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En publiant «La Bête et sa cage», David Goudreault frappe fort, très fort!

En publiant «La Bête et sa cage», David Goudreault frappe fort, très fort!
JF Dupuis

Dans le premier roman de David Goudreault, les lecteurs découvraient un bum obsédé à l’idée de retrouver sa mère, accroc aux drogues, à la crème post-masturbatoire, aux citations approximatives et aux crimes de fin de semaine. Déjoué par la vie, l’adulescent a vu l’une de ses frasques prendre une ampleur insoupçonnée en transformant le statut d’une vieille dame de « pas loin d’être morte » à « membre en règle des trépassés », le catapultant derechef dans l’aile psychiatrique d’un pénitencier. Un revirement qui a permis à son créateur de plonger son p’tit criss dans un univers chaotique d’une richesse littéraire infinie.

Bien que La Bête à sa mère ait connu un succès public et critique, récoltant le Grand Prix littéraire Archambault, une présélection pour le prix France Québec et un classement parmi les meilleurs romans québécois de 2015, on peut affirmer sans hésiter que La Bête et sa cage est encore meilleur : réflexions savoureuses, humour percutant, plume majestueuse et sens du rythme qui ferait envie à des auteurs maintes fois publiés. Comme si le slameur, poète et écrivain avait libéré son imaginaire.

« Je pense que l’expérience et le succès du premier roman m’ont carrément débridé. En sachant qu’il y avait un lectorat qui me suivait et qu’on donnait une valeur littéraire à ce que je faisais, j’ai compris que je pouvais aller plus loin dans l’intensité et m’amuser davantage. Je me suis donné le droit de me trouver drôle! »

Dans le deuxième tome, son personnage sans nom est toujours aussi menteur, raciste, homophobe, philosophe du dimanche, faussement cultivé, délinquant… et ô combien attachant, mais voilà qu’il se retrouve au cœur de l’univers carcéral, loin de tout ce qu’il connait à moitié et juge à temps plein.

« Mon personnage est un prisme génial sur ce monde dur et violent. Avec son regard absolument tordu, il m’a permis d’avoir un point de vue plus cru et plus drôle sur la prison. Les lecteurs connaissent plus ou moins la réalité du milieu, où ça consomme à fond, où ça se fait battre et ça se viole à tour de bras, mais je n’aurais pas pu leur balancer tout ça au visage sans passer par son regard décalé. Mon style plonge profondément dans l’horreur, mais j’offre des respirations aux lecteurs avec des touches d’humour, des clins d’œil, des aphorismes et un rythme particulier. »

L’auteur revendique tout de même une large part de réalisme dans sa mise en scène. « J’ai collaboré de près avec des agents correctionnels et d’ex-détenus. Ils m’ont dit que je faisais survenir beaucoup de choses en trois mois d’histoire, mais ils m’ont confirmé que ces événements pouvaient arriver sur un an. Il y a une quantité folle d’armes blanches, de drogues, d’agressions et de meurtres en prison. Quand on enferme des psychopathes et des criminels aguerris avec des agents qui manquent de formation et de moyens, c’est évident que ça va péter une fois de temps en temps. »

La loi du plus fort

Aux côtés de Bizoune, Molosse, Papillon, Timoune, Louis-Honoré, Pédo et Philippe le Philippin, notre petit « dur à cuire qui écoute du Francis Cabrel en cachette » n’a pourtant rien d’imposant : chétif de la musculature, agressé sexuellement à répétition et peu perspicace des jeux de pouvoir, il ne rêve pas moins de monter en grade et d’être chef de l’aile.

« Avec son trouble de personnalité diagnostiqué, son cerveau développe des pensées fausses, tordues et tendancieuses qui n’ont rien à voir avec le réel, mais qui sont nécessaires à sa survie. Il est si seul, malheureux et débordant d’un potentiel qui a été tué dans l’œuf qu’il a besoin de se faire croire qu’il a de la valeur. Après avoir été rejeté par sa famille, l’école et les services sociaux, il tente de trouver sa place en tant que criminel. »

Qualifiée de « bonbon pour les psychiatres » par son avocat, la Bête est pourtant convaincue de ne pas avoir sa place dans « l’aile des coucous ». « Il sait qu’il est très particulier, mais il n’a jamais intégré ses diagnostics. À travers les niaiseries qu’il peut dire, il a des flashs qui ont ben de l’allure une fois de temps en temps. Mais ça ne dure jamais… C’est un personnage à la fois caricatural et complexe. On ne peut pas le garder toujours dans la même case : on ne peut pas seulement le détester et le

Toujours aussi attachant dans sa volonté de retrouver sa mère, le garçon jette également son dévolu sur Édith, une agente correctionnelle d’une laideur proclamée, de qui il tombe amoureux avec la même fascination et le même refus de voir les faits que dans sa recherche maternelle.

« Il idéalise Édith avec le même processus psychologique qu’il le fait avec sa mère. Mais en plus de sa relation avec son agente, qui n’est pas au courant qu’elle est en couple, il cherche son père à travers Bizoune, le chef de l’aile : un modèle absolument inadéquat. C’est un jeune qui a un besoin très humain de retrouver un lien familial, mais qui manque d’humanité dans ses moyens pour le combler.

Dès les premières pages, l’écrivain laisse d’ailleurs planer le mystère autour d’un acte répréhensible, alors que son personnage, confiné à l’isolement, évoque un meurtre qu’il aurait commis.

« J’avais envie d’installer un suspense pour attiser la curiosité des lecteurs. Je voulais qu’ils aient du fun et qu’ils embarquent dans mon univers, mais c’est un piège! L’intrigue principale n’est pas le meurtre, mais la relation avec l’agente correctionnelle. Je voulais voir jusqu’où il était prêt à aller pour combler sa soif d’amour et de reconnaissance… »

La Bête au cinéma

En janvier dernier, on apprenait que la Bête aurait une deuxième vie au cinéma puisque le réalisateur Simon Sauvé travaille à l’adaptation du premier tome, dont l’action se déroule à Sherbrooke. « On va bientôt entrer dans une période de repérage des lieux de tournage en Estrie et on discute de la distribution. C’est un gros défi de trouver le bon acteur pour jouer la Bête. Il faut que ce soit une personnalité particulière qui déchire l’écran! »

En plus de contribuer aux savoureux dialogues de l’adaptation cinématographique de son premier roman, David Goudreault réfléchit actuellement au troisième et dernier tome de la série. « Je veux que ce soit une grande finale! Tout ce que je peux dire pour l’instant, c’est qu’il y aura une cavale, après une évasion. Il tentera encore de trouver la mère et l’amour, mais avec une alliée : une prostituée d’expérience, édentée, mais sympathique, qui va l’initier au proxénétisme! »

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