Dans un communiqué publié vendredi après-midi, le Comité olympique canadien (COC) affirme que les allégations de harcèlement sexuel publiées dans les médias au sujet de son président Marcel Aubut sont « extrêmement dérangeantes ».
« Nous étendons notre enquête pour examiner complètement les plaintes, formelles ou autres, qui sont portées à notre attention », poursuit le COC, sans donner plus de détails.
« Nous encourageons toute personne ayant une préoccupation de communiquer avec le COC. »
— Extrait du communiqué du COC
Le Comité olympique canadien assure qu'il a des « politiques claires » concernant le harcèlement en milieu de travail, et qu'il va examiner « tous les moyens possibles » pour continuer d'offrir un « environnement de travail sain et sécuritaire » pour tous ses employés.
« Nous sommes très préoccupés par les allégations qui ont été faites et sur le bien-être de ceux qui pourraient être affectés. Nous nous engageons à prendre toutes les mesures nécessaires à la suite des conclusions de M. Rolland ou de toute autre conclusion. »
Le COC a annoncé plus tôt cette semaine que l'ex-juge en chef de la Cour supérieure du Québec François Rolland, va diriger l'enquête concernant M. Aubut. Ce dernier a déjà fait savoir qu'il compte coopérer « pleinement » avec lui. Il a quitté ses fonctions en attendant le résultat de l'enquête.
D'ex-médaillées olympiques pressent le COC de faire vite
Plus tôt dans la journée, deux anciennes médaillées d'or des Jeux olympiques, Sylvie Fréchette et Sylvie Bernier, ont déclaré à Radio-Canada que le COC doit agir rapidement pour faire la lumière sur ces allégations visant Marcel Aubut.
« C'est une situation très délicate », a commenté Mme Bernier dans le cadre de sa chronique à l'émission Gravel le matin. « Tout le monde espère que ça se règle rapidement. »
Médaillée d'or en plongeon aux Jeux olympiques de Los Angeles en 1984, Sylvie Bernier dit n'avoir rien constaté de répréhensible dans le comportement de M. Aubut, qu'elle a côtoyé plus particulièrement au cours des dernières années.
« Marcel, c'est Marcel. Tout le monde le connaît. C'est un homme qui aime les femmes. Comme plusieurs », a laissé tomber celle qui a aussi été chef de mission de la délégation canadienne lors des JO de Pékin en 2008, puis chef de mission adjointe pour ceux de Londres en 2012.
« Personnellement, je n'ai jamais rien vécu... Je peux difficilement parler pour les autres », a-t-elle ajouté, en évoquant une « situation très délicate ».
Mme Bernier assure cependant qu'il importe de préconiser une politique de « Tolérance zéro » en matière d'inconduite sexuelle. Selon elle, la plaignante dans le dossier en cour vit vraisemblablement « une problématique au quotidien » pour agir de la sorte.
« Ça prend du courage [...] pour se lever et dénoncer une situation qui doit l'être. Faut être là pour soutenir ces femmes-là. »
— Sylvie Bernier
« Je ne peux pas vous cacher qu'il y a un malaise [au sein du COC] », a-t-elle ajouté lorsqu'elle a été interrogée au sujet d'une lettre que le COC a envoyée à Marcel Aubut en 2011 pour le mettre en garde contre des comportements inappropriés.
Selon Sylvie Bernier, cette lettre dévoilée vendredi par le quotidien La Presse montre que le COC « a réagi » dans un premier temps, mais seule l'enquête du juge François Rolland pourra permettre de jeter un nouvel éclairage sur ce qui s'est passé depuis ce temps.
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Que les victimes se lèvent, dit Sylvie Fréchette
« Pour moi, c'est une situation qui est tolérance zéro », affirme pour sa part Sylvie Fréchette dans une entrevue accordée à RDI matin. « S'il y a des victimes, faut se lever et il faut parler. Mais en même temps, j'ai vraiment hâte qu'on puisse garder le focus sur nos athlètes. »
« Quand on pense aux Jeux olympiques, c'est d'être bien, c'est d'être à son meilleur, c'est de respecter les règles », fait remarquer la médaillée d'or en nage synchronisée des JO de Barcelone, en 1992.
« Donc, on n'a pas le choix. Si on veut juste respecter la raison d'être du COC, on se doit d'être droit [...] on se doit d'être respectueux envers tous. Donc pour moi, c'est la meilleure des choses qui puissent se faire pour qu'on puisse blanchir ou aller au fond des choses. »
— Sylvie Fréchette
Mme Fréchette, qui a été remplacée par Sylvie Bernier comme chef de mission adjointe de la délégation canadienne aux JO de Londres, dit être « abasourdie » par les révélations des derniers jours, qu'elle dit avoir reçues comme « une claque en plein visage ».
« Juste cet ombrage, ça fouette complètement », souligne-t-elle, en rappelant tout de même que M. Aubut, dont elle souligne l'importante contribution pour le développement du COC, ne fait face à aucune accusation pour le moment. « J'ai tellement hâte que ce soit fini ».
Nathalie Lambert craint l'impact à long terme
L'ex-championne olympique en patinage de vitesse courte piste Nathalie Lambert dit avoir qu'elle a accueilli les allégations contre Marcel Aubut avec « beaucoup de tristesse [...] pour le COC, pour tous les amis que j'ai là, pour tous les athlètes, pour tout le milieu du sport amateur ».
Celle qui a aussi été chef de mission lors des J.O. de Vancouver en 2010 ne croit cependant pas que les athlètes vont subir des contrecoups à court terme. « Les athlètes en préparation sont extrêmement bien encadrés et sont dans une espèce de petite bulle de concentration », note-t-elle.
« Par contre, ça peut avoir direct sur la visibilité, et comment on va aborder la nouvelle. [...] Est-ce qu'on va parler des athlètes où est est-ce qu'on va parler d'autres choses? », s'interroge l'ex-championne olympique.
Nathalie Lambert souligne que Marcel Aubut a fait un travail « assez extraordinaire » depuis son entrée en fonction, que ce soit sur le plan financier et sur celui de la notoriété du COC. « Cette œuvre-là n'est pas encore terminée, et malheureusement, cette semaine, elle est un peu entachée et un peu à risque. »
À long terme, poursuit-elle, le financement demeure « la pierre angulaire du bien-être des athlètes », et les répercussions d'un éventuel départ pourraient se faire sentir.
« On était vraiment sur une très bonne vague. Est-ce qu'on va pouvoir continuer de surfer sur cette vague-là sans quelqu'un comme Marcel Aubut, qui défonce des portes comme personne d'autre n'a réussi à le faire? [...] Je ne suis pas sûre que demain matin quelqu'un d'autre peut y arriver avec autant de succès. »
— Nathalie Lambert
L'absence de Marcel Aubut pourrait aussi coûter cher en terme de commanditaires. « Marcel avait beaucoup de doigté pour les convaincre, plus que n'importe qui d'autre que je connais », note-t-elle. « Peu de gens sont aptes à faire autant en si peu de temps ».