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Une petite histoire de drapeau

1980. Ma nomination au grade de sergent est toute récente. Après un bref passage au poste de Pointe-St-Charles, je me retrouve à Westmount.
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1980. Ma nomination au grade de sergent est toute récente. Après un bref passage au poste de Pointe-St-Charles, je me retrouve à Westmount.

Dès le premier matin de travail, je remarque une tradition assez... drôle. La levée du drapeau. Belle coutume ancestrale chez mes amis anglophones, on y joue le God save the Queen. Mon lieutenant, francophone tout comme moi, ne s'en formalise pas trop : il n'aime pas faire de vagues. Nous sommes quand même en minorité dans ce bastion canadien. La photo de Sa Majesté trône dans le hall digne d'un palais. D'autres sont disséminées un peu partout; il doit y avoir eu une vente de cadres. Quelques-uns de mes hommes attendent de voir comment je vais m'accommoder de ça. Certains ont déjà eu vent de mon non-conformisme et attendent avec impatience le moment où je commencerai à faire rager mes patrons. Ils ne vont pas être déçus.

Le lieutenant me fait visiter les locaux en précisant que le bel escalier aux marches de marbre sert surtout aux citoyens, au juge et à «Maurice» le chat. Oui, nous avons un chat roux qui se prélasse dans tous les bureaux des élites et si d'aventure il grimpe sur le trône du magistrat pendant un procès, tout s'arrête. Mon premier geste sera donc de monter cet escalier, faut bien brasser la cage un tout petit peu.

Le référendum se préparait et bien sûr, 90% des policiers de ce poste sont du camp du non. Tous connaissent mes allégeances politiques et quelques jeunes francophones, sans trop s'ouvrir, me font comprendre leur admiration.

Moins trois semaines après mon arrivée, je décide d'acheter un petit drapeau fleur de lys que je plante devant moi. Quelques vieux routiers deviennent livides, mais ne soufflent mot. Ils sont bien disciplinés, je suis quand même un officier. Mais moins de 48h plus tard, deux lieutenants entourent gentiment mon petit bureau : ils sourient un peu mal à leur aise.

- Vous savez, ici, on ne fait pas de politique.

- Moi non plus.

L'un d'eux pointe du doigt mon minuscule drapeau.

- Alors pourquoi?

- J'aime bien ce drapeau, vous aimez l'Union Jack et le God save the Queen, alors je ne vois pas pourquoi je ne planterais pas ce fanion. Il est bleu, il est beau et ne sommes-nous pas dans un pays libre?

Quelques jours plus tard, je suis à nouveau transféré vers le centre-ville. Je retourne vitesse grand V dans ma jungle natale. Ma réputation est faite!

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