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Autobus, métro: «On est entassés comme des bêtes» (VIDÉO)

Autobus, métro: «On est entassés comme des bêtes» (VIDÉO)

Des métros bondés, où il n'y a plus de place pour monter. Des autobus trop pleins qui ne s'arrêtent même plus. Les passagers et les chauffeurs de la Société de transport de Montréal dénoncent de plus en plus l'entassement qu'ils subissent. Mais quelle est l'ampleur du phénomène ?

Un reportage de Thomas Gerbet et Sophie Vallée

Lundi après-midi, rue Jean-Talon Est. Une mère et sa fille grelottent. Elles attendent l'autobus dans le froid depuis vingt-cinq minutes. Le 141 passe devant elle sans s'arrêter. « C'est habituel », raconte la mère. « On doit régulièrement en laisser passer deux ou trois ».

Mardi matin, rue L'Assomption. Béatrice Laporte-Roy attend en ligne depuis près de 15 minutes l'arrivée de l'autobus 131. Malheureusement, les portes se referment avant qu'elle puisse monter. Le véhicule est maintenant plein jusqu'aux portes. « C'est assez fréquent », raconte-t-elle. « Soit l'autobus ne passe pas, soit il ne réussit pas à embarquer tout le monde, ce qui veut dire qu'aux arrêts suivants, il va passer tout droit, car il ne peut plus prendre personne ».

« C'est un facteur de stress énorme avant d'aller travailler. Est-ce qu'on va pouvoir prendre notre transport, est-ce qu'on va arriver à l'heure ? »

— Lamia Salhi, usagère de la ligne 18 Beaubien.

Lamia Salhi en a assez. Dès le deuxième arrêt de la ligne 18, sur Beaubien, l'autobus est rempli. « On est entassés comme des bêtes. (...) Bientôt, on va faire comme en Inde et s'installer sur le toit », ironise-t-elle. « C'est devenu insupportable », surtout depuis deux ans, constate-t-elle.

Moins d'autobus, plus de passagers

Depuis 2012, les kilomètres parcourus par les autobus diminuent année après année, ce qui veut dire qu'ils sont moins présents dans les rues, alors que dans le même temps le nombre d'usagers transportés par la STM augmente continuellement.

En 2016, près du quart de la flotte vieillissante d'autobus est constamment en réparation et donc indisponible. La flotte de véhicules pour 2016 compte par ailleurs deux véhicules de moins qu'en 2015. selon le programme triennal d'immobilisation de la Société de transport de Montréal.

Un document démontre l'ampleur du phénomène de l'entassement

À chaque fois qu'un autobus est trop plein pour prendre de nouveaux passagers, les chauffeurs sont censés en informer à leur employeur. Nous avons obtenu un document de la STM qui recense tous les épisodes de surcharge pour les quatre premiers jours de février.

Les chauffeurs qui ont pris le temps de le faire en ont signalé 170. Il s'agit là de la pointe visible de l'iceberg, car la plupart des chauffeurs que nous avons interrogés nous ont confié ne même plus faire ces déclarations, tellement le problème est devenu commun.

Selon ce document, une dizaine de lignes vivent la situation plusieurs fois par jour, surtout la 51 Edouard-Montpetit, la 18 Beaubien et la 141 Jean-Talon. Voici les pires.

L'association Transport 2000, qui représente les usagers, constate davantage de signalements d'usagers au sujet de l'entassement. Les chauffeurs s'en plaignent aussi de plus en plus.

« Souvent, sur la ligne 24 Sherbrooke, je suis pleine après trois arrêts », raconte une chauffeuse. « Quand les usagers sont en colère, ils chialent sur nous, mais on n'y est pour rien », déplore un autre. Des chauffeurs font aussi remarquer que les horaires affichés ne correspondent pas à la réalité. Plusieurs ne partent pas et il suffit que l'un manque pour engorger le suivant.

« Ça augmente, on laisse plus de gens dehors qu'auparavant. (...) Les usagers ne se plaignent pas assez [à la STM], et quand ils se plaignent, ils ne sont pas écoutés. »

— Renato Carlone, président du Syndicat des chauffeurs d'autobus, opérateurs de métro et services connexes.

« Ça crée du stress, des commentaires négatifs, des agressions, du burnout, de l'absentéisme, des accidents, des contraventions... », évoque le président du syndicat. Il s'agit là d'un cercle vicieux puisque les absences ne sont pas toujours remplacées, ce qui retire des autobus de la circulation et donc des entassements et des retards.

Danger pour la vision du chauffeur

La passagère Lamia Salhi estime qu'entasser les passagers à la droite du chauffeur est risqué : « il pourrait ne pas voir un cycliste passer ». Le syndicat fait la même analyse. Les passagers cachent la porte vitrée à l'avant et le rétroviseur. Renato Carlone lance un appel au maire Denis Coderre : « débloquez des fonds, ajoutez des autobus ».

Même problème dans le métro

« La semaine dernière, j'en ai laissé passer trois [métros] avant de pouvoir monter », reconnaissait lui-même le président de la STM Philippe Schnobb lors d'une entrevue en octobre dernier où il était invité à expliquer les retards et le manque d'autobus.

La ligne orange est la plus touchée selon la STM, mais la verte n'a rien à lui envier. Dès le premier métro du matin, à 5h37, station Pie-IX, nous avons constaté que les passagers sont serrés les uns contre les autres.

« Pour la première fois, depuis 15 ans que j'utilise le transport en commun, je suis en train de réfléchir à prendre une voiture pour me rendre au travail. »

— Lamia Salhi, usagère de la STM.

La STM possède des données sur l'entassement, mais elle n'a pas été en mesure de nous en dévoiler l'évolution. La porte-parole Amélie Régis reconnaît ce problème sur certaines lignes et à certains moments de la journée. Elle assure que plusieurs ajouts technologiques vont permettre d'améliorer la situation.

« En 2016, on va avoir des compteurs passagers sur tous nos bus, une nouveauté, ce qui va nous permettre de mieux planifier en amont le service, les horaires, la fréquence... On va avoir une analyse plus fine de l'achalandage pour ajuster le service là où c'est vraiment nécessaire », explique Amélie Régis. Actuellement seuls 20 % des bus ont de tels compteurs.

« Quand les gens constatent des problématiques particulières, on les invite à porter plainte à la STM parce que quand on fait nos analyses des besoins, on se base aussi sur les plaintes qu'on a reçues. »

— Amélie Régis, porte-parole de la STM

La STM promet « des actions ciblées », « chirurgicales ». Cet automne, un train a été ajouté à l'heure de pointe sur la ligne orange et un autre sur la ligne verte. La porte-parole mentionne aussi la nouvelle application Ibus qui permettra plus tard cette année de savoir où se situe chaque bus sur le territoire en temps réel. « Ça va nous permettre de mieux réguler le service et d'ajuster le service lorsque ce sera nécessaire. »

Projet pilote pour faire monter les passagers par-derrière

Inspirées de ce qui se fait dans d'autres grandes villes, la STM testera ce printemps sur une ligne la possibilité de laisser monter les usagers par les portes du milieu et de derrière. L'autorisation sera limitée aux détenteurs de titres illimité, mensuel et hebdomadaire. Le syndicat des chauffeurs se dit inquiet de l'idée en raison des risques de sécurité et de fraude.

Des exemples ailleurs

Au Réseau de transport de Longueuil, les chauffeurs constatent des problèmes de surcharge depuis environ deux ans. Les lignes 1, 32, 77, 78 et 132 doivent régulièrement refuser des passagers faute de place, selon le syndicat.

Certains trains de banlieue sont pleins à craquer à l'heure de pointe, c'est le cas notamment de la ligne Deux-Montagnes ou encore celle de Candiac.

Les passagers sont de plus en plus nombreux dans les autocars vers le terminus d'autobus Bonaventure. Sur plusieurs lignes, en provenance de la Rive-Sud, ils voyagent debout dans l'allée centrale pendant plus d'une demi-heure. La réglementation autorise un passager debout dans un autocar pour chaque rangée de quatre sièges. La situation serait particulièrement difficile au CIT Chamby-Richelieu-Carignan.

Voir aussi:

PARTIE 1: LE RÉSEAU D'AUTOBUS

Dans les coulisses du transport en commun montréalais