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Référendum au Kurdistan: lendemains difficiles

Le Kurdistan fait face désormais à l'isolement et à un manque de ressources.
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Pourquoi avoir tenu ce référendum? Pour les Occidentaux, il est souvent difficile de comprendre les motivations décisionnelles des dirigeants au Moyen-Orient.
Ari Jalal / Reuters
Pourquoi avoir tenu ce référendum? Pour les Occidentaux, il est souvent difficile de comprendre les motivations décisionnelles des dirigeants au Moyen-Orient.

Au Moyen-Orient, certains développements positifs sont apparus récemment comme la fin prochaine du «califat» du groupe État islamique en Irak et en Syrie, l'annonce que les femmes pourraient conduire en Arabie saoudite, et la réforme du droit tunisien en faveur du statut de la femme.

Mais voilà que la tenue du référendum au Kurdistan ajoute un autre foyer potentiel d'instabilité dans la région. Contre toute attente et sans appui international (sauf celui d'Israël), il s'est déroulé le 25 septembre. Avec un résultat de 93% pour l'indépendance et un taux de participation de 72%, les Kurdes irakiens ont lancé un message clair.

Pour éviter tout effet boule de neige, Bagdad, Téhéran et Ankara ont commencé à isoler le Kurdistan en suspendant les vols internationaux et annonçant un contrôle des frontières terrestres.

Les lendemains de référendum s'annoncent cependant difficiles. En effet, les Kurdes ne se retrouvent pas seulement en Irak, mais ils composent des minorités importantes chez les voisins turcs et iraniens. Sans compter ceux qui, en Syrie, espèrent profiter d'une possible «cantonisation» de ce qui reste du pays. Pour éviter tout effet boule de neige, Bagdad, Téhéran et Ankara ont commencé à isoler le Kurdistan en suspendant les vols internationaux et annonçant un contrôle des frontières terrestres. La Turquie a aussi menacé de cesser ses importations de pétrole. Et l'Iran, ses exportations de pétrole raffiné, dont Erbil a besoin. La hantise de ces pays est la création d'un état kurde réunissant toutes ces communautés.

Le problème kurde comme bien d'autres dans cette région provient de l'accord Sykes-Picot de 1917 dans lequel les nations coloniales de l'époque traçaient les frontières. Les Kurdes s'étaient fait promettre une part du gâteau qu'ils n'ont finalement jamais eue. Ils ont été victimes de répression et de persécution . Malgré toutes les tentatives d'assimilation, ils ont réussi à préserver leurs langue, culture et structures sociales.

Le Kurdistan irakien bénéficie d'un régime spécial depuis le début des années 2000 qui lui permet d'exercer une certaine souveraineté. Havre relatif de paix dans une région tourmentée, il a réussi à éviter les grands courants d'instabilité terroriste. Il accueille ainsi des réfugiés de toutes dénominations religieuses fuyant les zones de combat. Il abrite aussi des forces militaires étrangères (y compris canadiennes) et les peshmergas se battent au côté des forces irakiennes contre le groupe Etat islamique et en Syrie avec la "coalition".

Pourquoi avoir tenu ce référendum? Pour les Occidentaux, il est souvent difficile de comprendre les motivations décisionnelles des dirigeants au Moyen-Orient, car elles ne reposent pas toujours sur des calculs rationnels, mais sur des liens de clans, d'histoire, ou tout simplement de survie.

Le président Masoud Barzani qui règne avec sa famille sur le Kurdistan depuis une douzaine d'années a, ou sous-estimé les conséquences du référendum ou s'est lancé tête baissée dans une opération pour préserver son contrôle sur le Kurdistan, lui et sa famille. Plus très jeune peut-être a-t-il voulu laisser un pays en héritage? Peut-être pensait-il que cela lui permettrait de négocier en position de force avec l'Irak avant que le pouvoir central n'ait plus besoin des Kurdes dans sa confrontation avec le groupe État islamique?

Une chose est certaine, après les célébrations c'est le mal de tête.

Une chose est certaine, après les célébrations c'est le mal de tête. Le Kurdistan fait face désormais à l'isolement et à un manque de ressources. Ses seuls revenus proviennent du pétrole, dont les faibles prix limitaient déjà les comptes nationaux.

De plus, le règne Barzani n'aura guère permis de mettre sur pied de véritables institutions démocratiques. Le président a dépassé de deux ans la durée son mandat et le parlement est paralysé depuis ce temps aussi. Le fils du président dirige le conseil de sécurité du gouvernement et son neveu est le premier ministre.

L'économie est dans un triste état. Et ce même avant une éventuelle suspension de l'exportation de pétrole vers la Turquie ( 8 milliards). Le Kurdistan a déjà une dette estimée de 20 milliards et n'arrive pas à complètement payer ses fonctionnaires et soldats. De plus, la moitié de ses revenus pétroliers viennent des puits de Kirkouk, ville qui est réclamée par Bagdad. Les Kurdes ont pris celle-ci lorsque les troupes irakiennes la quittèrent face aux attaques du groupe Etat islamique.

Dans ce contexte, il y a peu de chance de voir le Kurdistan devenir un pays dans un avenir proche. Sans appuis étrangers, et avec une situation domestique peu favorable, les leaders kurdes apparaissent dans une impasse. Que réserve l'avenir? Des négociations entre Erbil et Bagdad? Une montée des tensions et une confrontation militaire?

Les Kurdes sont en position de faiblesse et devront sans doute se plier à un compromis, mais le leadership semble décider à obtenir un divorce à l'amiable. Leur pays ils l'attendent depuis si longtemps. Il est à espérer que les images de violence du pouvoir madrilène contre les Catalans n'inspireront pas les dirigeants irakiens.

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