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Nos entreprises souffrent d'un mal insidieux: l'Alzheimer corporatif!

Qu'arrive-t-il quand un employé part à la retraite? On lui fait un beau «party» de départ.! Pendant ce temps, on vide ses tiroirs des dossiers. Le type de l'informatique vient nettoyer le disque dur de l'ordi pour le prochain occupant. Adieu l'expertise de plus de 20 ou 30 ans. Des exemples de perte de mémoire, il y en a des tonnes, mais le plus célèbre est celui de la NASA.
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C'est très rare que j'écrive des billets sur les Digital Natives et la génération des Y ou si vous préférez sur la génération C, telle que définie par les travaux du Cefrio. C'est probablement parce qu'on en a trop parlé, ou écrit que je me garde une petite gêne sur le sujet... Pourtant, j'interviens régulièrement dans les conseils d'administration afin de décoder pour leurs membres les méandres des nouvelles générations nées avec le Web, celle que l'on nomme les Digital Natives ou natifs du numérique, terme mis à la mode par l'auteur new-yorkais Marc Prensky.

L'ironie dans l'histoire, c'est que je n'en suis pas un, je suis un immigrant du numérique, un Baby Boomer qui devrait être à la retraite... Ce qui fait qu'avec ma barbe poivre et sel, on a tendance à me prendre au sérieux dans les hautes sphères décisionnelles. Alors, je leur parle de nouvelle hiérarchie, de collaboration, d'innovation, de responsabilité corporative, du devoir de mémoire. En début de conférence, j'aime bien faire un quizz afin de bien camper le fossé générationnel. En effet, rares sont ceux et celles qui lèvent la main plus de cinq fois quand je leur demande :

Vous avez fait le décompte ? Ça va relativement bien pour Facebook, Twitter et Skype, mais ça se gâte pour les autres non ? La moyenne des immigrants est de 3 sur 10 alors que pour les natifs c'est 8 sur 10. Le médian entre la génération Y et la X est à 5 sur 10. Je me demande à quel point il faut se méfier des catégorisations sociologiques de ce genre. Je suis un immigrant du numérique et, pourtant, je me comporte comme un natif, anachronisme ???

Comme certains (trop peu de ma génération), je maîtrise toutes les technologies du nouveau Web, celui que l'on dit 2.0 (j'ai 9/10) et m'en fais un des ardents promoteurs. Je décode le Serious Gaming, l'infonuagique, les univers virtuels, les LifeLogsalors que je devrais songer à la retraite en lisant mon journal papier ou regarder à la télé les reportages sur les accros au gaming en pestant contre les jeunes et leur texto langage.

Aux vénérables, bien assis dans leurs confortables fauteuils du C.A., je leur présente ensuite le tableau ci-dessous qui est largement inspiré par René Barsalo et Marc Prensky et qui fait toujours forte impression. On voit clairement que les «natifs», soit les Y, la NetGen et la Virtual Gen vont entrer à pleines portes dans les entreprises avec des usages technologiques très différents et déstabilisants pour les dirigeants, ceux en position de pouvoir hiérarchique.

Mais ce qui est surtout parlant dans ce tableau, c'est que d'ici 2015 - ce n'est pas loin, ça -, on verra une relève de la garde massive dans les entreprises. Ici au Québec, 45% de la force de travail sera éligible à la retraite. Les Baby Boomers vont quitter et les X vont enfin pouvoir profiter du pouvoir qui leur a si longtemps échappé, mais pas pour longtemps. Surtout s'il ne savent pas s'adapter aux nouveaux usages des générations suivantes et plus encore s'adapter à un nouveau style de gestion qui n'est pas basé sur la hiérarchie verticale. Les X ont été formés dans cette hiérarchie et veulent désespérément le pouvoir qui s'y rattache.

Avant de quitter le pouvoir pour la retraite, les dirigeants des entreprises ont un devoir corporatif de mémoire. Ils se doivent de léguer aux autres générations une entreprise qui est en pleine maîtrise de son expertise, donc qui n'a pas «perdu la mémoire», qui n'est pas en passe de souffrir d'Alzheimer corporatif. Et cela passe nécessairement par ce que j'écrivais plus tôt: une nouvelle hiérarchie transversale, nommée «Wirearchy» par Jon Husband, par la collaboration, l'innovation, une responsabilité de legs corporatif et un devoir de mémoire. Pourtant c'est n'est pas ce qui se passe actuellement: il y a ce mouvement de départ à la retraite, mais les entreprises ne font rien pour retenir l'expertise et ne font rien pour effectuer le transfert intergénérationnel. Au contraire... Qu'arrive-t-il quand un employé part à la retraite ?

Bye, bye Boss !!!

On lui fait un beau «party» de départ, on lui donne un cadeau et hop ! Bonne chance pour la suite... Pendant ce temps au bureau, on vide ses tiroirs des dossiers qui s'en vont soit aux archives, soit à la récupération. De plus, le type de l'informatique vient nettoyer le disque dur de l'ordi pour le prochain occupant. Adieu la mémoire, adieu l'expertise de plus de 20 ou 30 ans. Des exemples de cela ? Il y en a des tonnes, mais l'exemple de perte de mémoire le plus célèbre est celui de la NASA.

La NASA a construit et opéré le plus gros et puissant lanceur jamais conçu par l'Homme soit Saturn V. Pourtant, pour son prochain programme spatial, elle planche sur un nouveau lanceur soit Arès I. Que s'est-il passé ? Les deux phrases ci-haut résument bien. La NASA a perdu trace d'une partie des plans de Saturn V, probablement disparus avec les ingénieurs partis à la retraite, mais comme le note un des ingénieurs actuels qui conteste cette perte, le problème est plus que les fournisseurs de la NASA ne sont plus capables de fournir les pièces nécessaires, ayant là encore perdu la capacité de les reproduire... L'agence spatiale perd sur tous les tableaux, édifiant !

Alors, d'où viendra le changement de paradigme? Qui réussira à aplatir ou horizontaliser la hiérarchie? À faire de la collaboration un usage commun plutôt qu'une utopie? Qui mettra en place la stratégie et les outils de mémoire pour l'entreprise? Il faut que ce soient les hauts dirigeants avant qu'ils prennent eux-mêmes leur retraite. Ils ont, je le répète, un devoir de legs corporatif. De transmettre à leurs successeurs, une entreprise saine d'expertise et de mémoire. On pourrait aussi appeler cela de la saine gouvernance...

Et qui de mieux pour les aider dans cette tâche que les retraités... Eh oui, encore les «traditionalistes» et les Boomers du tableau ci-dessous.. De 2015 à 2020, soit sur cinq ans, cinq générations vont côtoyer en entreprise. Une fenêtre d'opportunités idéale pour que les deux vieilles générations passent le savoir aux deux plus jeunes. Et oui, les X seront encore pris en sandwich entre les deux...

Et pourquoi cette aide? Ils ne sont pas bien à la retraite sous les palmiers de la Floride les Snow Birds? Il y a plusieurs facteurs de réponse: de un, le fait qu'il n'y aura pas assez de natifs pour suffire à la demande d'emploi. Ça se sent déjà; on commence à en parler, à dire qu'il faudra trouver des moyens de faire revenir les têtes blanches sur le marché du travail ou de les retenir plus longtemps.

Déjà certains pays, dont la France, se sont penchés sur le problème de l'âge de la retraite. De deux, le fait que ces mêmes têtes blanches ne veulent pas arrêter de travailler, parce qu'il veulent toujours faire part d'un réseau actif et d'autre part parce qu'ils ont besoin de revenus d'appoint et qu'ils peuvent maintenant le faire sans perdre leur liberté de retraité. Dans une de mes «slides» de ma conférence sur le mémoire d'entreprise, je montre que 62% des entreprises embauchent des retraités comme consultants. Des consultants qui reviennent à temps partiel... Ou encore ces derniers le font à distance et s'inscrivent sur des plates-formes de partage d'expertise payantes telles qu'Innnocentive ou YourEncore.

Certaines entreprises comme IBM ont vite compris que ces plates-formes seraient d'une grande valeur. En effet, quelle entreprise peut se payer le luxe de voir ses retraités vendre leur expertise à la concurrence ? Chez IBM, on a favorisé la création d'une plate-forme de partage créée par les retraités eux-mêmes. Cela a donné The Greater IBM Connection. Bien beau tout cela, mais il y a un os... Les jeunes sont plus mobiles qu'avant, ne valorisent guère le «culture d'entreprise», donc ne restent pas aussi longtemps qu'avant. Ils passent de 5 à 10 ans, des fois moins pour ensuite aller voir ailleurs, compléter leur expérience ou simplement changer d'air. Comment alors pérenniser l'expertise ? Les méthodes de mentorat ne fonctionneront plus.

C'est là qu'entreront en jeu les carnets de vie, ou LifeLogs en chinois. Mais cela c'est un autre billet...

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