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Douleur et incompréhension du corps médical: quand le stérilet tourne au cauchemar

«Elle m'a enlevé mon stérilet, elle me l'a lancé dessus et elle est sortie.»

Douleurs abdominales incapacitantes, nausées, sueurs nocturnes, pertes de cheveux, troubles de l'humeur... Elles ont vécu ces épisodes handicapants après la pose d'un stérilet, sans parvenir à se faire comprendre du corps médical. Elles se nomment Karine, Geneviève, Sonia et Joëlle et nous ont confié leur parcours de souffrances. Des témoignages que nous avons communiqués au président de l'Association des obstétriciens gynécologues du Québec, Fabien Simard, qui se dit très «surpris».

«Un nuage gris au-dessus de ma tête»

Karine Tessier affirme avoir vécu l'enfer pendant sept longues années, avec son stérilet à hormones. Comme elle en avait déjà eu un auparavant sans avoir aucun effet indésirable, elle n'a pas suspecté au départ que son bon vieux stérilet Mirena pouvait être la cause de tous ses maux.

«J'avais vraiment mal, de grosses douleurs abdominales, des nausées, des pertes de cheveux, des sueurs nocturnes... mais genre, comme s'il y avait eu un boyau d'arrosage dans mon lit, se rappelle-t-elle. Et j'étais triste, mais sans aucune raison de l'être. Je mettais ça sur le compte de la douleur et du fait que je ne dormais pas bien. C'est comme si je ne m'appartenais plus.»

Pendant sept ans, plusieurs médecins lui ont fait passer des batteries de tests pour tenter de trouver ce qu'elle avait. Certains suspectaient un syndrome du côlon irritable, d'autres, de l'endométriose.

«Je me suis sentie tellement seule... Je m'occupais de mon enfant, qui ne comprenait pas ce que j'avais, et en même temps, les médecins me disaient: ''on ne sait pas ce que tu as...'' J'essayais d'expliquer ça à mon conjoint, mais déjà qu'il a de la misère à comprendre les menstruations!» dit-elle, à la blague.

«Les médecins me disaient que j'étais dépressive. J'ai changé mon alimentation, je me suis entraînée, j'ai même consulté un psychologue... et il n'y avait rien qui changeait. J'étais vraiment découragée.» Karine Tessier

Pourtant, dans les effets secondaires répertoriés par la compagnie Bayer, qui fabrique le Mirena, on retrouve notamment les nausées, les douleurs abdominales et les risques de dépression. Mais Karine affirme qu'on ne l'a jamais prévenue de tous ces possibles effets indésirables. Et elle n'est pas la seule.

Principaux effets indésirables

Les effets secondaires causés par le stérilet Mirena les plus courants, selon les gynécologues, sont des douleurs pelviennes et des saignements irréguliers (communément appelés «spotting»). Mais ces effets cessent souvent après plusieurs mois, selon le Dr Fabien Simard, président de l'Association des obstétriciens gynécologues du Québec. Et pour 57% des femmes, cela mène a une absence totale de règles après une année. Toutefois, selon la monographie publiée par la compagnie Bayer, il y a plusieurs autres effets indésirables qui ont été observés par des femmes au cours des essais cliniques. En voici quelques-uns:

  • Douleur abdominale
  • Nausée
  • Infection vaginale
  • Prise de poids
  • Maux de tête
  • Dépression
  • Baisse de la libido
  • Nervosité
  • Sensibilité des seins
  • Acné
  • Kyste de l'ovaire
  • En ce qui concerne le stérilet en cuivre, les effets indésirables se «limitent» à des douleurs pelviennes et des saignements menstruels abondants.

«Quand je me suis fait installer mon premier stérilet, on ne m'a jamais parlé d'effets secondaires, affirme Karine. Au deuxième, on m'a dit sommairement que je pouvais avoir des douleurs pendant mes relations sexuelles, ou que mon conjoint pouvait sentir les fils, en me donnant le feuillet contenu dans la boîte pour que je le lise à la maison, c'est tout.»

Après sept ans de douleurs - et après avoir perdu son emploi à deux reprises à cause de congés maladie à répétition -, Karine a fini par se demander si son stérilet pouvait être la cause de tous ses symptômes. Elle a voulu le faire retirer, pour voir...

Karine Tessier dit avoir subi des effets indésirables liés à son stérilet Mirena pendant sept ans.
Facebook/Karine Tessier
Karine Tessier dit avoir subi des effets indésirables liés à son stérilet Mirena pendant sept ans.

«Il a fallu que je change deux fois de gynécologue pour qu'on me l'enlève, finalement», raconte-t-elle.

Les médecins suspectaient qu'elle faisait de l'endométriose, et l'un deux voulait l'opérer pour une possible masse sur l'utérus, même si Karine lui demandait de retirer son stérilet d'abord. Lors de l'évaluation pré-opératoire, Karine a réitéré sa demande à la nouvelle gynécologue.

«Je l'ai regardée et je lui ai dit: ''ça ne me tente pas de me faire opérer, est-ce qu'on peut commencer par m'enlever mon stérilet et voir ensuite?'' J'ai tenu mon bout, et elle a pogné les nerfs. Finalement, elle m'a m'enlevé mon stérilet, elle me l'a lancé dessus et elle est sortie.»

Selon Karine, la libération a été... instantanée. «Tous les symptômes que j'avais ont disparu en dedans de 24 heures. Il n'y avait plus de nuage gris au-dessus de ma tête. Je suis tellement contente de m'être écoutée!» C'était en 2017.

Karine n'est pas la seule femme à avoir rencontré de la résistance de la part de son médecin, après avoir formulé le souhait de vouloir se faire retirer son stérilet. En fait, elle a fait des recherches et réalisé que de nombreux cas similaires au sien étaient répertoriés, surtout en Europe. Elle a donc lancé un groupe Facebook qui se nomme «Victime du stérilet Mirena au Canada». Et elle a reçu des tonnes de témoignages semblables au sien.

«En 24 à 48 heures, j'avais déjà 3 000 membres. Plein de femmes qui disaient: ''moi aussi, j'ai eu ces effets-là et je n'avais pas été avertie, et moi aussi, j'ai eu de la difficulté à le faire enlever''.»

La méthode de contraception la plus efficace

  • Il est important de préciser que ce genre d'effets indésirables reste marginal. Pour la grande majorité des femmes, le stérilet Mirena ne cause aucun effet désagréable (après quelques mois d'ajustement, toutefois).
  • «Après l'avoir essayé, 94% des patientes sont satisfaites», assure Marc-Yvon Arsenault, obstétricien-gynécologue à l'Hôpital de LaSalle.
  • Oui, il arrive que certaines patientes ont beaucoup d'effets indésirables, mais c'est très rare, selon le Dr Arsenault. Même son de cloche chez Isabelle Tardif, du Centre de santé des femmes de Montréal.
  • «Ça arrive, des fois, qu'une femme veuille se faire enlever son stérilet, mais pas souvent, dit-elle. Mais la meilleure façon qu'une femme tolère ces effets, c'est qu'elle soit déjà au courant, et qu'elle sache qu'elle peut revenir au besoin pour en discuter. Des fois, elle a seulement besoin de se faire rassurer.»
  • C'est aussi le moyen de contraception le plus fiable, en partie parce qu'il ne nécessite pas d'intervention humaine pour assurer son efficacité, comme c'est le cas pour la pilule contraceptive par exemple, qu'il faut prendre à la même heure à tous les jours.
  • Le stérilet est même plus fiable que la ligature des trompes, assurent les Dr Fabien Simard et Marc-Yvon Arsenault. C'est probablement la raison pour laquelle certains médecins semblent réticents à retirer ce dispositif, selon Isabelle Tardif.
  • D'ailleurs, selon l'Association des obstétriciens-gynécologues du Québec, environ 50 % des grossesses sont toujours non planifiées dans la province, et 30 % d'entre elles se terminent par une interruption volontaire de grossesse.

Douleur intense

Les malheurs de Geneviève McCready ont aussi commencé après l'installation de son deuxième stérilet. «Ça s'est très bien passé pendant six ans. Le seul effet que j'avais, c'est que je n'avais plus de menstruations. Et ça faisait mon affaire!» raconte celle qui est infirmière de formation, et qui a travaillé pendant neuf ans en santé sexuelle.

Mais plus d'un an après la pose de son deuxième stérilet Mirena, Geneviève s'est mise à avoir des épisodes de douleurs intenses aux nerfs du visage, qui empêchaient l'étudiante au doctorat en sciences infirmières de travailler sur ses recherches. Et entre ces épisodes qui duraient environ une semaine, elle avait de grosses migraines et une grande fatigue. Elle avait aussi des abcès sous la peau.

«Je suis une personne qui a beaucoup d'énergie, en général, ajoute-t-elle. Mais même en me couchant tôt, j'étais toujours fatiguée. J'étais aussi très irritable, je n'avais pas de patience avec mes enfants et ça affectait notre vie familiale. Je me sentais toujours déprimée... Je me disais que c'était en lien avec mes symptômes physiques. J'avais remarqué aussi une prise de poids, je me sentais tout le temps gonflée.»

C'est en lisant des témoignages de femmes françaises, qui lançaient un recours collectif contre Bayer, qu'elle a reconnu certains de ses symptômes. Elle a aussi lu que certaines femmes avaient rencontré de la résistance de la part de leur médecin quand elles ont voulu faire retirer leur stérilet. Elle est donc allée voir une infirmière praticienne spécialisée (IPS). «Je lui ai expliqué: je comprends que ce n'est pas nécessairement ça, mais j'ai besoin d'essayer. Et il n'y a pas eu de résistance.»

Après son retrait, le changement a été «fulgurant», assure-t-elle. «Dès le lendemain, j'avais de l'énergie, je serais allée courir un marathon!»

Un mythe tenace

Beaucoup de mythes, infondés, persistent à propos du stérilet. Le plus tenace: qu'une femme doit avoir eu un enfant avant de pouvoir avoir un stérilet. «C'est totalement faux, assure le Dr Marc-Yvon Arsenault. Le stérilet est une très bonne solution pour une jeune étudiante par exemple, qui ne veut pas d'enfant dans les cinq prochaines années.»

Résistance

Joëlle Burelle a remarqué quelques symptômes désagréables depuis la pose de son stérilet Mirena, il y a deux ans et demi: perte de cheveux, prise de poids, acné... Mais son médecin l'a convaincue de le garder, affirmant que ce sont des symptômes qui peuvent être dus à certains changements hormonaux dans la trentaine.

«Pour lui, ce que je lui décrivais n'était pas causé par le stérilet, raconte-t-elle. Et c'est vrai qu'on ne peut pas le savoir tant qu'on ne l'enlève pas...»

Elle n'ose pas parler de «lobbying», mais remarque tout de même qu'on lui a «fortement» suggéré ce moyen de contraception après l'accouchement de son deuxième enfant, sans lui présenter d'autres options. Elle porte encore son stérilet.

Sonia Dupont, elle, a dû se rendre à l'urgence pour faire enlever le sien, parce que son gynécologue ne voulait pas devancer son rendez-vous de suivi. Fatigue chronique, vertiges et étourdissements... Elle n'en pouvait plus.

«J'oublie qu'on est l'exception»

Des situations «choquantes», selon Isabelle Tardif, directrice clinique du Centre de santé des femmes de Montréal.

«Ça sous-entend que la femme n'est pas capable d'avoir une bonne observation des symptômes sur son corps... C'est totalement inacceptable», tranche l'infirmière.

«Ce n'est pas à toi de juger si la femme a raison ou pas, ajoute-t-elle. Parce que dans le fond, c'est ça que ça veut dire: on le la croit pas. Et la femme se sent jugée.»

Le Centre de santé des femmes propose une approche complètement différente à ses patientes, en terme de contraception.

«On leur donne toute l'information sur toutes les méthodes possibles, et elles choisissent celle qu'elles préfèrent. Et on leur explique tous les effets possibles. Pour nous, plus une personne a d'informations, meilleure sera sa décision pour elle.»

«Mais des fois, j'oublie qu'on est l'exception», ajoute-t-elle, en précisant qu'il lui arrive de voir des femmes avec un stérilet qui n'étaient même pas au courant qu'il y en avait deux types (en cuivre ou à hormones).

Un rapport «favorable»

  • Santé Canada a connu une augmentation de signalements d'effets indésirables par rapport au stérilet Mirena, au cours des cinq dernières années.
  • L'organisme a effectué plusieurs évaluations du stérilet Mirena et du stérilet en cuivre dans les dernières années, mais considère «que le rapport bénéfices et risques est demeuré favorable pour ces produits».
  • Santé Canada affirme continuer la surveillance systématique de l'information sur l'innocuité du Mirena et des stérilets en cuivre, «comme elle le fait pour tous les produits de santé sur le marché canadien, afin d'identifier et d'évaluer les risques potentiels. Santé Canada prendra des mesures appropriées et opportunes si de nouveaux risques pour la santé sont identifiés.»

«DIY»

De son côté, Marianne Desautels-Marissal était bien au courant des effets indésirables possibles (douleurs pelviennes intenses et saignements abondants), lorsqu'elle s'est fait installer un stérilet en cuivre. Après cinq ans de loyaux services avec son stérilet Mirena, sans anicroche, elle a voulu essayer celui en cuivre, séduite par le fait qu'il n'envoyait pas d'hormones dans son corps. Une décision qu'elle a regrettée amèrement par la suite.

Son stérilet en cuivre lui causait des crampes menstruelles tellement intenses qu'elles la clouaient au lit pendant une demi-journée chaque mois, en plus de provoquer des saignements très abondants. Après avoir enduré cela pendant deux ans, elle a finalement décidé de le retirer elle-même. La journaliste scientifique a documenté son expérience dans un texte sur Urbania. Ce matin-là, elle était pliée en deux de douleur «jusqu'à la nausée, crampée ben raide».

Marianne Desautels-Marissal a retiré son stérilet toute seule, à la maison.
Courtoisie: Marianne Desautels-Marissal
Marianne Desautels-Marissal a retiré son stérilet toute seule, à la maison.

Bien qu'elle ne recommande pas à quiconque de faire cette expérience saugrenue de «DIY» à la maison, elle affirme que pour elle, cela a été libérateur.

«La douleur s'est immédiatement arrêtée, raconte-t-elle. Ça m'aurait pris un certain temps avant de pouvoir avoir un rendez-vous... et je me suis documentée sur le fait qu'on pouvait le retirer soi-même. J'ai commencé à tirer, et ça s'est fait tout seul.»

La journaliste insiste: son but n'est pas d'inciter les femmes à retirer elles-mêmes leur stérilet. Il vaut toujours mieux consulter un(e) professionnel(le) de la santé.

Mais elle suit avec attention ce qui se publie sur le sujet. Et elle déplore que les femmes ne soient souvent pas prises au sérieux, lorsqu'il est question de douleur, selon plusieurs études qui ont été réalisées à ce propos.

«C'est son corps, c'est elle la boss»

Le président de l'Association des obstétriciens gynécologues du Québec, Fabien Simard, se dit très «surpris» de ces témoignages. Dans un premier temps, il affirme que les gynécologues doivent informer leurs patientes des effets secondaires possibles du stérilet à hormones et en cuivre.

«C'est un traitement individualisé pour chaque patiente, explique-t-il. On doit voir selon ses conditions quel est le meilleur moyen pour elle.»

Si une femme a des symptômes dépressifs après l'installation de son stérilet, «on va lui enlever tout de suite, ajoute-t-il. Ce sont des effets rares, mais qui sont documentés. Je ne comprends pas qu'un médecin ne veuille pas enlever un stérilet si la patiente lui parle de ces symptômes.»

Il précise que, dans le cas de saignements irréguliers par exemple, ou de douleurs tolérables, le médecin peut suggérer à la femme d'attendre quelques mois, pour voir si cela se résorbe. «On ne va pas essayer de la convaincre, c'est plus une discussion. On est des conseillers avant tout.»

Et ultimement, c'est la décision de la patiente, insiste-t-il. «C'est sûr que si elle veut vraiment l'enlever, si elle ne feel pas, on l'enlève tout de suite. C'est son corps, c'est elle la boss

Selon lui, «la majorité des gynécologues vont écouter leurs patientes».

Pour Karine Tessier, toutefois, il est clair que le système de santé n'est pas à l'écoute des femmes, au Québec. D'ailleurs, les médecins qui lui ont fait passer une multitude de tests dans les dernières années sont bien contents que tous ses symptômes se soient résorbés. «Mais ils ne pensent pas que ça ait un rapport avec le fait que j'ai enlevé mon stérilet. Ils croient que c'est dans ma tête», lance Karine.

«Ça donne l'impression que les médecins sont plus à l'écoute des compagnies pharmaceutiques que de leurs patientes», fait-elle valoir.

Deux ans après avoir finalement retiré son stérilet, elle a toujours une peur bleue des moyens contraceptifs avec hormones. Elle considère cet épisode douloureux comme un véritable «tsunami» qui a traversé sa famille.

Et surtout, elle juge que tout cela aurait pu être évité, si on l'avait prévenue correctement.

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