Après une décennie d'obscurantisme, la population canadienne a cru voir briller une lueur de raison au bout du tunnel quand Justin Trudeau, pendant sa campagne électorale de 2015, a affirmé avec fougue que son gouvernement prendrait des décisions « basées sur les faits et la science ». La déception est cruelle : à l'ère des faits alternatifs, la science n'est plus muselée, elle est maintenant manipulée. Tant au palier provincial qu'au fédéral, on utilise son nom, pauvre science!, pour convaincre la population d'accepter des projets de développement des énergies fossiles qui contredisent carrément l'état des connaissances sur le climat et la protection de l'eau.
À Ottawa : des décisions troublantes, un enrobage scientifique bien mince
Par exemple, le premier ministre Trudeau a applaudi le « plan climat » de l'Alberta en le décrivant comme « un pas très positif dans la lutte contre les changements climatiques », alors que ce plan permet une hausse de 40 % des émissions de gaz à effet de serre associées à la production de pétrole des sables bitumineux. C'est aussi en se réclamant d'une évaluation « rigoureuse » fondée sur « la science la plus solide qui soit » que son gouvernement a approuvé le mégaprojet de liquéfaction de gaz naturel Pacific Northwest en Colombie-Britannique. De même, c'est en invoquant « la science et des données probantes », et même l'espoir de laisser « un pays plus propre » à nos enfants, que le premier ministre a donné son accord à l'expansion du pipeline Trans Mountain en Colombie-Britannique. Finalement, malgré ses promesses, Ottawa n'a toujours pas de plan pour éliminer les subventions aux énergies fossiles.
Cette dérive sémantique n'est pas anodine. Pour en saisir la portée, il faut se rappeler que les émissions du secteur pétrolier représentent déjà 25 % des gaz à effet de serre (GES) émis au Canada, que le gouvernement Trudeau a promis de réduire les émissions totales de GES de 30 % d'ici 2030 par rapport à 2005, et que jusqu'à présent, les réductions atteignent seulement 2,2 %. Sachant cela, force est d'admettre que ces décisions sont éminemment troublantes – et que leur enrobage « scientifique » est tellement mince qu'on voit à travers.
À Québec, des postvérités sous la forme d'omissions
Au Québec, alors que la cible officielle de baisse des émissions de GES est de 37,5 % en 2030 et de 80 à 95 % en 2050, par rapport à 1990, le gouvernement Couillard subventionne les hydrocarbures à coups de dizaines de millions de dollars et crée un cadre réglementaire qui laisse la porte grande ouverte à leur extraction en sol québécois.
Ici, la postvérité sous la forme d'omission intervient quand nos décideurs politiques présentent le gaz naturel comme une énergie de transition, en utilisant le prétexte de la réduction des émissions de GES pour financer l'expansion du réseau de Gaz Métro ou la conversion de véhicules lourds au gaz naturel au moyen du Fonds vert – mais sans préciser que cette réduction concerne uniquement le CO émis lors de la combustion. Or le gaz naturel, composé à 95 % de méthane (CH), a la mauvaise habitude de fuir à toutes les étapes de sa production, de son transport et de sa consommation - et le potentiel de réchauffement planétaire du méthane est 86 fois plus élevé que celui du CO sur 20 ans. La vérité complète est celle-ci : la contribution du gaz naturel « conventionnel » au réchauffement planétaire est au moins comparable à celle du diésel et celle du gaz de schiste est assurément beaucoup plus élevée.
La science et les faits ont également subi une dégelée quand le gouvernement Couillard a présenté ses projets de règlements d'application de la Loi sur les hydrocarbures, le 20 septembre dernier, en les qualifiant de « cadre réglementaire le plus strict en Amérique du Nord » – mais en omettant de mentionner que la fracturation hydraulique est interdite dans plusieurs provinces et états. Le communiqué du ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles ne soulignait pas non plus que selon les études gouvernementales, l'exploitation des énergies fossiles serait « difficilement conciliable avec les objectifs du Québec en matière de lutte contre les changements climatiques ».
Une question de survie
Les causes valables ne manquent pas, par les temps qui courent. Au RVHQ, nous croyons néanmoins que lutter contre les faits alternatifs pour préserver le climat et l'eau potable n'est pas un choix, mais bien une question de survie pour les générations qui suivent. Si vous avez le goût de rejoindre le mouvement citoyen de défense des faits, de la science et de la beauté du monde, écrivez-nous à communications@rvhq.ca.