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Le hip-hop, une culture à abattre?

Il n'est pas rare qu'à la sortie d'un bar ou d'un spectacle hip-hop, les spectateurs soient accueillis à leur sortie par l'escouade Eclipse (la cellule du SPVM dédiée à combattre le crime organisé et les gangs de rues). Pourquoi? Car on estime que ce genre de musique attire le crime organisé. On ne fait pas distinction, on met tous dans le même panier. Il y a une ligne claire à tracer entre le gangsta rap et le hip-hop.
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Cet après-midi a eu lieu une manifestation contre la discrimination culturelle du hip-hop. Plusieurs adeptes de ce mouvement culturel se sont rassemblés devant les bureaux de la Régie des alcools pour dénoncer le caractère discriminatoire d'une décision prise par la Régie dans l'affaire d'un octroi d'un permis. Une vidéo a aussi été mise en ligne pour dénoncer cette décision.

Cette manifestation survient quelques jours après la publication d'un article de La Presse Canadienne, publié le 22 mars 2012 qui avait pour titre « Dire non au hip hop pour avoir un permis d'alcool ».

Dans cet article, on apprend que le SPVM promulgue des conseils à la régie. On y lit: Une porte-parole de la Régie des alcools, Joyce Tremblay, a affirmé qu'il est «normal» que les demandes de permis contiennent des conditions pour interdire certains types de prestations. Dans le cas de Le Pionnier, elle a expliqué que la police locale a demandé d'inclure une clause interdisant les spectacles de rap et de hip-hop.

Que doit-on comprendre de cette pratique injuste? Pourquoi stigmatiser et discriminer toute une culture? L'exemple du Pionner est-il un cas d'exception ou la règle qui sera bientôt imposée?

Pourquoi associe-t-on de façon systématique criminalité et hip-hop?

Bien sûr, je connais 50 Cent, Snoop Dog, Lil Wayne, Birdman, Gucci Mane, Young Jeezy, Rick Ross, The Game et compagnie. Ce sont des rappeurs que l'on peut associer au gangsta rap. Ce type de musique est sans doute responsable de l'image biaisée de la culture hip-hop. Mais ironiquement, c'est celui qui est le plus diffusé sur nos ondes et qui jouit de la grande machine publicitaire et promotionnelle. D'un côté, on critique socialement ce courant musical, mais d'un autre côté, nos multinationnales ne se gênent pas pour empocher des millions. Mais je m'éloigne un peu du sujet.

Il n'est pas rare qu'à la sortie d'un bar ou d'un spectacle hip-hop, les spectateurs soient accueillis à leur sortie par l'escouade Eclipse (la cellule du SPVM dédiée à combattre le crime organisé et les gangs de rues). Pourquoi? Car on estime que ce genre de musique attire le crime organisé. On ne fait pas distinction, on met tous dans le même panier. Il y a une ligne claire à tracer entre le gangsta rap et le hip-hop. Je serai malhonnête de laisser croire que le gangsta rap n'attire pas des éléments marginaux de notre société. Mais c'est une minorité d'individus qui fait partie de ces bandes organisées. Alors qu'avec des décisions comme celles-là, on fait payer à l'ensemble d'une communauté le prix pour quelques dérapages de certains individus criminalisés. On véhicule une image négative dans l'imaginaire social pour légitimer ces décisions discriminatoires en s'appuyant sur la non-connaissance du hip-hop par les citoyens. D'ailleurs, la majorité des personnes noires interpellées par la police affiche un look hip-hop! Hasard?

Le hip-hop au-delà du gangsta rap

Le hip-hop, ce n'est pas que le gangsta rap. Il y a le rap conscient, engagé et éducationnel (celui-là même que les radios commerciales refusent de jouer sur leurs ondes). Il y a des artistes comme Kanye West, Common, Nas, Kerry James, Soprano, MC Solaar, The Roots, Dead Prez, Didier Awadi, K-Naan, K-Os, Talib Kweli, Mos Def, Dramatik, K-Rim et j'en passe. Une petite visite sur YouTube de ces artistes et vous verrez qu'il n'y a pas que le bling bling qui caractérise le hip-hop. Plusieurs artistes de la scène urbaine se donnent comme mission de faire une réelle différence dans leur communauté et de promulguer un message édifiant et constructif. Cela me fait penser à un discours d'Obama sur la culture hip-hop

Il y a la danse, parlez-en à Nico Archambault .

Il y a le deejaying! Ghislain Poirier, ShortCut, A-trak (Madonna), ça vous dit quelque chose?

Il y a le bombing, le graffiti. C'est tout ça le hip-hop! C'est une culture riche, jeune qui défend des valeurs sociales et qui est présente partout à travers le monde.

Ce qui m'attriste le plus dans tout cela, est la façon dont notre scène hip-hop québécoise sera affectée si le projet de refuser de nouveaux permis à des lieux qui jouent du hip-hop. Parce qu'on lance un message clair que ce type de musique est problématique et qu'il faut l'éradiquer. Il est déjà assez difficile pour nos artistes de trouver des lieux de diffusion, de jouer à la radio, de faire partie du milieu culturel québécois, si en plus, ils sont stigmatisés, je ne donne pas cher de leur peau. Dans ces conditions, comment pratiquer, promouvoir et vivre de leur art?

Les artistes d'ici doivent faire front commun pour se faire respecter à leur juste valeur et pour que l'étiquette négative que l'on tente à tout prix de leur associer tombe. Il y a un grand travail de sensibilisation à faire, mais pour cela il faut que les médias y participent et qu'on arrête enfin de donner autant d'importance à un type de musique qui fait vendre, certes, mais qui aussi participe à la construction négative de l'image du hip-hop. Je parle ici du rap américain. Il faut faire de la place à nos artistes et à leur talent.

Festival Hip Hop de Montréal

Je vous invite en terminant à venir encourager des artistes d'ici qui participeront au spectacle d'ouverture de la 1ere édition du Festival Hip Hop de Montréal. Le 6 avril prochain au Club Soda, vous retrouverez sur scène: Samian, Manu Militari, Imposs, Treizième Étage, CEA, Wester et Anodajay.

Vous verrez alors que c'est bien plus qu'une musique violente et des jeunes en pantalons jusqu'aux genoux.

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