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Acheter un terrain sans savoir que des tuyaux passent dessous

Acheter un terrain sans savoir que des tuyaux passent dessous

Trois familles de Lévis auraient aimé savoir que des tuyaux étaient enfouis sous leurs terrains avant de s'en porter acquéreurs. Le genre de « petit détail » qui peut faire toute une différence quand vient le temps de creuser une piscine.

Un texte de Maxime Poiré

Marcelle Coulombe et Jacques Bérubé ont acheté un terrain en janvier 2015 dans un nouveau quartier résidentiel. Ils ont construit leur maison et leur piscine au printemps de la même année.

Leur problème, c’est que personne ne leur a dit que des tuyaux étaient enfouis derrière chez eux ni qu’une servitude de 5 mètres devait être concédée à la Ville en novembre 2015. Conséquence : la Ville pourrait maintenant détruire leur piscine.

Personne n’a dit la vérité! On ne l’a jamais eue la vérité!

- Jacques Bérubé

L'entreprise Le Boisé du Saint-Laurent, secteur Roc Pointe, dirigée par l’homme d’affaires Marc Vaillancourt, leur a vendu le terrain. Aujourd’hui, le couple se demande pourquoi le vendeur ne leur a pas révélé un fait aussi important. « S’il nous avait dit qu’on avait cette servitude sur notre terrain, on n’aurait jamais investi de l’argent ici », note Marcelle Coulombe.

Qui aurait dû prévenir les acheteurs?

Sébastien Pelletier et Karine Richard ont aussi acheté un des terrains touchés par la servitude. Dans leur offre d’achat, le promoteur Marc Vaillancourt les obligeait, tout comme ses autres clients, à utiliser les services du notaire Guy Lessard et de l’arpenteur Alain Gosselin, de la firme Groupe Giroux.

Ils se demandent maintenant si le vendeur et les deux professionnels ont bien fait leur travail.

Karine Richard et Sébastien Pelletier. Photo : Radio-Canada

On s’est fait imposer le notaire et l’arpenteur du promoteur. Aucun des intervenants professionnels qui étaient dans le dossier ne nous a parlé d’une telle servitude.

- Sébastien Pelletier

Éric Martineau et Julie Harvey sont propriétaires du terrain voisin. Contrairement à ce qu’ils avaient prévu au moment de l’achat, ils ont dû refaire leurs plans pour coller leur piscine tout près de la maison et sacrifier toute une partie de leur cour en raison de la servitude.

Éric Martineau et Julie Harvey. Photo : Radio-Canada

Comme les autres familles, ils veulent être dédommagés. « C’est clair que ça ne vaut pas le prix qu’on a payé », constate Éric Martineau. « Puis le sentiment de s’être fait berner, ça n’a pas de prix non plus », poursuit Julie Harvey.

Le plan des terrains avec les tuyaux de la Ville de Lévis. Photo : Radio-Canada

Une omission inacceptable

Que ce soit le vendeur, le notaire ou l’arpenteur, tous ceux qui connaissaient l’existence des tuyaux et de la servitude projetée sur les terrains auraient dû en parler aux acheteurs.

C’est ce que croit François Brochu, directeur du programme de maîtrise en droit notarial à la Faculté de droit de l’Université Laval.

On ne peut pas passer sous silence des faits aussi importants que la présence d’une conduite qui traverse la cour de quelqu’un, puis qui sera ensuite matérialisée, là, par une servitude.

- Me François Brochu

Un vendeur qui savait

Nous avons découvert, dans une entente signée en 2013 entre la Ville de Lévis et le promoteur Marc Vaillancourt, que les tuyaux apparaissaient clairement sur les plans du quartier et que la servitude y était déjà prévue.

Le promoteur Marc Vaillancourt. Photo : Radio-Canada

Marc Vaillancourt reconnaît les faits. « J’ai comme 100 % de part de responsabilité dans tout ça. Ce qui me frustre un peu, c’est qu’on fait affaire avec des professionnels. C’est leur job de faire en sorte que tout soit correct dans nos dossiers. Je me rends compte que ça ne s’est pas bien fait. »

Le rôle du notaire

Marc Vaillancourt blâme le notaire Guy Lessard qui, dit-il, était au courant de la présence des tuyaux et de la servitude.

J’ai parlé au notaire de cette servitude-là. Mais quand? De mémoire, c’est avant que les terrains commencent à être notariés.

- Le promoteur Marc Vaillancourt

Le promoteur s’explique mal le silence du notaire. « Je ne voudrais pas être dans ses culottes […] Il m’a confirmé qu’il est vraiment mal à l’aise. Il y a vraiment eu une négligence et une lenteur dans tout le dossier. Ce n’est pas normal qu’il se passe une année entre le début de la servitude et la fin de l’enregistrement. »

Nous avons demandé au notaire Guy Lessard de nous expliquer son rôle dans ce dossier. Il n’a jamais voulu nous rencontrer.

Jacques Bérubé et Marcelle Coulombe. Photo : Radio-Canada

De leur côté, Marcelle Coulombe et Jacques Bérubé ont demandé la tenue d'une enquête sur le notaire. Mais le syndic de la Chambre des notaires a conclu qu'il n'y avait pas lieu de porter de plainte disciplinaire contre Me Lessard. Les deux autres couples n'ont pas, pour l'instant, contacté la Chambre des notaires pour qu'elle étudie leurs dossiers.

Une servitude qui apparaît et disparaît

Le promoteur Marc Vaillancourt montre aussi du doigt l’arpenteur qui, du jour au lendemain, a cessé d’indiquer la présence des tuyaux et de la servitude dans ses plans.

Nos recherches lui donnent raison. La facture a mis la main sur un plan préparé par l’arpenteur Alain Gosselin en 2014, qui indique clairement qu’une servitude pour des tuyaux est prévue sur les terrains. Et puis en 2015, plus de trace de la servitude dans les certificats d’implantation et de localisation des maisons préparés par lui et ses collègues du Groupe Giroux.

L’arpenteur Alain Gosselin et la firme d’arpenteurs-géomètres Groupe Giroux n’ont pas voulu nous expliquer ce qui a bien pu se passer.

Le reportage de Maxime Poiré est diffusé le 6 décembre à l’émission La facture sur ICI Radio-Canada Télé.

La Ville de Lévis intervient

Une partie du problème est maintenant réglée. À l’automne 2016, la Ville de Lévis permet au couple Coulombe-Bérubé de conserver sa piscine. Elle permet aussi à la famille Pelletier-Richard de construire une piscine au-dessus des tuyaux, et ce, malgré la servitude.

Mais il y a des conditions. Leurs piscines pourraient être détruites à tout moment, à leurs frais, si la Ville devait intervenir pour réparer ses infrastructures.

Maintenant, Lévis ne veut pas que le volet civil de ce dossier traîne en longueur. La Ville s’attend à ce que le promoteur et les autres professionnels impliqués dans ce dossier prennent leurs responsabilités, « pour aider les citoyens », explique Christian Tanguay, directeur général adjoint de la municipalité.

Chez nous, on veut un développement qui se fait de façon responsable.

- Christian Tanguay, de la Ville de Lévis

Une entente à l’horizon?

Les trois familles touchées par cette histoire veulent que le dossier se règle vite. Quant au promoteur Marc Vaillancourt, il s’engage à trouver rapidement un terrain d’entente avec ses clients.

C’est sûr qu’il va y avoir une entente. Ces gens-là ont raison de demander une réclamation. […] Je me rends compte qu’il y a eu vraiment des erreurs des professionnels, puis ils vont assumer leur erreur.

- Le promoteur Marc Vaillancourt

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