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«Landing»: Beyries aux bois dormants (ENTREVUE)

Beyries aux bois dormants
Fany Ducharme

Nourris aux compliments depuis l’enfance et auréolés plus tard dans les concours et sur les plateaux télé, certains artistes quittent précocement la coquille pour faire valoir un talent sanctionné et bientôt monnayable. Il est le lièvre à lever des étiquettes. Elle est la pépite rare de l’industrie. Ils sont les ayants droit du vedettariat.

Puis, il y a les autres. Le tâcheron, la piocheuse, le douteur, la désappointée, en somme ceux et celles qui ont opté malgré eux pour la remise en question qui assaille, souvent prêts à signer l’abdication. Néanmoins, bon an mal an perce parmi eux celui ou celle qu’on affuble du titre de late bloomer. C’est le cas cette année d’une jeune femme à la mi-trentaine sonnée et digérée : Beyries.

Sortir de l’ombre

Jointe au téléphone au sortir d’une séance d’essayage dans une boutique de linge griffé, l’auteure-compositrice nous fait part de ses surprises et apprentissages en chaîne. Au-delà du choix d’une tenue pour le lancement à venir de son premier album Landing, les interrogations quant à l’image à l’ère des réseaux sociaux surgissent sans pour autant tarauder: «À force de me voir la face en ligne, je suis maintenant consciente que la gestion de l’image et de la vie privée est une tâche quotidienne. Je n’ai aucun contrôle sur le #beyriesmusic sur Instagram. Y porter trop attention peut mener à l’obsession. Il faut toujours se rappeler qu’on a plus à gagner à grimacer sur scène qu’à rester enfermée chez soi ».

Ce constat n’est néanmoins que la conséquence d’une surprise plus grande encore. Beyries a toujours pianoté ou gratouillé, écrit et chanté, sans jamais s’imaginer faire carrière en chanson. De son propre aveu, les éloges précoces dont elle fait l’objet la prennent de court: «J’ai côtoyé beaucoup d’artistes au fil des ans et j’ai toujours senti que je n’avais pas ce qu’il fallait pour espérer leur succès. Je n’étais pas appelée par la vocation ni animée par le même désir de réussir. Pour moi, depuis tout le temps, faire de la musique mon métier, c’était une lubie».

De la douleur à la sérénité

Pour Beyries, le passage du rêve à réalité ne s’est pas fait sans heurts. Si l'atterrissage nous séduit par sa douceur, le vol a été ponctué de grandes périodes de turbulences. Il y a 10 ans, c’est le décès de sa mère. Un an plus tard, l’apparition d’un premier cancer. Son album n’est toutefois pas le compte-rendu d’une victoire sur l’adversité, du moins ce n’est pas l’angle que l’artiste nous propose. «J’ai vécu des moments difficiles entre la mort et la maladie, j’ai tiré le diable par la queue, mais je ne sais pas de quoi aurait été faite ma vie si j’avais pu éviter les épreuves. L’album est seulement le reflet de ma vie jusqu’ici. »

C’est plutôt le passage du temps qui fait l’œuvre chez Beyries. «Dans la vingtaine, je n’avais pas la “connexion émotionnelle” qui me permet aujourd’hui de faire tout ça dans le plaisir. Je suis évidemment plus solide et lucide aujourd’hui qu’à l’époque... Avec le recul, je réalise que je vivais sans me préoccuper du sens qu’il fallait donner à la vie. Maintenant, je dois expliquer à tout le monde pourquoi j’ai attendu si longtemps avant de me lancer dans un projet sérieux. C’est presque aussi gênant que flatteur.»

En pièces rescapées

C’est après avoir complété la réalisation d’une première démo en 2015 que les choses ont déboulé pour elle. Les commentaires admiratifs ont fusé et l’inspiration nécessaire à l’échafaudage d’un plein album est venue. Pour une artiste qui doutait et doute encore de ses habiletés sur l’instrument, tout est arrivé à point. « Je suis obligée de croire à une forme de channeling. Toutes les pièces de l’album ont pris forme très rapidement, en moins d’une heure, dans des moments de grand calme. Along the Way a été écrite et composée dans une cabane de la Sépaq au Parc de la Jacques-Cartier. Right au chalet d’un ami à La Malbaie. Rien de compliqué. Un peu de vin, un chien et un iPod et le tour est joué ».

Plus facile à dire qu’à faire sans doute. Et quelle autre leçon peut-on retenir du parcours atypique, pour tous ces artistes qui se condamnent d’avoir plus jeune raté l’occasion d’une carrière musicale? « Je n’ai jamais rien écrit pour personne ni pour toucher les gens. Ces chansons-là, elles sont à moi d’abord et avant tout. Dans la solitude, elles sont venues. Dans les moments durs, ça m’a fait du bien de les écrire. Je dois me rendre à l’évidence : je suis égoïste (rires) »

Landing, Beyries, disponible dans les magasins et en version numérique le vendredi 24 février.

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