Les histoires d’amour en maison de retraite sont plutôt rares. Nous avons réussi à rencontrer un couple qui s’est connu à la Maison urbaine de Papineau. Ils ont 83 ans et ils s’aiment comme s’ils avaient 20 ans!
René Routhier et Rita Desrochers vivent en maison de retraite, à Montréal. Ils s’aiment. Pas depuis très longtemps, mais ils s’aiment très fort. Il y a trois ans, Rita s’installe à la Maison urbaine de Papineau. Divorcée et célibataire. René, lui, est doublement veuf depuis quelques années. C’est au fumoir qu’ils se rencontrent. «On a commencé à jaser tous les deux, à se faire des petites farces», se souvient Rita, 84 ans. Quand elle raconte leur rencontre, René, 83 ans, ne la quitte pas des yeux. Il sourit, assis dans son fauteuil. «Les autres le taquinaient un peu, alors une fois j’ai dit «Arrêter d’embêter mon chum!». De temps en temps, ils se voient pour déjeuner ensemble. Même si Rita affirme que c’est plutôt elle qui a joué le jeu de la séduction, c’est René qui a fait le premier pas, celui du bisou : «Un jour, il m’a embrassé, ça ne m’a pas surpris, je me demandais justement s’il allait se décider», lance-t-elle en riant, tandis qu’il lui prend délicatement la main.
«Quand ma femme est morte, je n’avais aucune envie de rencontrer quelqu’un, c’est lorsque je suis arrivé ici et que j’ai vu Rita que cela a changé. Elle était toujours bien habillée, j’aime les femmes élégantes. Je trouvais qu’elle avait des choses à dire, qu’elle ne se laissait pas faire». Ce caractère bien trempé l’a fait chavirer alors qu’elle aussi n’imaginait pas tomber amoureuse à cet âge-là. En femme indépendante, elle assure : «J’avais fait une croix dessus, j’étais bien toute seule». Aujourd’hui, ils avouent tous les deux combien leur relation leur apporte. Une relation différente de celle qu’on peut avoir avec un ami. «On peut se parler plus honnêtement, on peut vraiment compter sur l’autre», explique René. Rita se souvient : «Un jour, il est tombé malade, je l’ai accompagné à l’hôpital, je suis restée toute la journée avec lui, j’avais peur». Mais comme tous les couples, il arrive aussi que des petits différends éclatent. «On se chicane parfois, mais c’est parce que j’aimerais qu’il me donne plus souvent raison. Comme on n’est pas rancuniers, cela ne dure pas très longtemps», explique la vieille dame.
Leur amour s’ancre désormais dans le quotidien. Tous les matins, René cogne à la porte de Rita, lui enfile ses pantoufles, l’embrasse, et lui dit «je t’aime». Le couple a choisi de ne pas vivre dans la même chambre. «Oh, il ronfle! Et moi je veux dormir tranquille», lâche Rita en posant son regard sur son homme. Mais René voulait se rapprocher de sa douce et a fait une demande au directeur. Très vite, ils ont obtenu deux logements côte à côte qui communiquent par la porte de la salle de bain. Leur relation, Rita la qualifie de «différente des amours de jeunesse, on ne se dit plus vraiment que c’est pour la vie, on en est déjà presque à la fin!». Lucide, et en paix avec le temps qui passe, elle ajoute, sans complexe : «Et puis on ne couche pas ensemble. C’est tentant, mais on est trop vieux. Alors on se fait des câlins, on s’embrasse, et on se dit tout le temps qu’on s’aime». René ajoute : «Il n’y a pas d’âge pour s’aimer».
D’ailleurs, de temps en temps, il ne manque pas d’offrir à Rita un cadeau. Elle montre fièrement la perle sertie de diamant autour de son cou : «C’est moi qui l’aie choisie!» Sur une table basse, une grande carte y est posée. On peut y lire «Ma compagne, mon amour». À l’intérieur, un texte imprimé en rose qui évoque les sentiments de René pour Rita : «Une chose n’a pas changé, tu arrives encore à me couper le souffle», dit-il. C’est signé «ton amoureux qui t’aime beaucoup». Comme une carte qu’il aurait pu lui envoyer à 20 ans.
