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Face au harcèlement de rue, cette étudiante répond par des selfies

«Puisque beaucoup de personnes ne savent toujours pas à quelle fréquence et dans quel contexte le harcèlement arrive, je montrerai mes harceleurs pendant un mois entier»

"Je sais ce que je voudrais faire avec toi, bébé." "Hmmm, tu veux un baiser?" "Sexy! Tu veux monter dans ma voiture?" Ces remarques, Noa Jansma ne les entend que trop souvent. Et elle a finalement décidé d'y faire face.

Pour dénoncer le harcèlement de rue, l'étudiante d'Amsterdam, âgée de 20 ans, a eu l'idée de poser pour un selfie avec tous ceux qui la sifflaient, l'interpellaient par des remarques salaces, déplacées. Pendant ce mois de septembre 2017, elle a posté ces photos sur un compte Instagram, dearcatcallers -chers harceleurs- repéré par la page Facebook L'Empêcheuse de tourner en rond.

En un peu plus d'un mois, 19 600 personnes se sont abonnées à son compte.

"Puisque beaucoup de personnes ne savent toujours pas à quelle fréquence et dans quel contexte le harcèlement arrive, je montrerai mes harceleurs pendant un mois entier", écrit-elle dans la publication qui présente son projet.

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"Souvent, les femmes ne savent pas répondre à un commentaire sexiste", explique-t-elle au site Redpers. "Poursuivre sa route semble être la seule solution, mais cela n'a aucune conséquence pour les harceleurs. Parfois je leur faisait un doigt d'honneur, mais je me sentais bête après. Je voulais faire quelque chose qui me donne du pouvoir sur eux."

Alors que deux jeunes la filment dans un train, à grand renfort de remarques sexuelles, l'idée de les photographier lui passe par la tête. "J'ai longtemps marché avec cette idée en tête, je n'osais pas faire le premier pas", raconte l'étudiante au site Het Parool. "Mais quand j'ai demandé à un homme de venir avec moi faire une photo, il a répondu avec enthousiasme."

Pour tous ces hommes, le harcèlement est normal

Elle lance alors, à la fin du mois d'août, le compte instagram de ses exploits. Les photos s'accumulent. A chaque fois, elle pose, avec une expression neutre, au premier plan. Et derrière elle, un, deux, trois hommes, jeunes ou plus âgés, sourient face à l'objectif.

"Beaucoup de mes amis ne me croyaient pas quand je leurs disais que cela arrivait si souvent." Elle leur en donne ainsi la preuve, par l'image.

#dearcatcallers "hmmmm you wanna kiss?"

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En un mois, un seul de ces hommes a demandé pourquoi elle voulait se prendre en photo avec lui. Et c'est précisément là qu'est le problème, d'après Noa Jansma. "Ils ne sont pas du tout méfiants parce qu'ils trouvent ce qu'ils font tout à fait normal."

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Si les 24 photos publiées pendant ce mois de septembre donnent une idée de la fréquence du harcèlement de rue, elles ne sont que la partie émergée de l'iceberg, même dans son cas personnel. Parfois, elle ne se sent pas assez en sécurité pour demander à faire un selfie, ou bien le harceleur est déjà parti. D'autres fois, elle n'ose pas les poster, parce que les remarques sont trop ambiguës.

"La frontière est mince entre remarque sexiste et compliment", explique l'étudiante. "Il est difficile d'estimer quand est-ce que je dois faire une photo, et quand est-ce que ça n'en vaut pas la peine. Parfois, je prends la photo puis je la supprime plus tard, parce que ce n'était peut-être pas vraiment sexiste."

Après une dernière photo postée le vendredi 29 septembre, elle promet de transmettre son compte instagram à d'autres filles, dans différents pays. "Je peux continuer à l'infini", indique-t-elle à Het Parool. "Mais je ne veux pas."

A partir du 1er janvier 2018, le harcèlement de rue sera puni d'une amende de 190€ à Amsterdam. Noa Jansma, elle, ne déposera pas plainte. La loi, pour l'étudiante, sera difficile à appliquer. "Mais je pense que c'est symbolique, et je trouve ça bien."

Ce texte a été publié originalement dans le HuffPost France.

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