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Les conseils de chercheurs qui ont traqué les soutiens de l'Etat Islamique sur Internet

Une équation mathématique pour traquer l'Etat Islamique sur Internet

Les attentats de Magnanville et d'Orlando rappellent à quel point les terroristes de l'Etat Islamique (EI) sont très difficiles à cerner, malgré les moyens mis en place par les services de renseignements.

Mais la science pourrait bien faciliter un peu ce travail. Des chercheurs de l'Université de Miami ont analysé pendant deux ans les soutiens de Daech sur Internet, et en ont tiré plusieurs analyses, dont une équation mathématique pour prédire le développement de ces groupes. L'étude est publiée le vendredi 17 juin dans la revue Science.

Pour traquer les soutiens de l'EI en ligne, l'équipe pluridisciplinaire a surveillé des mots-clés liés au califat dans différents langages. En remontant la piste, ils ont découvert 196 "agrégats" indépendants, soit des groupes de discussion se revendiquant de Daech, liés à 108 000 internautes. L'analyse a avant tout été menée sur le réseau social russe Vkontakte aux 350 millions d'utilisateurs, Facebook supprimant très rapidement ces groupes.

En rouge, les agrégats, en bleu, les individus

Ces agrégats ont été vérifiés par les chercheurs: ils citent des nouvelles officielles du califat, appellent au jihad ou encore discutent de détails opérationnels; comme le fait d'éviter les frappes de drone ou de faire passer de l'argent sur le territoire de l'EI.

Cibler les petits groupes en priorité

Les chercheurs ont alors essayé de prédire l'évolution de ces groupes en adaptant une équation mathématique régulièrement utilisée en physique et en chimie. Et le fait est que ça a marché. "C'était comme observer des cristaux se former. Nous étions capables de voir comment les gens se regroupaient autour de groupes, discutaient et partageaient l'information en temps réel", explique Neil Johnson, physicien et auteur principal de l'étude, dans un communiqué.

Plusieurs informations peuvent être tirées de cette analyse, qui, selon les auteurs, pourraient aider les gouvernements à lutter contre l'EI ou tout autre groupe extrémiste sur Internet. Il faudrait commencer par arrêter d'essayer de pister chaque individu suspect, mais se concentrer sur ces agrégats.

Par exemple, selon leurs calculs, le plus simple pour entraver le développement d'un énorme regroupement, ce n'est pas de cibler les groupes les plus suivis. Au contraire, il vaut mieux détruire les plus petits.

"Et comme il n'y a environ que 200 agrégats pro-EI en même temps selon notre expérience, les traquer est tout à fait possible", précise au HuffPost Stefan Wuchty, chercheur au département des sciences informatique de l'Université de Miami et co-auteur de l'étude.

Un modèle pour prévenir le futur EI?

Mais cela n'est pas simple, car ces groupes sont capables d'adaptations rapides et variées pour échapper à la fermeture. "Ces agrégats ont appris à s'adapter aux prédateurs qui cherchent à les fermer et ont développé de nouvelles formes d'adaptation comme la réincarnation", précise le chercheur. En effet, certains groupes vont même jusqu'à passer en privé quelques temps pour ensuite réapparaître sous un autre nom, mais sans avoir perdu ses abonnés.

Autre enseignement: les "loups solitaires" ne sont pas seuls très longtemps, "étant donné qu'ils participent à ces agrégats", précise Stefan Wuchty. Même si les auteurs admettent que suivre les actions d'une personne est très difficile, le suivi de ces groupes peut faciliter la tâche.

Enfin, ces comportements ne sont pas propres à l'Etat islamique et pourraient permettre de prédire l'émergence de groupes similaires, mais d'autres obédiences. D'ailleurs, les chercheurs ont remarqué que cette équation fonctionnait également avec des mouvements contestataires classiques. En parallèle, ils ont analysé les groupes liés aux protestations sociales au Brésil en 2014. L'équation fonctionnait également. Pour eux, il est donc possible d'utiliser ce modèle pour suivre n'importe quelle mobilisation sur internet.

"Nos conclusions ne s'appliquent pas qu'à l'exemple de l'EI, mais également à d'autres groupes avec des points de vue extrêmes: troubles civils, peut-être même des choses comme l'homophobie, etc", estime Stefan Wuchty. "C'est ainsi que les humains s'auto-organisent en ligne, un peu comme les poissons qui forment des groupes dans l'océan, le font dans tous les océans". Espérons que cette équation ne servira pas à des dictatures pour traquer les mouvements de rébellions.

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