent à croire qu'elles sont hors normes ou que leur respect peut être réservé à ceux qui reconnaissent leur rang ou le partagent.

Presque deux fois plus d'hommes que de femmes développent des traits narcissiques problématiques. Certains voudraient blâmer la culture, mais, comme souvent, la nature a aussi son rôle à jouer. Les doués, les meneurs et les impulsifs sont plus à risque que le commun des mortels, mais aussi ceux pour qui l'image du succès est essentielle pour réduire leur anxiété. En effet, un manque de confiance, une anxiété accompagnée de sentiments de dévalorisation (humiliation, intimidation) peut créer un besoin insatiable de confirmer sa propre valeur. La surévaluation par les parents peut même exacerber les symptômes quand la personne est prédisposée au narcissisme.

Les narcissiques ont souvent des caractéristiques qui nuisent aux relations avec leur entourage.

Ils sont souvent impulsifs. L'excès de confiance réduit l'envie de délibérer. Pourquoi réfléchir avant de trancher quand on a développé une confiance aveugle en ses propres intuitions? De plus, les objectifs des narcissiques sont prioritaires et ne sauraient attendre. C'est pourquoi ils développent une impatience envers plusieurs choses, dont les limites des autres. Troisièmement, la vitesse d'exécution permet souvent de réconforter l'assurance ; elle peut alors devenir une drogue. Comme les hyperactifs, les narcissiques peuvent développer une dépendance à la vitesse et au changement. Le traitement expéditif devient une valeur.

L'impulsivité peut aussi nous empêcher de consulter adéquatement notre entourage. Consulter avant de décider est une source précieuse d'information et de perspective qui améliore souvent les décisions, mais ce processus demande une petite dose d'humilité. Or, les narcissiques sont souvent aveuglés par leur point de vue et s'adressent à leur entourage pour être confortés dans leurs plans plus que pour améliorer leur perspective. La qualité des décisions en souffre, et comme ils sont souvent dans des postes de responsabilité, leurs mauvaises décisions ont souvent un impact important.

Les narcissiques ont souvent un manque d'empathie. Certains montrent même un trouble cérébral dans des circuits servant à ressentir les émotions. Ils peuvent aussi être condescendants, car leurs signaux internes leurs font souvent croire qu'ils ne peuvent avoir tort.

Les narcissiques ont un grand besoin de reconnaissance, mais souvent ils n'en donnent pas beaucoup eux-mêmes. Parfois, ils oscillent entre la générosité quand ils se sentent bien, et l'égocentrisme quand ils sont en manque de reconnaissance.

Ils sont souvent anxieux, car les standards élevés qu'ils ont développés augmentent leur peur de l'échec ou leur peur d'avoir honte. Ils peuvent aussi montrer une libido très développée (hypersexualité) car les réactions de fierté (justifiées ou non) stimulent la sécrétion de testostérone qui rend plus sensibles les centres cérébraux du désir. Cet effet est peut-être lié au fait que chez plusieurs espèces, la dominance sociale est liée à l'accès aux partenaires sexuels. Comme la fierté, le pouvoir est un aphrodisiaque, ce qui peut entraîner quelques difficultés.

Les personnes qui ont des traits narcissiques peuvent aussi être irritables ou agressives, car ils sont souvent frustrés par le manque de compréhension des gens avec qui ils sont en désaccord. La fierté insatiable a besoin de confirmation constante.

Ils peuvent aussi être frustrés par le manque de reconnaissance de leur entourage. Ils peuvent être très sensibles aux revers. Ils ont souvent tendance à ruminer plus que la moyenne suite à une atteinte à leur réputation, une rebuffade ou un rejet. Ils peuvent envisager le suicide ou la vengeance meurtrière plus facilement que la majorité parce que, pour eux, l'honneur, c'est tout.

À l'extrême, le mythe de supériorité de certaines personnes devient un délire de grandeur, une mégalomanie où la croyance (en notre science infuse ou en nos pouvoirs) supplante les signaux du monde extérieur, le raisonnement et le jugement. À ce stade, nos succès sont attribués à des causes immuables (ex. : être issu de la cuisse de Jupiter), comme le dictateur qui se voit comme un guide du petit peuple qui ne peut se tromper.

En plus de rendre les gens plus ou moins désagréables, la dépendance à la fierté rend donc fragile. Certains ne peuvent quitter le cercle vicieux de cette dépendance, mais pour les cas moins sévères, les échecs ou l'aide bienveillante peuvent ouvrir les yeux et favoriser un changement de valeurs, une réorientation des sources de plaisir.

Pour l'entourage, la fuite est souvent la solution retenue. Pour ceux qui ne veulent ou ne peuvent fuir, interagir avec les gens qui sont dépendants à la fierté demande un grand doigté et une assurance calme, car pour eux la critique et la réprobation sont à la fois leur arme préférée et leur talon d'Achille.

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Mai 2017

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