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Justin Trudeau, un «drôle de francophone» (VIDÉO)

Justin Trudeau, un «drôle de francophone» (VIDÉO)

OTTAWA – Le bilinguisme est au cœur des priorités du gouvernement Trudeau. Mais si le premier ministre est capable de changer d’accent sans effort, son français, lui, laisse parfois à désirer, disent des experts consultés par le Huffington Post Québec.

«Il fait des fautes qui sont stupéfiantes pour un francophone. Avoir du mal avec le masculin et le féminin quand on est un francophone comme Justin Trudeau, c’est assez étrange. C’est rare», fait remarquer Benoît Melançon, professeur au Département des littératures de langue française de l’Université de Montréal.

Le HuffPost Québec a passé en revue les périodes de questions à la Chambre des communes de janvier à juin 2016. Le premier ministre doit répondre tant en anglais qu’en français aux questions des chefs adjoints du Parti conservateur, Rona Ambrose et Denis Lebel, et du chef du NPD Thomas Mulcair.

Quand vient le temps de répondre dans la langue de Molière, M. Trudeau mélange les genres masculin et féminin, invente des verbes et construit des «phrases bancales» ― soit des morceaux de phrases collés les uns aux autres.

Mais le premier ministre Trudeau n’est pas le premier ni le dernier à faire ces fautes, précise Chantal Gagnon, professeure et chercheuse au Département de traduction de l’Université de Montréal. Tant à Québec qu’à Ottawa, certains politiciens trébuchent, cherchent leurs mots et maltraitent parfois la langue française.

«C’est un contexte particulier où la langue est approximative. Il faut avoir le sens de la répartie, il faut être bref, il faut répondre rapidement. Il y a la télévision, il y a le stress. Les phrases sont interrompues, les gens cherchent leurs idées», explique celle qui s’intéresse à la traduction des discours politiques au Canada.

Si Chantal Gagnon est d’avis que Justin Trudeau est un «symbole» parce que le Parti libéral du Canada en a fait beaucoup pour le français, elle admet que le français est le «talon d’Achille» du premier ministre.

«S’il n’était pas premier ministre du Canada, on dirait qu’il s’exprime très bien. C’est parce qu’il y a des attentes qui sont énormes. Dans un autre contexte, ce serait correct», nuance-t-elle.

Un PM francophone ou anglophone?

Trudeau a grandi dans les deux langues, avec un père francophone et une mère anglophone. Il a étudié au collège Jean-de-Brébeuf, à l’Université McGill et à l'École Polytechnique de Montréal. Il a aussi travaillé en Colombie-Britannique comme professeur de français, entre autres.

«On a donc quelqu’un qui, en théorie, devrait être parfaitement bilingue avec son milieu familial et son éducation, commente Benoît Melançon, également auteur du blogue L’Oreille tendue. On pourrait imaginer un bilinguisme beaucoup plus assumé, beaucoup plus assuré. Ce n’est pas du tout ça qu’on a.»

Le professeur explique que certaines phrases de M. Trudeau, sorties de leur contexte, sont tout simplement incompréhensibles. «Si on comprend [ce qu’il dit], ce n’est pas parce que les fautes ne sont pas graves. C’est parce qu’on a autre chose à quoi s’accrocher pour réussir à comprendre ce qu’il veut dire.»

Le premier ministre est-il donc francophone ou anglophone, de l’avis des experts? «C’est une question qu’on peut poser, mais je ne pense pas qu’il y ait de réponse à ça, répond Chantal Gagnon. Il fait des choix de vie pour le français, mais il est plus à l’aise en anglais.»

«C’est un drôle de francophone, une drôle de création linguistique, dit pour sa part Benoît Melançon. Biographiquement, il a tout ce qu’il faut pour être francophone. En même temps, il dit ces bizarreries.»

Les lacunes linguistiques de Trudeau en français ne viennent pourtant pas entacher sa lune de miel avec les Canadiens d’un bout à l’autre du pays, selon Anne-Marie Gingras, professeure en communication politique à l’UQAM.

«Notre premier ministre ne maîtrise ni la syntaxe ni le vocabulaire de la langue française, mais il semble bien que l’électorat ne lui en tient pas rigueur», dit-elle.

Au-delà de l’homme, la professeure Chantal Gagnon espère que le gouvernement Trudeau va continuer de poser des gestes pour promouvoir les deux langues officielles au Canada – tant dans les tribunaux que dans les ministères.

«On a vu ce qu’il a fait pour la Cour suprême du Canada ― et c’est très bien ― mais il faut continuer de regarder les gestes qu’il va poser pour garantir la qualité du français parce qu’il y a eu un vide sous M. Harper et il y a beaucoup de rattrapage à faire.»

Le bureau du premier ministre n’a pas souhaité réagir à notre reportage.

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