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Projet de loi C-29 : «C'est un cadeau aux banques avant Noël»

Même Québec s'oppose aux changements prévus par Ottawa.

OTTAWA – L’étau se resserre autour du gouvernement Trudeau. Tant les partis d’opposition à Ottawa que l’Assemblée nationale du Québec lui demandent de changer le projet de loi C-29 pour le bien des consommateurs québécois.

Mardi, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité une motion pour demander au fédéral de laisser tomber les dispositions du projet de loi C-29 qui viendraient invalider la Loi sur la protection du consommateur (LPC) dans la relation entre les banques et les clients.

La ministre de la Justice a voté en faveur de la motion. (Photo : Alice Chiche)

La motion du porte-parole du Parti québécois en matière de Finances, Nicolas Marceau, était présentée conjointement avec son homologue de la CAQ, François Bonnardel, ainsi que la députée de Québec solidaire de Ste-Marie-St-Jacques, Manon Massé.

Voici le libellé de ladite motion :

«Que l'Assemblée nationale réitère l'importance de préserver le régime avantageux de protection des consommateurs tel qu'édicté dans la Loi sur la protection du consommateur;

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement fédéral le retrait des dispositions du projet de loi C-29, Loi n° 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2016 et mettant en oeuvre d'autres mesures qui rendraient inapplicables celles de la Loi sur la protection du consommateur encadrant la relation entre les banques et leurs clients.»

Tous les députés présents ont voté en faveur, dont le premier ministre, Philippe Couillard, et la ministre de la Justice du Québec, Stéphane Vallée.

C-29 prévoit modifier la Loi sur les banques afin d’avoir un régime pancanadien « complet et exclusif ». Ce sont donc les lois fédérales, et non les lois provinciales, qui s’appliqueraient en matière de protection des consommateurs pour les services bancaires et les pratiques commerciales des banques.

Une fois que les changements seront mis en place, les consommateurs qui se sentent lésés – en raison de frais cachés ou des contrats modifiés sans préavis, par exemple – ne pourront plus avoir accès aux tribunaux ou aux recours collectifs, tel que le prévoit la LPC. Ils devront s’adresser à un ombudsman nommé et payé par les banques.

« On uniformise par le bas », critique le NPD

Le Bloc québécois, qui a soulevé cet enjeu plus tôt cette semaine à Ottawa, craint que cette nouvelle disposition vienne invalider la Loi sur la protection des consommateurs du Québec et rende les recours contre les grandes banques canadiennes plus difficiles.

Ces préoccupations sont également partagées par le groupe Option consommateurs, qui pense que l’adoption de cette mesure serait un retour en arrière. Le gouvernement Harper avait tenté en 2012 d’imposer des normes fédérales « exclusives applicables aux produits et services bancaires ».

Maintenant, tant les conservateurs, les néodémocrates que les bloquistes veulent supprimer les changements sur la Loi des banques, qui prévoient des standards fédéraux pour les produits et services offerts par les banques « dans l’intérêt national ».

Le ministre Morneau défend les banques, dit le Bloc. (Photo : Getty Images)

Le Bloc québécois et le NPD sont en faveur de d’autres amendements pour éradiquer complètement les changements apportés à la Loi sur les banques, mais il est difficile de prévoir s’il y aura un débat à ce sujet.

« La job du ministre des Finances, c’est de défendre les consommateurs contre les banques, mais il défend les banques contre les consommateurs. C’est du jamais vu », critique Gabriel Ste-Marie, porte-parole du Bloc en matière de Finances.

Son homologue du NPD, Guy Caron, dresse d’ailleurs un parallèle entre ce régime pancanadien et la commission nationale des valeurs mobilières souhaitée par Ottawa, un autre dossier qui agace Québec.

« On uniformise par le bas, fait valoir le député de Rimouski-Neigette-Témiscouata-Les Basques. Si on adopte une approche pancanadienne avec des règlements ou des protections qui sont inférieurs qu’au Québec présentement, le consommateur québécois y perd au change. »

« Un pas en avant », dit Ottawa

Le secrétaire parlementaire du ministre des Finances, François-Philippe Champagne, invite plutôt ses collègues à regarder l’ensemble des dispositions. « Vous allez voir que c’est vraiment un pas en avant pour les consommateurs, parce que quand vous regardez l’ensemble des mesures, c’est très, très favorable. »

Il dit que le gouvernement veut « prendre [ses] responsabilités » à la suite du jugement de la Cour suprême en 2014, qui tranche que des banques visées par un recours collectif devaient se plier à la loi du Québec.

« On peut répondre à un arrêt et répondre de la mauvaise façon. C’est ce qu’ils font présentement », rétorque Guy Caron, qui craint encore des années de contestations judiciaires et d’incertitude dans ce dossier.

Guy Caron craint une autre longue bataille judiciaire. (Photo : PC)

« Ce qu’on a fait, c’est de simplifier et de moderniser [la loi fédérale], se défend François-Philippe Champagne. Je pense que quand les gens auront le temps de voir de façon plus détaillée les dispositions contenues dans la loi, ils vont voir qu’on fait un pas en avant pour tout le monde. »

Le secrétaire parlementaire n’a pas été en mesure de confirmer si, oui ou non, les changements viendraient invalider la Loi sur la protection du consommateur, qui prévaut à l’heure actuelle en cas de recours contre les banques.

Gabriel Ste-Marie, pour sa part, fulmine de voir qu’Ottawa pourrait imposer un bâillon pour adopter ces nouvelles mesures, mardi, soit quelques jours avant la levée du Parlement pour les Fêtes.

« C’est un cadeau aux banques avant Noël, dit-il. Là, les consommateurs font leurs achats et quand ça va être le temps de rembourser leur carte de crédit, cet hiver, les banques auront libre recours pour imposer les changements qu’ils veulent. C’est effrayant. »

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