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Les gens ont du mal à croire qu’il n’y a aucune compétition entre nous, mais c’est vrai. On s’entraide pour mieux réussir.
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Canadian Olympic Ladies Freestyle.BIB 3 - Chloe Dufour-Lapointe.February 6, 2014..COC Photo by Jason Ransom
COC Photo by Jason Ransom
Canadian Olympic Ladies Freestyle.BIB 3 - Chloe Dufour-Lapointe.February 6, 2014..COC Photo by Jason Ransom

C'était le 23 janvier 2016, et nous nous apprêtions à passer à l'histoire : pour la première fois, trois sœurs montaient ensemble sur le podium de la Coupe du monde.

Ce jour-là, nous savions exactement de quoi nous étions capables. Toutes les trois, Maxime, Justine et moi, on s'était qualifiées pour la super finale. Il n'y a que six concurrentes et nous avions une chance sur deux de réussir. Au lieu de faire une fixation sur la victoire, nous avons décidé de nous concentrer sur ce qu'il y avait à faire pour livrer notre meilleure descente. Nous ressentions la force qui nous unit, un lien invisible aux yeux des autres. On l'appelle notre wi-fi.

Après cinq skieuses, j'étais en première place et Maxime, deuxième. Il ne restait qu'une concurrente : Justine. Maxime et moi, on était en bas de la pente et on encourageait Justine de toutes nos forces. Il fallait qu'elle y arrive! On ne pensait pas à l'ordre sur le podium, on voulait juste réussir ensemble. C'est Justine qui a gagné, mais c'est sans importance. Je suis tellement fière d'avoir partagé ce moment avec mes sœurs.

Les gens ont du mal à croire qu'il n'y a aucune compétition entre nous, mais c'est vrai.

Sois olympique, qu'est-ce que ça veut dire? Moi, je pense à mes sœurs. Sans les deux autres, nous ne serions pas où nous sommes aujourd'hui. Nous puisons notre force dans la solidarité. Les gens ont du mal à croire qu'il n'y a aucune compétition entre nous, mais c'est vrai. On s'entraide pour mieux réussir. Quand il y en a une qui pousse, les deux autres veulent pousser plus fort. Nous nous rendons meilleures.

Comité olympique canadien

Quand Justine et moi avons gagné l'or et l'argent des bosses à Sotchi, ce n'était pas notre victoire à nous toute seule. Sur la photo du podium, je pleure. Moi, je suis l'émotive. Justine sourit parce qu'elle est super contente de sa performance. Je pensais au travail, aux larmes, aux rires, à nos parents et à tous ceux qui nous ont accompagnés sur le chemin jusqu'au podium. Quand je regarde cette photo, je vois notre rêve, le rêve de notre famille, se réaliser. Mon père et ma mère étaient là. Mes deux sœurs étaient là. Je me sentais comme si toute la famille se tenait sur le podium.

Notre approche du sport est différente des autres et je pense que ça vient de notre éducation.

Nos parents étaient très amoureux et quand ils ont décidé de fonder une famille, c'était pour passer du temps de qualité avec leurs enfants. L'été, nous faisions de la voile et l'hiver, nous allions skier. Pendant la semaine, mon père rentrait tard du travail, à 19 h, et nous avions vraiment faim. Pour nous faire patienter, ma mère nous donnait des carottes et du céleri. Mais nous n'avons jamais soupé sans notre père parce que c'était plus important de passer du temps ensemble. Nous racontions notre journée et nous avions le droit d'être nous-mêmes. Ce sont des moments précieux.

Aujourd'hui, nous ne disons jamais que c'était un sacrifice, parce que c'était notre passion et que tout a bien fonctionné.

Les bosseurs ne mènent pas une vie facile. Nous sommes toujours sur la route. Plus jeunes, nous avons eu à faire des choix. On ne compte plus le nombre d'anniversaires que nous avons raté les weekends, mais c'était notre choix et la décision n'était pas trop difficile à prendre. Pour nous, il n'y a rien de plus important que la famille. Je crois que c'est dans nos valeurs. Aujourd'hui, nous ne disons jamais que c'était un sacrifice, parce que c'était notre passion et que tout a bien fonctionné. Nous avons eu tellement de plaisir ensemble.

Ce n'est pas toujours rose avec mes sœurs. Maxime raconte avoir dit à nos parents de me ramener à l'hôpital quand je suis née parce qu'elle ne voulait pas partager l'attention. Justine, c'est le bébé. Quand elle est arrivée, j'ai eu mes doutes. J'allais voir mes amies et elle me suivait partout. Ça m'énervait. Aujourd'hui, elle est mon rayon de soleil. C'est le clown et je l'aime parce qu'elle me fait rire dans les moments où je suis trop tendue. Elle peut aussi être autoritaire et impatiente, mais nous avons appris à régler nos différends.

Les bananes sont un bon exemple. On vit ensemble, on s'entraîne ensemble, on mange ensemble, on fait tout ensemble. Les jours d'entraînement, on veut toutes les trois une banane et on n'a pas toujours le temps d'aller à l'épicerie. Je suis souvent la première debout et en me levant je trouve deux bananes dans la cuisine. J'en prends une. Maxime se lève ensuite, va dans la cuisine et voit une banane. Elle a vraiment faim et elle la mange. Quand Justine se lève, il ne reste plus de bananes. Elle dit que ce n'est pas juste et elle veut en discuter. Ça crée des tensions.

Comité olympique canadien

Nous avons trouvé une solution : la règle des bananes. La première qui se lève peut manger la première banane, mais la deuxième doit couper la banane en deux pour la partager. Ce que je veux dire, c'est que nous sommes à l'écoute des autres, nous nous respectons, nous nous mettons dans la peau de l'autre et nous essayons de faire des compromis.

Le plus dur quand on s'entraîne et qu'on fait de la compétition avec ses sœurs, ce sont les désaccords. Mais comme pour les bananes, on trouve des solutions. Le plus gros avantage, ce sont les critiques immédiates et franches. Et dans les moments où je me sens un peu seule, peu importe la raison, je peux toujours compter sur mes sœurs.

Le plus dur quand on s'entraîne et qu'on fait de la compétition avec ses sœurs, ce sont les désaccords.

Nous ne sommes pas toujours sérieuses. On aime s'amuser. Notre autre passion, c'est la mode. Quand on participe à des événements, je veux qu'on soit belles. Même à l'entraînement, on aime être bien habillées.

Un jour, j'aimerais travailler en mode. Je voudrais dessiner des vêtements, ou même des vêtements sportifs. La haute couture m'intéresse aussi et j'aimerais avoir ma propre collection. Je m'intéresse au design depuis longtemps. Le ski coûte cher et nous ne pouvions pas nous permettre d'acheter beaucoup de vêtements neufs. Je prenais deux foulards pour en faire une jupe ou je me cousais quelque chose dans de vieux rideaux. On faisait les costumes de nos poupées et on se déguisait. Nous avons parlé de lancer notre propre marque un jour. Notre principale motivation est d'inspirer les jeunes filles à repousser leurs limites.

Peu importe ce que nous déciderons de faire après notre carrière sportive, nous continuerons d'être olympiques. Nous savons que nous sommes meilleures ensemble. Dans l'unité, nous trouvons notre force.

Marie-Philip Poulin

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