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Encore trop mou, l'homme à la télévision québécoise?

Encore trop mou, l'homme à la télévision québécoise?
RADIO-CANADA/SPHÈRE MÉDIA PLUS/ÉCHO MÉDIA

En 1998, plusieurs comédiens, donc Luc Picard, ont dénoncé la représentation de l'homme québécois dans les téléromans, qu'ils jugeaient trop «faible». Qu'en est-il 18 ans plus tard? Discussion entre scénaristes.

Le cri du coeur des comédiens avait été entendu dans un reportage d'Enjeux diffusé sur les ondes de Radio-Canada, s'intitulant «Mou, perdant, torturé: l'homme dans les téléromans».

Luc Picard était monté aux barricades en dénonçant les rôles des hommes dans les téléséries. « On est un peu tanné de voir des gars, des images de gars faibles à la télévision, à côté d'espèces de femmes toutes-puissantes et sans aucun défaut, parfaites. Moi, en tout cas, j'en ai plein le cul de voir cela à la télévision », avait-il dit*.

Le reportage avait créé une commotion.

L'image de l'homme a-t-elle changé 18 ans plus tard?

«C'est sûr qu'après le féminisme, c'était normal que l'on déboulonne un peu le mythe de l'homme macho ou masculin. Il fallait redonner la place aux héroïnes», explique la scénariste Joanne Arseneau, qui a écrit notamment la série Le clan.

Selon Pierre Barrette, professeur à l'École des médias de l'UQAM, la représentation des personnages, et particulièrement des hommes, dans les différentes cultures télévisuelles est «le reflet de l'assurance identitaire de la nation».

Aux États-Unis, on ne doute pas beaucoup de soi-même, on ne doute pas beaucoup de ce que c'est un homme, on ne doute pas beaucoup de ce que c'est un héros.

- Pierre Barrette

« Je pense à des séries comme Breaking Bad, The Sopranos. Ce sont des personnages masculins qui, malgré des failles, malgré des difficultés, malgré des crises identitaires, restent des personnes très fortes et qui assument véritablement leur rôle d'homme », ajoute-t-il.

La scénariste Joanne Arseneau s'est justement inspirée de The Sopranos pour créer le héros masculin du Clan. « Ce que je voulais faire, c'était des héros, un cowboy, un poor lonesome cowboy », affirme-t-elle.

Diffusé sur les ondes de Radio-Canada l'automne passé, Le clan raconte l'histoire d'un délateur qui, bénéficiant du programme de protection des témoins, est contraint de changer d'identité et de se cacher dans un village du Québec.

Les Québécois s'affirment moins

Pierre Barrette estime que les Québécois sont moins sûrs de leur identité, ce qui se reflète, selon lui, dans la manière dont sont construits les personnages. «Des personnages qui doutent davantage, qui ont davantage de failles et qui sont un petit peu plus proches de cette réalité de l'intime qu'on n'assume pas nécessairement du côté des Américains», dit-il.

Le professeur a dirigé une thèse de doctorat sur la série québécoise 19-2. On y compare les versions québécoise et canadienne-anglaise.

Selon M. Barrette, la version québécoise de la série présente les faiblesses des hommes dans leur quotidien. En revanche, dans la version anglaise, «on est plus proche d'un modèle canonique d'héroïsme, du stéréotype de l'homme fort qui passe à travers ces situations-là sans trop s'en ressentir», ajoute-t-il.

Près de 20 ans après sa sortie contre les hommes faibles et perdants des téléséries, Luc Picard partage encore la vedette avec des femmes fortes, comme dans Blue Moon, la plus récente télésérie de Fabienne Larouche.

Selon le scénariste Jacques Davidst (Les Parent, Polytechnique), la question de la masculinité dans les téléséries au Québec n'a pas été assez abordée.

«On s'est beaucoup posé de questions sur la féminité. Les femmes sont prises dans le rapport au corps, la sexualisation et tout cela. Mais, ça fait en sorte que l'on ne s'est pas posé beaucoup de questions sur la masculinité et on la définit toujours en fonction de la féminité», raconte-t-il.

M. Davidst estime toutefois que le rôle des hommes à la télévision québécoise s'est complexifié. «Je pense que les hommes sont moins perdants, mais [ils ne] sont pas encore des gagnants», opine-t-il.

Regardez un extrait de l'émission Enjeux animée par Alain Gravel (1998):

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