L’Arctique abrite certains des derniers lieux réellement sauvages de la planète. Le Svalbard, un archipel de la Norvège situé à la rencontre de l'océan Arctique et de l'océan Atlantique, en fait partie. Une destination de prédilection pour les amants de l’espace, de l’aventure et de la faune sauvage.
3°C ce matin. Tout est calme autour de nous en ce début août. Lové dans une baie de l’archipel des sept îles dans l’extrême nord du Svalbard, je regarde du bateau un groupe de morses à la jumelle. Depuis que nous sommes partis il y a environ une semaine, c’est le groupe le plus important que j’ai pu observer. Ils sont une quarantaine sur cette plage du bout du monde et d’autres arrivent régulièrement du large à leur rencontre. Après avoir mis un zodiac à l’eau, je me dirige lentement vers eux. Soudain, un groupe d’une dizaine resté à proximité de la côte se dirige droit vers moi en élevant très haut la tête au-dessus des eaux pour mieux m’identifier. Leur vitesse et leur agilité sont surprenantes et je préfère largement m’écarter sans savoir si ces jeunes s’approchent plus par curiosité que par agressivité.
Quelques heures plus tard, mon embarcation glisse au ralenti sur les eaux limpides de l’océan Arctique dans une magnifique petite baie protégée par une falaise où une colonie de mouettes tridactyles a élu domicile pour l’été. Un petit éclair noir passe dans une plaque de toundra verdoyante en contre bas de cette concentration d’oiseaux. Ce renard arctique emporte avec lui dans sa course un oisillon de l’année probablement laissé un instant sans la surveillance de ses parents.
Je ne me lasse pas de respirer l’air revigorant de cet endroit et de scruter les fonds à travers l’eau claire et glacée. Le pressentiment d’une présence derrière moi me force cependant à jeter un œil par-dessus mon épaule. Un ours polaire est là, placide, et me fixe calmement à partir d’un petit promontoire rocheux où il est allongé. Il ne bouge pas. Moi non plus. Nous nous observons longuement sans crainte.
Quelques jours plus tard, après avoir quitté ce petit archipel en direction du nord, le brouillard s’installe alors que les premières plaques de glaces dérivantes de la banquise arctique viennent se heurter à la coque du navire. La température chute à 0°C. Le bateau s’arrête de lui-même. Bloqué par les glaces. La lumière solaire perce sporadiquement la nappe de brume et nous révèle la féerie de l’environnement qui nous entoure. Vision irréelle de la beauté arctique ici à son paroxysme. Un ours polaire en chasse vient nous saluer une dernière fois de sa grâce, dans la splendeur des glaces, sur le toit du monde.
Localisation de l'archipel:
Benjamin Dy est biologiste et photographe de faune sauvage.