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Les nanofils semiconducteurs : de minuscules objets pour de grands pas technologiques?

Un nanofil est un fil de matière dont le diamètre varie entre 10 et 900 nanomètres. Cet objet presque infiniment petit est en train de modifier notre environnement technologique. En particulier, lorsqu'il sert de semiconducteur.
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Ce billet a été initialement publié par le Huffington Post France dans le cadre de l'opération Têtes Chercheuses, qui permet à des étudiants ou chercheurs de grandes écoles, d'universités ou de centres de recherche de promouvoir des projets innovants en les rendant accessibles, et ainsi participer au débat public.

Les nanofils sont des objets plus que microscopiques, leur dimension caractéristique est nanoscopique. Un cheveu est un microfil: son diamètre moyen est de 75 micromètres, un micromètre étant mille fois plus petit qu'un millimètre. Un nanofil est un fil de matière dont le diamètre varie entre 10 et 900 nanomètres, sachant qu'un nanomètre est un million de fois plus petit qu'un millimètre. Cet objet presque infiniment petit est en train de modifier notre environnement technologique. En particulier, lorsqu'il sert de semiconducteur.

Des semiconducteurs pris en sandwich

Les matériaux de la famille des semiconducteurs font déjà partie de notre vie quotidienne. Les puces des ordinateurs sont faites à partir d'atomes semiconducteurs de silicium (symbole chimique: Si). C'est encore à partir de tels matériaux qu'on peut obtenir une lumière Laser: la diode Laser des platines CD ou DVD par exemple est à base du semiconducteur GaAs, formé à partir d'atomes de gallium (symbole Ga) et d'atomes d'arsenic (symbole As); celle de la platine Blue-Ray est à base du semiconducteur GaN avec des atomes de gallium (Ga) et d'azote (symbole N). Ces diodes sont des minisandwichs de couches planes empilées les unes sur les autres dans un cube dont les côtés sont cent fois plus petits qu'un centimètre.

Et si on en fait des nanofils?

Lorsqu'on façonne ces matériaux non pas sous la forme de couches d'un cube, mais sous la forme de nanofils, on peut tirer parti d'effets de volume en trois dimensions, et il apparaît des comportements dus à leur petite taille nanométrique. Ainsi, des effets de confinement, on dit de confinement quantique, modifient considérablement la manière dont l'électricité, la chaleur ou encore la lumière sont transportées dans le nanofil. Les applications attendues sont nombreuses, dans des domaines aussi variés que l'énergie, l'éclairage, l'électronique ultra-rapide, ou encore le diagnostic médical (1) (2). Par exemple, remplacer les transistors actuels, composants élémentaires des puces d'ordinateur, par des transistors à nanofils réduira la consommation énergétique des circuits intégrés présents dans tous les appareils électroniques: téléphones portables, ordinateurs, téléviseurs... On attend jusqu'à 75% de réduction en marche et à pratiquement éliminer toute consommation en mode veille (3).

Pour capter le soleil?

S'agissant de cellules solaires, ces composants qui convertissent la lumière solaire en électricité, les cellules à base de nanofils GaAs seront peut-être les dispositifs photovoltaïques de 3e génération, permettant de capter plus d'énergie à moindre coût. Un tapis de nanofils, comme des cheveux dressés, offre une géométrie en trois dimensions en circuit ouvert qui permet de capter plus de lumière et de mieux la convertir que les cellules solaires actuelles qui se présentent, à l'instar des diodes Laser, sous la forme de couches planes (4) (5) (6).

ig1

Chaque nanofil vertical est un producteur de courant. Avec moins de matière par rapport aux couches planes, on a une baisse significative du coût de revient par watt, d'autant plus que les nanofils peuvent être fabriqués sur des supports bon marché.

Ou pour faire de la lumière?

Les nanofils sont aussi de super émetteurs de lumière. Des laboratoires en collaboration avec des start-ups, cherchent à remplacer les ampoules à LED (ou light emitting diode, pour diode électroluminescente) actuelles par des ampoules à tapis de nanofils environ quatre fois moins chers à fabriquer, car là encore, on compte économiser sur le prix des supports. La lumière émise est plus intense, car sur une géométrie en forme de nanofil, le rapport surface sur volume de l'objet nanofil est très grand. (7) (8) (9)

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L'intégration de nanofils émetteurs de lumière sur des puces de silicium permettrait de réaliser des interconnexions optiques pour accélérer le transfert de données sur puces, comme la fibre optique augmente à l'heure actuelle le transport de données sur la Toile et donc le débit internet dans nos foyers (10).

Avant de les utiliser, il faut fabriquer ces nanofils

À l'échelle du centimètre, les artisans sculptent la matière en utilisant des outils en contact direct avec les objets à modeler. Mais lorsque ces objets deviennent nanométriques, i.e., lorsqu'ils sont dix millions de fois plus petits que le centimètre, on est obligé de sculpter la matière sans la toucher. On fabrique ainsi des objets par transformation d'un gaz en solide. Cette réaction physico-chimique s'appelle une condensation. Lorsqu'on l'applique au matériau GaAs, on lui donne même un joli nom: épitaxie, ce qui signifie que le solide qu'on fabrique est un cristal. En fait, nous allons faire croître un cristal GaAs à partir de la condensation de gaz qui contiennent des atomes Ga et As. La magie de la nature opère maintenant: au beau milieu d'une enceinte transparente en quartz chauffée à plus de 700°C, des gaz se transforment en solide sur un support en adoptant des formes qui dépendent de la température et de la composition des gaz, favorisant telle ou telle orientation dans lesquelles le cristal va croître. Nous pouvons alors sculpter une grande variété de formes et de volumes sans intervention de la main de l'homme... Enfin, en restant dans les limites de ce que la nature autorise en fonction des batailles des énergies de surface.

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Pour des objets en forme de nanofils de diamètre contrôlé, on passe par un troisième état de la matière, l'état liquide. Les gaz sont collectés dans une nanogoutte liquide dont le diamètre est celui du nanofil attendu. Cette goutte est un mélange d'or et d'atomes Ga pour GaAs. Les gaz se solidifient en nanofils solides de GaAs sous la goutte. On parle ici de croissance VLS, ou vapeur-liquide-solide.

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Les objets en forme de nanofils que vous voyez ici présentent un record de longueur (selon la direction appelée

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Toutes les applications nécessitent des nanofils d'un cristal très pur. L'Université Blaise Pascal à Clermont-Ferrand apporte un savoir-faire unique dans ce secteur prometteur des Nanosciences: celui de fabriquer des nanofils très longs (0,05 mm, ce qui, pour un nanofil de GaAs, est... très long) en 15 minutes. Des nanofils longs peuvent être utilisés comme des bio-capteurs ultra-sensibles pour détecter des protéines, l'ADN ou une unique particule de virus. On accroche sur la longueur des nanofils des macromolécules capables d'attraper les molécules d'intérêt dans un milieu, une goutte de sang par exemple. Chaque molécule piégée modifie la conductivité du nanofil (ou autres propriétés physiques du nanofil). En mesurant cette conductivité, on détecte ainsi de très petites quantités de molécules. On attend beaucoup de ces dispositifs "laboratoires sur puce" pour l'aide au diagnostic médical (1).

Références:

(1) Groupe du Professeur Charles M. Lieber, Université de Harvard, Etats-Unis.

(2) Groupe du Professeur Erik P.A.M. Bakkers, Université de Technologie de Eindhoven, Pays Bas.

(3) Projet STEEPER, École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), Suisse.

(4) Groupe du Professeur Anna Fotcuberta, Laboratoire des Matériaux Semiconducteurs, EPFL, Suisse.

(5) Groupe HETERNA du Directeur de Recherche Daniel Bouchier, Institut d'Électronique Fondamentale, Université Paris-Sud/CNRS.

(6) Groupe du Professeur Peidong Yang, Lawrence Berkeley National Laboratory, Université de Californie, Etats-Unis.

(7) Groupe du Professeur Lars Samuelson, Université de Lund, Suède - GloTM Company, Lund, Suède.

(8) Laboratoires CEA-LETI, CEA-INAC, Institut Néel de Grenoble.

(9) Start-up Aledia, Grenoble (http://www.aledia.com/en/technology/).

(10) Projet INSCOOP, laboratoires INL (Lyon), LPN (Paris), CEA-Leti-DOPT et LTM (Grenoble), FOTON (Rennes).

(11) D'après "Record pure zincblende phase in GaAs nanowires down to 5 nm in radius", E. Gil et al., Nano Letters 14, 3938 (2014) et "VLS-HVPE growth of ultra-long and defect-free GaAs nanowires investigated by ab initio simulation coupled to near-field microscopy", Y. Andre et al., The Journal of Chemical Physics 140, 194706 (2014)

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