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Pourquoi y a-t-il plus de détenus, alors que le crime baisse au Canada? (VIDÉO)

Pourquoi y a-t-il plus de détenus, alors que le crime baisse? (VIDÉO)

La criminalité au Canada, notamment les homicides, a diminué de 50 % depuis 25 ans. Pourtant, la population des prisons elle, n'a fait qu'augmenter, en particulier depuis 2005.

Un texte de Jean-Michel Leprince

Statistique Canada dévoilait plus tôt cette année que le taux de crimes déclarés par la police est descendu à son plus bas niveau depuis 1969.

Source : Statistique Canada

« Il faut se réjouir de ces excellentes nouvelles qui démontrent que nos politiques de lutte contre le crime pour rendre nos rues plus sécuritaires fonctionnent », déclarait alors Steven Blaney, ministre de la Sécurité.

Population carcérale en hausse

S'il y a moins de criminalité, il devrait, donc, logiquement, y avoir moins de détenus dans les prisons. Or, le nombre de détenus sous responsabilité fédérale a augmenté de 17,5 % entre 2005 et 2014, selon un rapport de l'Enquêteur correctionnel du Canada, Howard Sapers.

Il soulignait notamment que « la taille, la complexité et la diversité de la population carcérale n'ont cessé d'augmenter ».

« Depuis mars 2005, la population carcérale sous responsabilité fédérale a augmenté de 17,5 %. Au cours de la même période, la proportion de détenus autochtones a crû de 47,4 % et la proportion de détenus de race noire, de plus de 80 %. »

— Howard Sapers, Enquêteur correctionnel du Canada

« Ces deux derniers groupes représentent maintenant 22,8 % et 9,8 %, respectivement, de la population carcérale totale », ajoutait-il.

M. Sapers observait aussi une hausse « des interventions nécessitant le recours à la force, des voies de fait et bagarres entre détenus, des griefs déposés par les détenus et des placements en isolement ». Et d'ajouter que le budget pour la construction de nouvelles unités dans les prisons a augmenté, tandis que celui destiné à la réinsertion sociale a diminué.

Le gouvernement a décidé de ne pas renouveler le mandat de M. Sapers, qui échoit en 2016, et lui cherche un remplaçant.

Depuis dix ans, le gouvernement conservateur a considérablement allongé la durée des peines et réduit l'accès aux libérations conditionnelles, en particulier pour les grands délinquants.

Le Parti conservateur souhaite aller plus loin en éliminant la libération conditionnelle automatique pour les délinquants récidivistes et violents.

Plus de la moitié des détenus en attente d'un jugement

Selon l'organisation non gouvernementale John Howard Society, 55 % des détenus sont en fait des prévenus, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas encore été jugés, donc présumés innocents.

C'est une tendance amorcée depuis 20 ans, sous la gouverne du Parti libéral : la mise en liberté sous caution avant procès est de plus en plus difficile à obtenir.

En 2012, les conservateurs ont adopté le projet de loi C-10, devenu la Loi sur la sécurité des rues et des communautés. Elle resserre les conditions de sursis, de libérations conditionnelles et de pardon.

Inquiétudes du milieu judiciaire

Ces données inquiètent plusieurs criminologues, notamment François Bérard, directeur de la Maison Saint-Laurent.

« Dans le monde occidental depuis 25 ans il y a une diminution de la criminalité. Les politiques répressives, punitives, ne fonctionnent pas. On le savait déjà, mais pour le gouvernement, c'est vendeur. Il s'entête à aller dans ce sens, alors que les politiques vraiment gagnantes pour ne pas récidiver, ce sont des politiques axées sur la réhabilitation et leur réintégration sociale », estime-t-il.

« On va à contre-courant par rapport à l'expérience et aux connaissances scientifiques dans ce domaine et ça va avoir des effets. »

— François Bérard

Plusieurs provinces et le Barreau du Québec contestent la Loi sur la sécurité des rues et des communautés (C-10) devant les tribunaux.

« Dans les années 70, on avait des émeutes, parce que justement il y avait des gens qui n'avaient plus rien à perdre. Tant qu'à rester ici, je vais faire une prise d'otage, une émeute, m'évader; ce genre de situation auxquelles on risque d'être confrontés dans les prochaines années », estime François Bérard.

« Je n'aimerais pas être gardien de prison dans 10 ans. »

— François Bérard

Yvon Barrière, vice-président du syndicat des gardiens de prison, se montre critique de ces politiques.

« J'ai l'impression que c'est une façon d'aller chercher encore plus de votes. Et c'est de la poudre aux yeux, parce qu'au niveau du système correctionnel, les membres du syndicat, nous croyons en la réinsertion et en la réhabilitation. »

— Yvon Barrière

Les gardiens de prison du Canada exercent actuellement des moyens de pression et font campagne activement contre le gouvernement Haper.

Quels sont les engagements des partis en matière de criminalité?