C'est un témoignage rare et tragique. Les parents d'Émilie, victime d’intimidation et qui s'est suicidée en janvier, ont donné l'autorisation de publier le journal intime de leur fille au journal La Voix du nord.
On peut y lire des phrases terribles, typiques du mal-être dû au harcèlement scolaire. Ce journal a été découvert après le décès de la jeune fille. Elle y raconte qu'elle se réfugiait aux heures de pause dans les toilettes du collège Notre-Dame de la Paix, dans le Vieux-Lille, en France. Ou bien dans un couloir au quatrième étage, «là où il n'y avait jamais personne aux heures creuses car personne n'avait la foi de monter jusqu'au quatrième.»
«Les toilettes étaient le seul endroit dans ce foutu collège où j'étais sûre d'être tranquille. Ne serait-ce qu'épargner 15 minutes de supplice à ma journée ferait qu'elle serait moins insupportable.»
Lorsqu'il lui fallait traverser la cour, voilà ce à quoi elle était confrontée :
«Je sentais sur moi les regards des autres. Je voyais leurs sourires quand ils me scrutaient, je sentais leurs yeux se poser sur mes vieilles chaussures, mon jean effilé, mon col roulé et mon sac à dos. J’entendis quelques 'clocharde!'
(...)
Esquiver les coups, les croche-pieds et les crachats. Fermer ses oreilles aux insultes et moqueries. Surveiller son sac et ses cheveux. Retenir ses larmes».
La lecture de ce journal est éprouvante. Mais nécessaire à en croire la démarche des parents d'Émilie qui entendent dénoncer l'omerta qu'ils ont subie. Ils expliquent à La Voix du Nord que personne dans le collège, à la direction, ne veut «parler de violence ou de harcèlement. Ce qui les intéresse, c’est de garder leur réputation.»
Une seule oreille attentive, mais pas dans le service public
Ils expliquent avoir trouvé une oreille attentive auprès de l'archevêché de Lille, qui a promis de «faire quelque chose contre le harcèlement scolaire», estimant que «cet événement doit être l'occasion d'une prise de conscience».
Dans son journal, Émilie raconte que les professeurs n'entendent pas les moqueries qui lui sont adressées à mi-voix, mais suffisamment fort pour que les copains les entendent. Les mots sont cruels. Elle est première de classe, ne s'habille pas à la mode et ne sait pas comment répondre aux sarcasmes. Son sort est jeté. Elle sera la souffre-douleur de sa classe et d'autres élèves, pendant trois ans, comme ce groupe de jeunes de 13 ans (elle en a 12 à ce moment-là) qui lui jette un de ses livres par-dessus les escaliers.
Ne rien dire aux parents
Elle ne veut rien révéler à ses parents, écrit-elle, «je ne voulais pas que mes parents sachent à quel point j’étais pitoyable et pensent avoir donné naissance à une pure sous-merde».
Elle voulait aussi éviter que les parents n'en rendent compte au directeur, pensant que cela aggraverait sa situation. Ce n'est qu’au début du secondaire qu'elle fait une crise d'angoisse un matin avant de se rendre à l'école. Ses parents divorcés commencent à deviner l'ampleur du problème et la changent de collège. Mais la dépression d'Émilie était installée et les traitements associés aux cours à distance n'ont pas eu raison de sa détresse. Le 19 décembre 2015, elle se défenestrait depuis l'appartement de son père et mourrait des suites de ses blessures le 22 janvier.
Depuis, les parents ont porté plainte contre le collège, permettant qu'une enquête soit ouverte pour découvrir le degré de connaissance des professeurs et de la direction du cas d'Émilie.
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