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Si l'élite péquiste-bloquiste avait tenté de cheminer au lieu d'opter pour la confortable stagnation, si elle avait tenté une réelle introspection, je doute qu'il y aurait eu des «souverainistes fatigués».
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À vous qui écriviez récemment dans Le Devoir à un souverainiste fatigué, lui exposant les travers de Thomas Mulcair, le pressant de voter pour le Bloc. Oui, à vous, M. Demers, et à plusieurs autres, j'aimerais adresser ces mots d'une indépendantiste qui, loin d'être en âge d'être fatiguée (votre lettre s'adresse davantage à la génération de mes parents), est plutôt exaspérée.

En effet, bien que votre lettre ne m'était pas destinée, je n'ai pu m'empêcher de me sentir interpellée par votre propos qui n'est, à mon avis, qu'une énième démonstration d'un manque de réflexion qui fait mal au mouvement indépendantiste, bien plus que les fausses promesses et les travers d'un fédéraliste qui semble tant vous effrayer. Un manque de réflexion qui a coûté au Bloc ses sièges aux dernières élections, et qui pourrait lui coûter cher, encore cette fois.

D'emblée je vous rassure, tous les faits sur le chef du NPD que vous avez exposés sont vrais. Ainsi, loin de moi l'idée d'appuyer Thomas Mulcair, mais j'ai envie de vous demander: que reste-t-il, une fois cela dit? Parce qu'elle est là, la question, l'éléphant dans la pièce que vous semblez, à l'instar de nombreux autres, vous borner à ignorer.

Vous, qui appelez à voter pour le Bloc québécois comme s'il s'agissait d'un devoir, il me semble que vous évitez, volontairement ou non, l'essence du problème. Pourquoi y aurait-il des indépendantistes désabusés ou fatigués?

Si les Québécois ont fait un choix différent en 2011, ce n'est pas parce qu'ils se sont trompés, comme le répète un peu trop souvent Gilles Duceppe. Je sais, c'est une explication réconfortante, facile, mais totalement erronée. Devant un manque de réflexion évident, devant un mouvement qui ne finit plus d'avoir honte de sa raison d'être, les Québécois ont opté pour autre chose. Le cœur de leur démarche n'était pas d'appuyer un fédéraliste, c'était de donner une chance à un parti qui proposait, entre autres choses, moins de guerre, une plus grande considération pour l'environnement et une vision plus saine de la démocratie que celle du gouvernement en place.

Devant une élite indépendantiste qui refuse de se prendre en main, les Québécois ont envoyé un message précis qui peine encore à être entendu aujourd'hui.

On aurait pu croire qu'après une telle défaite le Bloc québécois entamerait une remise en question profonde, mais il n'en est rien. Depuis des semaines, le parti s'assoit sur la croyance que les Québécois se sont trompés, et ne propose que la même cassette qu'auparavant: celle des demandes à Ottawa. Discours qui, selon plusieurs, peinerait injustement à percer le mur des médias. Dans ce dossier, les médias sont si faciles à blâmer. Encore une fois, beaucoup plus facile que de regarder la vérité en face.

Il suffit de voir le Bloc québécois préférer attirer l'attention avec une publicité démagogique sur le niqab, ou envoyer des jeunes le défendre sur toutes les tribunes, espérant ainsi camoufler l'absence évidente de renouvellement de ses idées. Il suffit de voir son chef peiner à faire une phrase cohérente lorsqu'on lui demande quelle a été la remise en question et qu'est-ce qui a changé depuis 2011, pour constater que nous n'avons pas quitté la case départ. Le Bloc est un concentré de tout ce qui ne fonctionne pas, de tout ce qui a affaibli notre option et nous éloigne peu à peu de notre but.

Vous savez, M. Demers, si l'élite péquiste-bloquiste avait tenté, depuis de nombreuses années, de cheminer au lieu d'opter pour la confortable stagnation; si elle avait tenté une réelle introspection; si elle ne se cachait pas, sans cesse, derrière des prétendus sauveurs ou derrière des gadgets identitaires, je doute qu'il y aurait eu des «souverainistes fatigués» à qui adresser votre lettre. Alors, de grâce, épargnez-les, pour une fois, du fardeau qui devrait logiquement reposer sur les épaules de ceux qui se présentent comme nos leaders.

Pour ma part, si je deviens un jour ce que vous appelez une souverainiste «fatiguée», ce ne sera certainement pas de m'être battue contre des Thomas Mulcair, des Justin Trudeau ou des Stephen Harper. Si un jour je frôle l'épuisement, si je deviens, comme vous le dites si bien, «désabusée», ce sera d'avoir tenté en vain de pousser l'élite de ce mouvement à viser plus haut, à cesser de se réfugier dans la facilité, dans le vide. Ce sera d'avoir tenté de l'empêcher de diluer notre objectif et de le salir avec des gadgets aussi inutiles et qu'artificiels. Ce sera d'avoir trop restreint mes élans à ce «petit effort» que vous réclamez.

Franchement, entre vous et moi, je crois que l'on mérite mieux. Après tout, comme indépendantistes, ne sommes-nous pas là pour inspirer les gens à mettre un terme à ce mauvais réflexe qu'est celui de se contenter de peu?

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