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Vétérane et transgenre, je me suis battue pour que vous ayez le droit de me détester

Pour quelqu’un qui prétend accorder beaucoup d’importance à la loyauté, le président des États-Unis ne comprend pas qu’elle prend sa forme ultime dans l’engagement de nos militaires transgenres.
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Cette annonce a réveillé le souvenir amer de ma propre démobilisation.
Carla Lewis
Cette annonce a réveillé le souvenir amer de ma propre démobilisation.

Pour quelqu'un qui prétend accorder beaucoup d'importance à la loyauté, le président des États-Unisne comprend pas qu'elle prend sa forme ultime dans l'engagement de nos militaires transgenres.

Chaque matin au réveil, je consulte les informations et les réseaux sociaux. J'aime bien démarrer la journée en partageant une pensée profonde ou un petit trait d'humour. Autant vous dire que je suis restée sous le choc devant cette série de tweets de Donald Trump:

Mais ma stupéfaction s'est immédiatement muée en une rage brûlante. Cela fait déjà sept mois que je vois notre président multiplier les exagérations et autres contrevérités, mais avec ces déclarations, il est vraiment tombé au plus bas.

Cette annonce a réveillé le souvenir amer de ma propre démobilisation. En 1991, membre d'une unité top secrète du Commandement spatial de l'armée de l'air, j'ai demandé l'accréditation correspondante; c'est alors qu'on a découvert que j'étais transgenre. Ç'a détruit à la fois ma carrière et mes chances de pouvoir poursuivre mes études.

J'ai tellement de questions qui me viennent. Le ministère de la Défense fait partie de l'exécutif. En sa qualité de chef de l'État, chef du gouvernement et "Commander in chief", je ne peux que supposer que Donald Trump a un réel pouvoir de décision dans ce domaine. Mais sa déclaration sur Twitter était trop floue pour permettre une interprétation précise. Prenez la formule "[le gouvernement] n'acceptera plus d'individus transgenres dans l'armée américaine, à quelque poste que ce soit". Cela s'étend-il aux fonctionnaires associés à l'effort de défense? Et les sous-traitants qui emploient des personnes transgenres? Vont-ils devoir les licencier?

L'idée du "fardeau" que représenteraient des "coûts médicaux énormes", elle, est une véritable déformation de la réalité. À ce jour, le laboratoire d'idées Williams Institute estime à 15 000 le nombre de militaires transgenres, tandis que le centre de réflexion RAND Corporation table sur 1320 à 6630 personnes, entraînant entre 2,4 et 8,4 millions de dollars de frais médicaux supplémentaires (soit 2 à 7 millions d'euros).

Si 6630 soldats se trouvaient démobilisés contre leur gré, il serait extrêmement coûteux de les remplacer.

Mais si 6630 soldats se trouvaient démobilisés contre leur gré, il serait extrêmement coûteux de les remplacer. D'après une étude publiée en 2002 par le laboratoire d'idées Lexington Institute, il faut environ 45 000$US pour recruter, entraîner et équiper un Marine – une somme qui monte à 340 000$US pour un pilote de chasse diplômé de l'académie de West Point. En prenant pour base les frais engagés pour un Marine, on arrive à un total de quasiment 298 350 000$US. À vue d'œil, on y perdrait beaucoup moins en conservant les militaires transgenres en activité... sans compter le fait que les nouvelles recrues n'auront pas leurs années d'expérience.

Donald Trump semble également convaincu que ces soldats vont provoquer des "perturbations" ou affaiblir l'engagement militaire. Pourtant, leur droit à intégrer l'armée au su de tous remonte à juillet 2016, et nul n'a jamais constaté de conséquences négatives sur le dévouement ou la cohésion de nos troupes.

C'est une réalité cruelle: l'année dernière, l'ouverture de l'armée aux personnes transgenres a poussé de nombreux soldats proches de la retraite à faire leur coming-out.

C'est une réalité cruelle: l'année dernière, l'ouverture de l'armée aux personnes transgenres a poussé de nombreux soldats proches de la retraite à faire leur coming-out. Aujourd'hui, ils se préparent à perdre toutes ces années consacrées à leur patrie. Beaucoup de militaires de carrière, eux, ont des compétences peu adaptées à une reconversion dans la vie civile.

Pour un président qui prétend accorder beaucoup d'importance à la loyauté, Donald Trump est incapable d'en comprendre la forme ultime: se mettre volontairement en danger pour servir son pays.

À cet instant précis, dans le monde entier, des soldats, des matelots, des pilotes et des Marines défendent la nation américaine... en se demandant quand elle se décidera à leur rendre la pareille.

Ce blog, publié à l'origine sur le HuffPost américain, a été traduit par Guillemette Allard-Bares pour le HuffPost France.

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