Après la Turquie et le Bangladesh, voilà que l'Irak connaît son attentat le plus meurtrier de l'année et que l'Arabie saoudite a vécu trois explosions en 24 heures. Le groupe armé État islamique (EI) cherche-t-il à compenser ses pertes de territoires en Syrie et en Irak en organisant des attentats à l'extérieur?
Sébastien Bovet de l'émission 24/60 s'est entretenu avec Stéphane Leman-Langlois, professeur à l'Université Laval et membre de l'équipe de recherche sur le terrorisme et l'antiterrorisme au Canada.
Attaques coordonnées?
Certaines attaques sont coordonnées jusqu'à un certain point, explique Stéphane Leman-Langlois. Celles de Bagdad et d'Istanbul étaient très clairement coordonnées d'un point central par l'organisation État islamique.
Toutefois, d'autres organisations s'appellent aussi « État islamique » ailleurs dans le monde. Elles agissent dans des contextes locaux très différents, sans être sous les ordres de l'EI. « Évidemment, chacun va se targuer d'être l'ami de l'autre et va revendiquer quand une attaque va avoir lieu », remarque le chercheur.
L'attaque à Dacca ne présente pas de coordination effective, remarque Stéphane Leman-Langlois. Elle a été commise par des gens complètement différents.
État islamique, une marque de commerce
Il y a cinq ans, un groupe djihadiste islamique se serait donné l'étiquette Al-Qaïda, mais aujourd'hui la marque est « en perte de vitesse vertigineuse », dit le chercheur en terrorisme.
Aujourd'hui, celle du groupe État islamique est vendeuse et efficace pour ceux qui veulent faire la première page des journaux et des sites web.
Un lien entre les pertes et les attentats
Avec la récente perte de Falloujah à l'est de Bagdad, l'EI se tourne vers de nouvelles cibles.
Quand il y a une perte de territoire ou que les capacités militaires sont très réduites, ces groupes commencent à s'attaquer à des « cibles molles » (de l'anglais « soft target »).
«C'est beaucoup plus facile de gagner quelque chose [en frappant des cibles faciles] et ensuite de pouvoir publier : "voici nous avons frappé un grand coup au cœur de l'ennemi".» - Stéphane Leman-Langlois, professeur à l'Université Laval
Le magazine de propagande de l'EI, Dabiq, est un bon exemple. « À ses débuts, la publication présentait de grandes victoires contre Bachar Al-Assad en Syrie et contre le gouvernement chiite en Irak », explique-t-il.
Depuis quelque temps, ces coups d'éclat se font rares et pour continuer de mousser son image, l'EI attaque des cibles molles pour prouver qu'il est bel et bien encore actif, relève le chercheur.
Le groupe armé État islamique est militairement sur la défensive et manque de financement en Syrie et en Irak, où il veut imposer son califat.
« Il semble y avoir un repli de faiblesse ou tactique temporaire, mais c'est très difficile à dire. On n'est pas de connexion dans les hautes sphères de l'EI », concède Stéphane Leman-Langlois.
Par contre, les groupes qui sont souvent en position de faiblesse vont beaucoup plus mettre l'accent sur des tactiques terroristes que sur des tactiques militaires.
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