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La Syrie à la croisée des chemins

Le futur qui se dessine est celui d’une Syrie qui continue d’être divisée.
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Les grandes villes sunnites de Homs (sur la photo), Hama, et Alep sont en ruines et il n’est guère sûr que l’on y facilitera le retour des réfugiés.
AFP/Getty Images
Les grandes villes sunnites de Homs (sur la photo), Hama, et Alep sont en ruines et il n’est guère sûr que l’on y facilitera le retour des réfugiés.

La Russie qui est intervenue en force en Syrie depuis septembre 2015 pour sauver le régime du président Assad a annoncé le retrait partiel des troupes russes de Syrie en date du mois de décembre 2017. Cette annonce fait suite à la réunion du 28 novembre à Sochi où la Russie a tenté de formuler un accord avec la Turquie et l'Iran sur le futur de la Syrie. Les représentants du gouvernement syrien et de l'opposition ont été invités à se rencontrer une fois de plus à Genève le 28 novembre, réunion qui s'est terminée dans le désaccord. Toutefois le trio Russie –Turquie-Iran qui a initié cette rencontre n'est pas toujours à l'unisson.

Comment l'avenir de la Syrie se dessine-t-il ?

La Russie a sauvé le régime du président Assad et a gagné une base navale à Tartus et une base aérienne à Lattaquié en Syrie même. Elle tient à demeurer instrumentale sur la scène moyen-orientale et à cette fin, a tenté plusieurs médiations à Astana, à Genève et à Sochi. Aujourd'hui, la Russie ne tient pas à continuer de protéger outre mesure les milices chiites iraniennes, ce qui ferait le jeu de l'Iran, grand gagnant de la défaite de l'État islamique. Mais par ailleurs, elle profite de la porte grande ouverte du marché iranien en raison des investissements occidentaux timorés par la crainte du retour de sanctions contre l'Iran.

La Turquie s'est prononcée contre Assad de façon non équivoque. Ce pays est intervenu en Syrie pour empêcher les Kurdes de s'y renforcer. Il craint également l'expansion de l'influence iranienne grandissante qui lui gruge le marché des pays limitrophes. Toutefois et au grand dam du président turc Erdogan, seuls les Kurdes ont démontré leur fiabilité parmi toutes les factions syriennes. La Turquie s'oppose à l'aide occidentale aux Kurdes de Syrie tout en sachant que si elle cessait, ils tomberaient dans la sphère d'influence russo-iranienne.

L'Iran protège le dictateur Assad et a mis à contribution des dizaines de milliards de dollars et des milices chiites recrutées dans plusieurs pays du Moyen-Orient. (Les milices chiites, Hashd Al-Shaabi, Kataib' Hezbollah, l'organisation Badr, Asa'ib Ahl a-Haq et Kataib Sayyid al-Shuhada, comptent entre 140 000 et 160 000 combattants.) Ces milices sont coiffées par les Gardes révolutionnaires iraniens qui constituent une armée parallèle qui relève directement de la mullacratie et non du parlement iranien. L'Iran tient à la continuité de son influence dans le Croissant fertile afin de maintenir un lien direct avec le Hezbollah, qui constitue un état dans l'état au Liban.

Le territoire syrien est enclavé par les forces gouvernementales, l'éventail des forces de l'opposition, les milices pro-iraniennes et les forces kurdes.

Le président syrien Assad n'a pas lâché d'un pouce sa prépotence. Il se comporte en leader victorieux et n'est guère prêt à faire des concessions à une opposition morcelée (qu'il qualifie de traître), unie simplement par le ressentiment que ses factions éprouvent envers la tyrannie qu'il représente. Le territoire syrien est enclavé par les forces gouvernementales, l'éventail des forces de l'opposition, les milices pro-iraniennes et les forces kurdes.

Les Kurdes de Syrie et d'Irak voient leur rêve d'indépendance se dissiper : la Russie – tout comme les pays occidentaux - s'est prononcée pour l'intégrité territoriale de la Syrie et de l'Irak et pour une plus grande autonomie des Kurdes. Cernés par la Turquie, l'Iran, l'Irak et la Syrie, les Kurdes qui ont été instrumentaux dans la victoire contre l'État islamique voient leur rêve d'indépendance se dissiper. L'État islamique vaincu, la Russie conserve des liens diplomatiques avec les Kurdes ce qui lui permet de faire pression sur le point faible du président turc Erdogan. (Quant aux Kurdes de Turquie qui constituent la majorité de la population de l'Est du pays, ils sont devenus la cible du président Erdogan qui cherche à les affaiblir par tous les moyens. Plus d'un demi-million de Kurdes de Turquie se sont retrouvés sans domicile suite aux interventions musclées de l'armée turque.)

La Russie comprend la préoccupation d'Israël et ne s'est jamais prononcée contre ses interventions.

L'Iran fait avancer ses milices en direction d'Israël qui intervient sporadiquement pour enrayer le renforcement de ces forces et ralentir le ravitaillement du Hezbollah en missiles de longue portée. La Russie comprend la préoccupation d'Israël et ne s'est jamais prononcée contre ses interventions.

Le futur qui se dessine est celui d'une Syrie qui continue d'être divisée.

Les Kurdes conserveront une certaine autonomie, fut-ce pour contenir la Turquie. Il n'est pas dit que les pays occidentaux laisseront tomber les Kurdes combien même ils n'ont pas soutenu l'indépendance du Kurdistan.

L'opposition syrienne, qui est majoritairement sunnite, devra compter sur l'appui de l'Arabie et des pays occidentaux pour se protéger contre les milices chiites et maintenir son ravitaillement. Les grandes villes sunnites de Homs, Hama, et Alep sont en ruines et il n'est guère sûr que l'on y facilitera le retour des réfugiés.

Les milices chiites pourront rester en Syrie, mais à une distance sécuritaire de la frontière israélienne. La question de savoir si l'Iran dominera un couloir passant par la frontière syro-irakienne n'a pas encore été tranchée.

La Jordanie est également présente au sud de la Syrie

Il est trop tôt pour conclure que ce retrait partiel des forces russes de Syrie a été agréé avec les États-Unis. La politique post-État islamique de l'Amérique ne semble pas avoir été nettement définie si ce n'est l'accord russo-américain pour délimiter des zones de désescalade en Syrie pour y faire cesser les combats. À ce jour, l'Iran et la Russie sont les puissances qui ont le mieux profité de la politique d'apaisement stratégique du président Obama qui a misé sur une modération future de l'Iran, modération qui ne s'est pas concrétisée. Le président Trump tient à bloquer l'Iran et mise sur la collaboration avec l'Arabie et Israël, sans pouvoir compter sur la Turquie de l'erratique Erdogan.

Pour l'instant, la Syrie est au point mort : à quelle vitesse et dans quelle direction vont s'engager les belligérants ? Sur le terrain, bien des intervenants espèrent tirer des avantages d'une reconstruction future de la Syrie. Ils espèrent que cette reconstruction sera financée par la communauté internationale : ils avancent qu'une Syrie pacifiée bloquerait l'Iran, que l'Europe espère l'arrêt du flux des réfugiés et que la Chine s'investit dans la nouvelle route de la soie.

Cette option pourrait voir le jour si le calme revenait et si, d'un commun accord russo-américain, l'Iran était contenu.

Avril 2018

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