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Je suis allée au Pôle Sud et voici pourquoi vous ne devez pas m’imiter

Même si c'est le plus bel endroit que j'aie jamais visité, je vous supplie de ne pas y aller.
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L'Antarctique est beaucoup de choses: grandiose, hostile et sereine, surnaturelle et cruelle, une leçon de modestie, pour n'en citer que quelques-unes. C'est aussi un lieu unique pour les passionnés de faune sauvage, les spécialistes du changement climatique et les touristes qui, naturellement, en veulent pour leur argent. J'ai eu la chance d'y tourner un documentaire cette année: même si c'est le plus bel endroit que j'aie jamais visité, je vous supplie de ne pas y aller.

Il y a six mois, j'ai été invitée avec une collègue à me joindre à une expédition environnementale pour témoigner en direct des effets du changement climatique. 2041, une société fondée par l'explorateur Robert Swan, militant écologiste, invite chaque année sur un navire un groupe de personnalités visionnaires et influentes en vue de créer une sorte de laboratoire d'idées, pour traiter ce problème monumental.

Me voici donc à bord de l'Ocean Endeavour, contemplant la dernière terre vierge de la planète. Imaginez la scène: sous un ciel bleu et rose, le soleil se couche sur une mer noire encadrée par des montagnes blanches. L'immensité vous rapetisse, le silence vous assourdit. Je frissonne sur le pont, avec ma caméra, qui pèse le poids d'un jeune enfant, en équilibre sur l'épaule. C'est le plus beau paysage que j'aie jamais eu le privilège de filmer.

Normalement, je crierais sur tous les toits que l'endroit est absolument incroyable et je m'assurerais que mes amis, ma famille et des gens croisés au hasard au pub ont tous pris leurs billets fissa. Mais, je ne peux pas faire ça. Parce que l'Antarctique souffre d'une maladie dévastatrice accélérée par l'augmentation du tourisme.

Le changement climatique est un problème monumental quasi incompréhensible.

Le changement climatique est un problème monumental quasi incompréhensible. La plupart des gens l'ignorent parce qu'il est invisible. Notre documentaire tente de l'expliquer en séquences digestes. Mais, pour les besoins de ce blogue, je soulignerai deux ou trois choses essentielles. La glace de l'Antarctique fond, très certainement en raison de l'activité humaine: 97% de la communauté scientifique en est convaincue. Cette fonte des glaces a entre autres conséquences de faire monter le niveau des mers. C'est ce qui se passe déjà. Selon les estimations de la NASA, d'ici 2100, celui-ci augmentera de 1m20. Imaginez ce qu'il faut de glace fondue pour obtenir cette hausse sur la Terre entière! Et ça, c'est si la calotte glaciaire ne fond pas intégralement. Sinon, c'en sera fini de nous.

L'humanité a bâti ses villes de la même manière, au bord de l'eau. Très pratique pour les transports, les approvisionnements, les voyages. Beaucoup moins avec le changement climatique. Adieu, Londres, Shanghai, Bombay, Hong Kong, Miami, New York et toutes ces villes que j'adore. Sans même parler de la disparition de toutes les îles. Ce sont des milliards de personnes à reloger. Le monde est déjà débordé par les réfugiés politiques actuels, alors imaginez des pays entiers à réinstaller...

C'est effrayant rien que d'y penser, et assister à la disparition de ce continent incroyable a été une vraie prise de conscience. Paradoxalement, me rendre en Antarctique a été l'une de mes initiatives les plus malheureuses. Le pôle Sud n'est plus le lieu inaccessible qu'il a été. On n'est plus très éloignés du "package dernière minute tout compris pour les Antilles". Comme beaucoup de participants à cette expédition, j'ai ressenti la "culpabilité du pôle Sud". Nous savions que nous étions en mission, pour délivrer un message, mais nous étions également conscients de l'hypocrisie de notre présence. Un voyageur qui se rend en Antarctique émet 12 tonnes de CO, l'équivalent de ce qu'émet en un an une famille moyenne de quatre personnes au Royaume-Uni. D'où la question: aurais-je dû y aller? Suis-je aussi nuisible que les 44 000 personnes qui ont fait le voyage cette année? C'est possible. Ma seule défense, c'est que j'étais là-bas en mission et que j'ai compensé mon empreinte carbone.

Bien sûr, je me sens privilégiée d'avoir vu ce grand continent. Je sais que l'arrêt des voyages en Antarctique, à lui tout seul, ne suffira pas à freiner le changement climatique. Mais je préfère conseiller à mes amis, ma famille et aux habitués du pub du coin de visiter Londres, Shanghai, Mumbai, Hong Kong, Miami, New York et les îles magnifiques du Pacifique plutôt que d'approcher notre géant de glace miroitante. Avec un peu de chance, ils pourront contempler ces endroits fabuleux avant qu'ils soient submergés.

Dawn Kelly dirige le service vidéo du HuffPost britannique et d'AOL. Elle est la réalisatrice et la productrice exécutive d'Antarctica: End of the Earth, le premier documentaire produit par le HuffPost.

Cet article, publié à l'origine sur le HuffPost britannique et le HuffPost France,a été traduit parJulie Flanère pour Fast For Word.

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