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«Souviens-toi» d'Atom Egoyan: un devoir de mémoire (ENTREVUE/PHOTOS)

«Souviens-toi» d'Atom Egoyan: un devoir de mémoire (ENTREVUE/PHOTOS)

Seulement un an après The Captive, Atom Egoyan nous revient avec Souviens-toi, un thriller mettant cette fois en scène un survivant de l’holocauste qui se met à la poursuite de son bourreau nazi pour venger sa famille. L’affiche du film, dans nos salles depuis vendredi, réunit deux icônes du cinéma, Christopher Plummer et Martin Landau. Entrevue.

«Souviens-toi» d’Atom Egoyan

On rencontre Atom Egoyan dans le restaurant d’un hôtel du centre-ville de Montréal. Malgré une belle journée d’automne ensoleillée, le réalisateur canadien garde le visage grave et sombre. Et pour cause, son nouvel opus est ancré dans les traumatismes de l’holocauste. Un sujet qui demeure délicat à aborder, même pour un cinéaste habitué à creuser dans les méandres de l’âme humaine.

«Quand j’ai reçu dans les mains l’incroyable scénario de Benjamin August, j’ai tout de suite su que j’allais réaliser le film, explique-t-il. Je ne pouvais pas passer à côté de cette histoire, celle de Zev, un rescapé de la "Solution finale" qui souffre de démence et qui pourtant est convaincu d’avoir trouvé l’ancien nazi qui a tué ses proches à Auschwitz. Il décide de partir à sa poursuite, mais l'homme âgé oublie à chaque fois sa mission.»

Egoyan a rapidement pensé à Christopher Plummer pour incarner le pauvre héros. «Je n’avais jamais vu auparavant un tel personnage au grand écran. Il me paraissait unique, d’autant plus que j’avais là l’occasion de faire le portrait plutôt simple d’une figure tourmentée. Et puis est arrivé comme une évidence le visage de Christopher Plummer.»

Les méchants, Martin Landau connaît cela pour en avoir interprété un certain nombre durant sa riche carrière. «Je pensais qu’il allait refuser le rôle, ajoute le cinéaste. Au contraire, il a accepté l’offre en m’expliquant qu’il n’avait jamais campé un personnage aussi complexe.»

Une question de justice

Pour le réalisateur d’Ararat, il y a urgence de se pencher sur l’héritage des survivants de l'holocauste. «Mon film s’attarde sur les derniers d’entre eux d’une façon très réaliste. Dans cinq ans, ils ne seront plus là pour témoigner. Tout cela ne sera bientôt plus que de la théorie. Je suis d’origine arménienne et mon peuple a également vécu un génocide que beaucoup de pays ont du mal à reconnaître. C’est un sujet qui me concerne aussi puisqu’il vient me toucher en plein cœur. C’est une question de justice.»

La filmographie catharsistique du Torontois est souvent peuplée de figures perdues qui doivent survivre malgré les catastrophes du passé. «Oui, c’est récurrent, avoue-t-il. Mais j’essaye toujours d’ajouter à mes longs métrages une dose de mystère. C’est de nouveau le cas avec ma dernière œuvre. Au fond, la question de savoir qui sont réellement les personnages est une notion très importante, car elle dépasse l'anecdote.»

Souviens-toi (Remember en version originale) a été sélectionné à la dernière Mostra de Venise, un soulagement pour le réalisateur de 55 ans qui n’a pas voulu que son film se retrouve à Cannes après une expérience «traumatisante» vécue en 2014 et qui a presque virée au cauchemar.

«Le Festival de Cannes est aujourd’hui devenu une manifestation très violente, lance-t-il. Mon précédent long métrage, The Captive, a été descendu par la critique. J’ai toujours respecté ceux qui n’aiment pas mes films, mais j’ai senti là-bas un acharnement qui allait plus loin que le simple désaccord, presque un plaisir viscéral et malsain de pouvoir bousiller mon travail.»

Des réactions radicales qui représentent le symptôme d’un mal plus profond selon lui. «Les nouvelles technologies poussent les soi-disant faiseurs d’opinions à la mise à mort des artistes. On ne prend plus le temps de réfléchir sur une œuvre. L’important pour eux, c’est d’accaparer coûte que coûte l’attention. En ce qui me concerne, je demeure très fier de mon film même s’ils ont tout fait pour le détruire.»

Souviens-toi (Remember) – Thriller – Les Films Séville – 95 minutes – Sortie en salles le 23 octobre 2015 – Canada.

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