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L'histoire et la psychiatrie peuvent expliquer l'élection de Donald Trump

La comparaison avec l'Allemagne des années 30 s'invite souvent dans cette conversation.

Voilà une semaine que Donald Trump a été élu président des États-Unis. La nouvelle reste un choc. C'est, pêle-mêle, de la faute de Facebook, des médias, des sondages, des politiques, des élites, du contexte économique, de la peur, de la haine.

Nous cherchons de toutes parts à comprendre comment et pourquoi les Américains ont élu ce businessman vulgaire dont la plupart d'entre nous étions persuadés jusqu'à la veille de l'élection qu'il n'avait pas la moindre chance d'accéder au pouvoir.

Dans la recherche de sens, la comparaison avec l'Allemagne des années 30 s'invite souvent dans les conversations. C'est aussi ce qu'a constaté Isabelle Davion, maître de conférences en Histoire contemporaine, spécialiste du monde germanique interrogée par Le HuffPost. "C'est un rapprochement qui existe dans nos esprits même si, Donald Trump n'est évidemment pas Adolf Hitler."

Au coeur de ce vote, l'humiliation d'une partie de la population

Le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, qui a beaucoup travaillé sur la mémoire du traumatisme, ayant lui-même échappé de peu aux camps nazis, s'est interrogé dans son dernier livre sur notre besoin de héros et sur le risque de les voir se pervertir. Interrogé par Le HuffPost, il abonde dans le sens d'Isabelle Davion, "il ne s'agit pas du même phénomène que le nazisme, mais cette élection comme l'accession au pouvoir d'Hitler, de Pétain, d'Erdogan ou de Morsi démontre l'existence d'une défaillance culturelle". En effet, selon lui, le clivage dans la population de nombreux pays comme les Etats-Unis se creuse désormais selon un critère principal, l'accès ou non à la culture.

L'Histoire a montré que pour ces exemples cités précédemment tout était une question d'humiliation. "Les Allemands ont été humiliés par le traité de Versailles, poursuit Boris Cyrulnik, les Français par la déroute de 40, le succès d'Israël provoque aussi un sentiment d'humiliation dans les pays arabes. Aux États-Unis, seuls les plus riches peuvent faire des études, les autres sont exclus, humiliés par cette différence. Et c'est en cela qu'il existe une défaillance culturelle comme au Congo, au Liban ou au Royaume-Uni."

Et c'est de ce ressentiment que Donald Trump séduit. Avec le slogan "Make America great again", il promet la restauration d'un passé idéalisé. "C'est une promesse classique, celle de rendre le pays comme il l'était, de le redresser, analyse Isabelle Davion. De mauvaises décisions ont été prises, un nouveau mouvement propose donc de revenir à un passé où la crise n'a pas eu lieu, grâce à des solutions simples où la complexité du réel est effacée et où un ennemi est clairement défini: les Juifs, les immigrés."

Voter pour un candidat et penser qu'il ne restera pas au pouvoir

Mais pourquoi voter pour de telles idées quand on sait que par le passé elles nous ont déjà conduit au pire? "Trump est le sauveur de ces gens, les largués de la culture. Il représente un rêve: riche, entouré de ses poupées avec des robes fendues jusqu'au pubis, fort du succès en affaires et du succès de son émission de télé-réalité. C'est un héros maléfique qui arrive pour nous tirer hors du danger", explique encore Boris Cyrulnik.

Un sauveur dont on ne croit pas forcément à la pérennité au pouvoir. Voter pour un candidat ne signifie pas forcément avoir conscience qu'il va gouverner pendant tout un mandat. "Il s'agit d'un vote pour faire sauter le système, les partis politiques traditionnels, assure Isabelle Davion. La conquête du pouvoir se prête à l'agressivité, on accepte donc de voter pour un tel caractère. On se rassure en se disant que l'homme va s'assagir lorsqu'il sera élu ou qu'il ne restera que quelques mois, le temps de tout bouleverser avant d'être destitué. Dans le cas d'Hitler, en janvier 1933, personne ne pense qu'il va rester plus de trois mois au pouvoir. Mais c'est faux, on ne se débarrasse jamais de ce genre de personnalité", met-elle en garde.

Boris Cyrulnik y voit même un danger plus grand, celui de la mise sous influence de l'un des hommes les plus puissants du monde. "Donald Trump est prisonnier de l'émotion, même s'il maîtrise parfaitement l'art de la mise en scène. Il ne va pas tenir le coup et ce sont ses conseillers qui auront le pouvoir sur lui", s'inquiète le psychiatre.

En attendant, face à cette "défaillance culturelle", la solution tient en trois mots selon lui, "l'éducation, l'art et le sport, soit, la culture dans son ensemble". "La démocratie sans culture fait élire des dictateurs", assène Boris Cyrulnik. Elle seule peut nous permettre de garder la tête froide face à ces idées séduisantes. "Ne laissons aucun quartier, aucune ville, aucune personne sans culture", conclut finalement Boris Cyrulnik.

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