Il manque plus de 25 000 minorités visibles dans les organismes publics du Québec
Il manque plus de 25 000 minorités visibles dans les organismes publics du Québec
Radio-Canada.ca— RCQC
Les minorités visibles sont encore trop rares parmi les employés du secteur public québécois. Une compilation de Radio-Canada parmi les données de 500 organismes employant plus de 600 000 travailleurs permet de mesurer le retard accumulé par plusieurs institutions dans l'embauche de personnes de couleur.
Une enquête de Thomas Gerbet
La Société des alcools du Québec ne compte que 38 minorités visibles parmi ses quelque 6 000 employés. À Hydro-Québec, il n'y a que 312 personnes de couleur sur un effectif de plus de 20 000.
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Les exemples ne manquent pas pour démontrer la sous-représentation de ces personnes dans le secteur public québécois. La province emploie en moyenne 5 % de minorités visibles alors qu'elles comptent pour 11 % de la population.
La place des minorités fait couler beaucoup d'encre ces derniers jours. La cérémonie des Oscars est menacée de boycott aux États-Unis, en raison de l'absence d'acteurs noirs parmi les finalistes. À Montréal, des personnalités politiques ont dénoncé cette semaine la présence de seulement quatre élus de couleur sur un total de 103.
Nous avons analysé des milliers de données publiées par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) en décembre 2014. La Commission a la responsabilité de fixer des cibles d'emploi des minorités pour chaque organisme public en fonction de différents critères comme la région ou la disponibilité de la main-d'oeuvre dans le domaine.
Hydro Québec devrait recruter plus de 1 000 minorités visibles pour atteindre sa cible. La SAQ devrait en embaucher 9 fois plus qu'actuellement. La Commission scolaire des Patriotes, en Montérégie, fait aussi figure de mauvais élève. Elle n'emploie que 12 personnes de minorités visibles alors qu'elle devrait en compter 584, selon la cible fixée par la CDPDJ.
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Définition
Les minorités visibles sont toutes les personnes qui n'ont pas la peau blanche. Au Québec, les principaux groupes représentés sont les Noirs, suivis des Arabes, des Latinos-Américains, puis des Sud-Asiatiques. Les Autochtones ne sont pas comptabilisés comme des minorités visibles.
La Commission des droits de la personne n'a pas le pouvoir de forcer les organismes à respecter les cibles. Elle les accompagne dans la mise en place de programmes d'accès à l'égalité en matière d'emploi. Ultimement, elle pourrait toutefois déposer une plainte devant le Tribunal des droits de la personne contre un organisme qui ne fait aucun effort.
Notre compilation démontre qu'il manque près de 25 837 minorités visibles dans les organismes publics québécois et des centaines d'autres dans les ministères. Les données analysées sont un portrait de la situation entre 2010 et 2013. Il s'agit des chiffres les plus récents disponibles. La situation actuelle peut avoir évolué depuis.
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La Société de transport de Montréal (STM) est un modèle d'ouverture aux minorités visibles avec 17 % de ses effectifs qui sont des personnes de couleur, soit 1673 employés sur 9786. De plus petits organismes, comme le CHSLD Château Westmount, sont aussi parvenus à respecter en totalité leurs cibles. Sur un effectif de 157 personnes, le Centre emploie 100 personnes issues de minorités visibles.
Sur les 50 organismes qui comptent la plus grande part de minorités visibles, 48 sont sur l'île de Montréal. La région métropolitaine de recensement compte 20,3 % de personnes de couleur dans la population.
Les villes
À la Ville de Montréal, 6 % des employés sont des minorités visibles. La municipalité fait partie des celles qui ont fait le plus d'effort. Il lui reste toutefois à ajouter 674 personnes de couleur aux 1584 qu'elle a déjà embauchées.
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Québec, la capitale, a encore du travail à faire pour embaucher des minorités visibles. Sa cible n'est atteinte qu'à 30 %. Elle compte 30 personnes issues de minorités visibles parmi ses quelque 6000 fonctionnaires. Il lui en faudrait 98 selon la Commission des droits de la personne. Laval et Longueuil ont aussi du chemin à faire. La première n'emploie que 24 personnes de couleur sur une recommandation de 187. Longueuil en a 44 sur 193.
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À une plus petite échelle, Saguenay emploie une seule minorité visible alors qu'elle devrait en compter 8 parmi ses 1248 fonctionnaires. Boucherville, Saint-Jérôme ou encore Repentigny n'emploient aucune personne de couleur, alors qu'elles devraient en compter respectivement 15, 30 et 33. À noter que certaines municipalités n'ont pas à employer de minorités visibles, selon la Commission. C'est le cas par exemple de Shawinigan, Rimouski ou encore Rouyn-Noranda.
Milieu de la santé
Parmi les établissements de santé de la province, c'est sans surprise l'Hôpital chinois de Montréal qui comptent la plus forte proportion de minorités visibles : 196 de ses 243 employés. Les hôpitaux St Mary's, Maisonneuve-Rosemont, Sacré-Coeur ou encore le CHUM ont atteint entre trois quarts et la totalité de leurs cibles.
De l'autre côté du spectre, le Centre universitaire de santé McGill (CUSM) devrait faire travailler deux fois plus de minorités visibles qu'actuellement. Le CHU de Québec est encore plus en retard avec 66 personnes de couleur à l'emploie au lieu d'une recommandation de 239. Même chose pour le CSSS de Laval (260 au lieu de 903).
Les commissions scolaires
La palme de l'effort revient à la Commission scolaire de Montréal. Avec 2381 minorités visibles sur près de 17 000 employés, elle a presque atteint sa cible. À noter que les efforts ne sont pas visibles que dans la région de Montréal. La Commission scolaire René-Lévesque, en Gaspésie, est la deuxième de la province la plus près de son objectif. Sur un effectif de 1246 personnes, elle emploie 59 minorités visibles sur une recommandation de 75.
La commission scolaire des Patriotes, en Montérégie, est un très mauvais élève. Elle n'emploie que 12 minorités visibles alors qu'elle devrait en compter 584. Toujours en Montérégie, la Commission scolaire de la Vallée-des-Tisserands n'emploie que deux personnes de couleur au lieu de 165.
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Six commissions scolaires n'emploient aucune minorité visible alors qu'elles devraient en avoir. Il s'agit des commissions scolaires de la Moyenne-Côte-Nord (devrait compter cinq employés de couleurs), des Îles (10), du Fleuve-et-des-Lacs (22), Harricana (23), des Chic-Chocs (25) et des Appalaches (26).
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Les cégeps et collèges
Les cégeps et les collèges font pâle figure. Outre les collèges Vanier, Dawson et LaSalle qui ont atteint les trois quarts de leurs cibles, la vaste majorité des établissements ne dépasse pas la moitié de l'objectif, voire s'en trouve très loin. Le Cégep du Vieux-Montréal, par exemple, emploie 17 personnes de couleur alors qu'il devrait en compter 85 dans ses rangs. Le Cégep de Sherbrooke doit encore recruter 100 minorités visibles. Il n'a pas encore atteint 10 % de sa cible. Parmi les autres mauvais élèves : le Cégep de Jonquière n'emploie aucune personne de couleur alors qu'il devrait en compter 39.
La police
Selon les données de la Commission des droits de la personne, la Sûreté du Québec n'emploie que 26 minorités visibles sur un effectif total de 5732 personnes, soit environ 2 %. Leur proportion est même en baisse. La SQ devrait au moins multiplier par cinq le nombre d'employés de couleur pour respecter sa cible.
Les données pour les corps de police municipaux ne sont pas disponibles, car elles sont englobées dans le total des villes. La Commission devrait publier dans les prochains mois des chiffres plus détaillés.
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Le Service de police de la Ville de Montréal a mis en place un programme baptisé « policiers conventionnels » qui vise à recruter des policiers autochtones ou issus de minorités visibles ou ethniques qui n'ont pas suivi une formation en techniques policières. Il a pour objectif de « promouvoir l'accès à l'égalité afin de favoriser une meilleure représentativité de la population montréalaise au sein du personnel du SPVM ».
La fonction publique provinciale
Le Programme d'accès à l'égalité de la fonction publique pour les membres des communautés culturelles vise un taux de représentativité de 9 % au sein de l'effectif régulier. C'est le Secrétariat du Conseil du Trésor qui a la responsabilité de s'assurer que l'objectif est respecté. Le terme « minorités culturelles » regroupe les minorités visibles et les minorités ethniques (dont la langue maternelle n'est ni le français ni l'anglais).
« Le gouvernement du Québec croit primordial de profiter de toute la richesse que peuvent apporter des gens de cultures différentes par leur travail au sein de la fonction publique québécoise. »
— Extrait du site web du Conseil du Trésor.
En mars 2015, il y avait 8,4 % de minorités culturelles au sein de la fonction publique provinciale. Le Conseil du Trésor n'a pas été en mesure de nous fournir des détails pour chaque ministère. Par des recoupements, nous avons été en mesure d'établir la part des minorités visibles dans la fonction publique à environ 5 %.
Dans un rapport publié en 2013, le Conseil du Trésor constatait que seulement 20 % des ministères et organismes avaient conçu du matériel spécial pour l'accueil, l'intégration et le maintien en emploi des membres des groupes cibles au sein de leur organisation.
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Par ailleurs, la part d'anglophones dans la fonction publique est de 1 %, pour les Autochtones, elle est de 0,6 %, et pour les personnes handicapées, de 1,4 %. Selon l'article 3 de la Loi sur la fonction publique, l'effectif des ministères et des organismes doit refléter la composition de la société québécoise.
Le secteur privé
Difficile d'avoir des chiffres, car les entreprises ne sont pas tenues de les dévoiler. La Commission des droits de la personne demande d'ailleurs que les compagnies privées soient obligées de se doter d'un programme d'accès à l'égalité en emploi, comme dans le secteur public.
Voir aussi:
Les 14 emplois avec le meilleur équilibre travail-famille
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