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Bernie Sanders sait comment reconquérir les électeurs de Trump (ENTREVUE)

Selon le sénateur du Vermont, «l’échec retentissant» du parti démocrate résulte d’un «abandon coupable».

À l'heure où le Congrès s'empoigne sur la refonte du système de santé américain, le durcissement des conditions d'accueil des réfugiés et des migrants, et les liens entre le Président et les intérêts russes, Bernie Sanders délaisse Washington pour les États et les villes remportées par Donald Trump.

Depuis le mois de janvier, le sénateur indépendant du Vermont est allé dans le Mississippi, le Kansas et le Michigan. Lundi, il se rendra dans l'un des comtés les plus pauvres des États-Unis, celui de McDowell en Virginie-Occidentale, que Donald Trump a emporté avec les deux tiers des suffrages. Selon Bernie Sanders, ces enclaves seront déterminantes pour l'avenir du Parti démocrate et celui du pays. Ce sont les territoires où, dit-il, les Démocrates ont fait la preuve d'un "abandon coupable".

Bernie Sanders ne mâche pas ses mots face à la politique de Donald Trump. Dans une interview au Huffington Post, le sénateur de l'État du Vermont a appelé les Démocrates à se lever "de toutes les manières possibles contre l'agenda extrémistes (...) et les mensonges" de l'actuel président américain. Mais l'ancien candidat à l'investiture démocrate n'y va pas non plus avec le dos de la cuillère avec son propre camp, comme le montre la vidéo en-tête de l'article.

"En vérité, pour quiconque regarde les choses objectivement, la stratégie suivie par les Démocrates ces dix à vingt dernières années a été un échec retentissant", confie-t-il au HuffPost dans son bureau du Sénat, à Washington.

"C'est un fait. Nous avons affaire à un parti d'extrême-droite dont le programme est rejeté depuis toujours, point par point, par une immense majorité d'Américains. Et pourtant, nous avons perdu la Maison-Blanche, la Chambre des représentants et le Sénat, les deux tiers des sièges de gouverneur et près de 900 sièges dans les administrations locales. Comment ne pas en conclure que le programme et la méthode du parti démocrate sont des échecs patents?"

Certes, Bernie Sanders n'est pas Démocrate, même s'il participe depuis des années aux primaires sénatoriales du parti, notamment celle des présidentielles en 2016. Les militants du parti estiment même que son diagnostic sur l'échec des Démocrates frise souvent la condescendance. Mais sa popularité est indéniable auprès d'une partie de l'électorat, dont ceux qui ont rejoint Donald Trump, au point que les ténors du parti se sont empressés de copier ses méthodes et d'entrer dans ses bonnes grâces. L'été dernier, le parti a adopté le programme le plus progressiste de son histoire, de nombreuses mesures faisant écho aux propositions du sénateur. Après les présidentielles, Chuck Schumer, le chef de la minorité démocrate au Sénat, l'a accueilli dans son équipe et a soutenu son candidat, le représentant du Minnesota Keith Ellison, à la présidence du comité national des Démocrates.

Mais les programmes relèvent largement du rituel. Et les présidences de comités ont peu de poids quand votre parti n'est pas au pouvoir. C'est pourquoi Bernie Sanders a adopté ce que l'on pourrait qualifier de "stratégie externe" pour conforter son nouveau statut.

"Au final, quand on est minoritaire au Sénat et à la Chambre, avec un président d'extrême-droite, la seule manière de gagner cette bataille – et on peut la gagner – c'est que des millions de gens se lèvent, surtout dans les États remportés par Trump, et rappellent qu'ils ne l'ont pas élu pour qu'il supprime leur système d'assurance maladie ou les aides à l'enfance dont ils ont tant besoin."

Pour l'essentiel, le plaidoyer de Bernie Sanders a un air de déjà-vu. C'est le discours qu'il tient depuis des décennies, et celui qui a porté sa candidature aux dernières primaires: augmentation du salaire minimum, gratuité des universités publiques, garantie et extension de l'accès aux soins, soutien à la syndicalisation, y compris à l'usine Nissan de Canton, dans le Mississippi. Tout cela sonne rappelle Pourquoi les pauvres votent à droite [titre d'un livre de Thomas Frank paru en 2004 aux Etats-Unis et 2013 en France, NdT], dans la mesure où une grande partie de l'électorat de Donald Trump a voté contre ses propres intérêts.

Pourquoi? Bernie Sanders a son idée sur la question. Donald Trump a réussi à monter une partie des électeurs (les cols bleus Blancs) contre une autre (immigrés et réfugiés), de sorte que les vrais coupables (les PDG mûs par l'appât du gain) passent à travers les gouttes.

"C'est la méthode habituelle des démagogues", dit-il de Donald Trump. "Taper sur les plus faibles pour drainer une majorité contre eux et détourner l'attention des vraies causes des problèmes."

Un facteur personnel motive également les déplacements du sénateur. Les foules qu'ils attirent ne remplissent pas les stades, comme durant sa campagne. Mais c'est le même public: des gens qui ont abandonné le parti démocrate, qui ne s'en sont jamais senti proches ou qui n'ont jamais été politisés.

Si les Démocrates espèrent reprendre le pouvoir — et si Bernie Sanders est de nouveau candidat à la présidence des Etats-Unis —, leur succès dépendra de l'engagement de cette frange de la population. Cela peut se faire depuis Washington, en s'opposant à Donald Trump. Mais le sénateur fait le pari que la reconquête sera plus efficace si l'on va à la rencontre des électeurs avec un discours populiste enflammé.

"Le bon sens politique et la morale interdisent de rester sur la défensive", conclut-il. "Nous devons rassembler les gens autour de nouvelles idées pour le pays."

Cet article, publié à l'origine sur le Huffington Post américain, a été traduit par Julie Flanère pour Fast for Word.

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